En validant, le 14 mars, le changement de nom du Collège de l’abbaye de Saint-Maurice, le Grand Conseil valaisan a-t-il ignoré la loi cantonale? Ce jour-là, à une très large majorité, 103 voix contre 22, les parlementaires ont rejeté un postulat soutenu par des députés UDC du Haut-Valais. Ceux-ci s’opposaient au changement de nom de ce lycée-collège, alors que l'abbaye de Saint-Maurice en tant que telle était engluée dans un scandale de pédophilie pour des faits survenus entre 1995 et 2005.
En novembre, l’émission Mise au point de la RTS avait révélé des cas d’abus sexuels impliquant neuf chanoines de l’abbaye, certains étant toujours en poste, d’autres, décédés. Ces révélations avaient l’effet d’un tremblement de terre dans un canton imprégné de catholicisme. Constitué suite à ces révélations, un groupe de travail présidé par l'ancienne conseillère d'Etat neuchâteloise Monika Maire-Hefti, rendait son rapport le 13 mars – un jour avant le vote au parlement cantonal sur le postulat des UDC hauts-valaisans.
Ce rapport aboutissait à deux décisions immédiates valant pour la rentrée 2024-2025: le collège s’appellera désormais Collège de Saint-Maurice (le mot «abbaye» passant à la trappe), les tenues des enseignants seront laïcisées (les prêtres assurant un enseignement ne pourront plus le faire en soutane).
En approuvant par défaut le changement de nom du collège saint-mauriard, les députés valaisans, écoutant le Conseil d’Etat présidé par le centriste (ex-PDC) Christophe Darbellay, par ailleurs chef du Département de la formation, ont-ils malmené la loi cantonale sur l’instruction publique?
C’est ce que pense l’écrivain Jean Romain, longtemps professeur de philosophie à Genève avant de retourner vivre dans son Valais natal. Joint par watson, il renvoie à l’article 71, alinéa 1 de ladite loi, qui dit ceci:
Pour que le changement de nom du collège en question soit conforme à la légalité, il faudrait d’abord, comprend-on, modifier la loi sur l’instruction publique qui comprend le terme «abbaye» en toutes lettres.
Su son blog L’1Dex, l’avocat-notaire valaisan Stéphane Riand, s’appuyant également sur l’article 71, alinéa 1 de la même loi, affirme que le changement de nom est «illégal». Il parle d’un «excès de précipitation», tout en écartant l’«abus de droit » ou l’«abus d’autorité». Selon lui, «la commission (réd: le groupe de travail) qui a préconisé ce changement n’a rien vérifié.»
Bien que défenseur de la laïcité, Jean Romain, ancien député PLR au Grand Conseil genevois, a dit récemment dans les colonnes du Temps tout son attachement à l’actuelle dénomination du collège saint-mauriard. Cet opposant à la cancel culture, y écrit :
Faut-il voir dans la disparition du mot «abbaye», telle qu’approuvée par le Grand Conseil valaisan, une forme de châtiment expiatoire pour des crimes sexuels commis par des chanoines d’une illustre institution religieuse, les faits reprochés ne concernant cependant pas, jusqu'à preuve du contraire, l'internat du collège?
Joint par watson, le conseiller d’Etat Christophe Darbellay a répondu par écrit aux critiques portant sur le changement de nom du lycée-collège:
Le mot «abbaye» accolé au collège sis à Saint-Maurice disparaîtra donc du texte de la loi à l'occasion de ce toilettage législatif. La révision de la LIP, actuellement en main du département avant transfert au parlement, pourra faire l'objet d'un référendum. Sur sa page Facebook, Jean Romain annonce qu'il ira au référendum si le parlement cantonal devait entériner la disparition de la mention «abbaye» du nom du lycée-collège saint-mauriard.