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La lettre qui a mis fin à la collaboration entre l’Unil et Israël

Lettre Israël-Unil.
Une manifestation devant l'Unil en mai 2024. Extrait de la lettre du recteur de l'Unil à ses homologues israéliens.Image: watson/keystone

Voici la lettre qui met fin à la collaboration entre l’Unil et Israël

Le recteur de l'Université de Lausanne, Frédéric Herman, a écrit une lettre que s'est procurée watson, dans laquelle il explique à la direction de l'Université hébraïque de Jérusalem pourquoi l'Unil rompt ses liens avec cette institution israélienne.
13.06.2025, 11:5313.06.2025, 12:35
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Dans une lettre datée du 12 juin que s’est procurée watson, le recteur de l’Université de Lausanne (Unil), Frédéric Herman, indique au président et au recteur de l’Université hébraïque de Jérusalem (HUJI), Asher Cohen et Tamir Sheafer, les raisons pour lesquelles l’Unil met fin à son partenariat avec cette institution israélienne.

Le même jour, imitant la décision de l’Université de Genève prise une semaine plus tôt à l’endroit de l’HUJI, Frédéric Herman annonçait dans une interview à 24 Heures la suppression de cette collaboration, alors qu’Israël est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par la justice internationale dans sa guerre menée à Gaza.

On apprend, dans cette lettre, que Frédéric Herman a joint ses homologues de l’HUJI le 24 janvier puis le 20 avril pour leur signifier à deux reprises la chose suivante:

«Le rectorat de l'Unil a refusé l'an dernier (en 2024) de suspendre immédiatement ses relations avec votre université, à la demande des membres de l'Unil qui réagissaient à la situation dans la bande de Gaza à la suite des attentats du 7 octobre. Il (le rectorat de l’Unil) considérait en effet qu'une telle mesure allait à l'encontre du principe de liberté académique.»

Disant se fonder sur des «données contextuelles» que sont les «mesures de précaution (édictées par la Cour internationale de justice) à l'encontre de l'Etat d'Israël» et les «mandats d'arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre de dirigeants de cet Etat, dont le HUJI est une institution publique», Frédéric Herman écrit que «le rectorat de l'Unil a mandaté son Comité d'éthique de la recherche pour entreprendre une évaluation approfondie, afin de s'assurer que les accords institutionnels entre l'Unil et le HUJI sont compatibles avec les principes éthiques fondamentaux tels que définis dans le rapport».

Résultat:

«La conclusion du Comité d'éthique de la recherche de l'Unil est que les conditions ne permettent plus un accord institutionnel entre l'Unil et HUJI»
Frédéric Herman dans sa lettre à l'HUJI

Sur ce, Frédéric Herman affirme:

«La position actuelle des autorités de l’HUJI concernant la guerre à Gaza et les décisions juridiques internationales prises dans ce contexte diffèrent fondamentalement de l'engagement de l'Unil en faveur du respect du droit international, de l'engagement civique en conformité avec les valeurs énoncées dans sa Charte et de la diligence nécessaire pour ne pas assister à de graves violations des droits de l'homme.»
Frédéric Herman dans sa lettre à l'HUJI

Dans un «préavis éthique» rédigé par ailleurs par le Comité d'éthique de la recherche de l'Unil, il est reproché à l’Université hébraïque de Jérusalem d’invoquer les procédures juridiques internationales en cours pour ne pas avoir à se positionner sur les accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Des «liens forts avec l’armée israélienne»

Dans ce même préavis, le Comité d'éthique de la recherche de l'Unil reproche à l’HUJI d’entretenir «des liens pouvant être qualifiés de forts avec l’armée israélienne, à travers trois programmes de formation de cadres et de spécialistes militaires, dont les dirigeants de l’université sont généralement fiers de souligner l’importance, pour l’université et pour le pays: les programmes appelés "Talpiot", "Tzameret" et "Havatzalot". Ce dernier implique la présence d’une sorte de caserne au sein du campus, protégé par des infrastructures de sécurité militaire, dans laquelle des soldat-e-s vivent, dorment et suivent leurs activités de formation.»

Rappelons qu’Israël est un pays disposant d’une armée de milice et qu’il se considère en quasi-état de guerre permanent depuis sa fondation en 1948, rejetée à l’époque par les pays arabes.

«En conséquence, l'Unil résilie...»

Frédéric Herman en vient à la décision prise:

«En conséquence, l'Unil résilie l'Accord de coopération entre l'Université hébraïque de Jérusalem (…) et l'Université de Lausanne, à travers sa Faculté des sciences sociales et politiques du 4 février 2021, ainsi que le mémorandum d'entente entre l'Université de Lausanne et l'Université hébraïque de Jérusalem du 2 mai 2022 et son annexe sur l'échange d'étudiants du 2 mai 2022».
Frédéric Herman dans sa lettre à l'HUJI

Cette résiliation, est-il précisé, sera effective au «31 janvier 2026» pour répondre aux obligations contractuelles, soit six mois après la dénonciation du partenariat par l’une des parties. Dans son interview à 24 Heures, le recteur de l’Unil précise, à propos ce programme d’échange, que «quelques-uns de ses étudiants (de l’HUJI) sont venus à l’Unil en 2024, aucun en 2025. Et aucun étudiant de l’Unil n’y est jamais allé».

«Oui mais» aux travaux entre chercheurs

Frédéric Herman ajoute que «l'analyse n'a pas révélé de contradictions éthiques à la poursuite des collaborations scientifiques actuelles entre les chercheurs de nos deux institutions. Au vu des questions éthiques complexes générées par le contexte actuel, l'Unil encouragera néanmoins ses chercheurs impliqués dans de telles collaborations à consulter son Comité d'éthique de la recherche afin de bénéficier d'un soutien éthique et d'une sensibilité aux conflits. L'objectif est d'assurer la possibilité de maintenir ces collaborations avec diligence et dans le respect de la liberté académique.»

Le recteur de l’Unil termine sa missive en ces termes:

«Permettez-moi de conclure en exprimant tous mes vœux pour que le conflit dans votre pays prenne bientôt une fin définitive et que les populations palestinienne et israélienne, qui ont enduré tant de souffrances, puissent à nouveau jouir des bienfaits de la paix»
Frédéric Herman dans sa lettre à l'HUJI

Frédéric Herman se tient à la «disposition» de ses homologues de l’HUJI «pour un échange direct par vidéoconférence, [s’ils souhaitent] obtenir des informations supplémentaires concernant le contenu de cette lettre».

-Le Mossad aurait installé une base de drones secrète en Iran
Video: watson
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