Lors de notre entretien, Benedikt Weibel évite le mot «risque résiduel». Il préfère parler de «probabilité résiduelle»: bien que le train soit très sûr en comparaison avec d'autres moyens de transport, les déraillements et les accidents ne peuvent pas être totalement exclus, explique celui qui a été le directeur général des CFF pendant de nombreuses années (1993-2006).
Le déraillement dans le tunnel de base du Gothard a fait remonter à lui des souvenirs du jour «qui a le plus changé sa vie, le 8 mars 1994». A l'époque, un train en provenance d'Allemagne et transportant des produits pétroliers avait déraillé près de Zurich-Affoltern.
«Le conducteur de la locomotive ne s'en est pas rendu compte et a continué à rouler. Au niveau d'un aiguillage, les wagons se sont renversés et ont explosé. Dans une zone résidentielle avec des immeubles».
Weibel s'en souvient comme si c'était hier. Trois personnes ont été grièvement blessées et plus de 100 personnes ont été évacuées. C'était le premier accident d'une série qui a secoué les CFF au début de l'été 1994.
Seulement 13 jours plus tard, une grue sur rails a fendu latéralement sept voitures d'un train rapide à hauteur de fenêtre près de Däniken. Neuf passagers ont perdu la vie, 21 ont été blessés, dont certains grièvement.
Et le 29 juin 1994, un train de marchandises transportant du chlorure hautement toxique a déraillé en gare de Lausanne: 400 litres du poison se sont écoulés. En raison du risque d'explosion et d'intoxication, une centaine de personnes ont été évacuées autour de la gare.
«Depuis, il ne s'est plus rien passé d'aussi grave dans le trafic ferroviaire en Suisse», explique Benedikt Weibel. Et ce, parce que de nombreuses mesures de sécurité ont été prises après les accidents. Entre autres, les chemins de fer ont développé un détecteur de déraillement pour les trains de marchandises.
Le détecteur, basé sur des capteurs d'airbag, a permis de remédier à ce défaut. «En Suisse, nous l'avons introduit pour certains trains, notamment ceux transportant des marchandises dangereuses», explique Weibel.
Le train accidenté au Gothard n'en était apparemment pas équipé. Benedikt Weibel ne s'exprime pas sur le cas concret. Il explique toutefois qu'aujourd'hui encore tous les trains de marchandises ne sont pas pourvus du dispositif, car il n'existe pas d'obligation internationale. Selon l'ancien patron des CFF, il existe un obstacle majeur:
Malgré tout, comment pourrait-on réduire davantage la «probabilité résiduelle» d'accidents avec des trains de marchandises? «Une possibilité consisterait à introduire une certification ISO obligatoire pour tous les wagons de marchandises».
Cela permettrait de contrôler régulièrement l'état de ces wagons selon des normes internationales uniformes. «Mais même dans le cas du train, l'un des moyens de transport les plus sûrs, les accidents ne peuvent pas être complètement exclus», rappelle Benedikt Weibel.
Traduit et adapté par Noëline Flippe