Pas 18. Pas 20. Pas 12. Mais 19. Dix-neuf degrés qui réveillent déjà des frissons chez une population suisse qui n'est pas chaude à marchander son confort. Les pays européens n'en ont cure: Guy Parmelin n'a que ce chiffre en bouche, alors que le pays d'Olaf Scholz a déjà bâché le débat: les immeubles allemands n'offriront pas plus de 19 degrés à ses citoyens frileux. C'est dit.
Cette semaine, Elisabeth Borne s'est montrée très claire sur BFMTV: «La règle, c'est de se chauffer à 19°C.» La première ministre française, comme d'autres politiciens à l'instar de Bruno Le Maire, ont décidé de ne s'afficher qu'en gros pull, quittant ainsi tailleur et cravate pour inciter les citoyens «à plus de sobriété».
Enfin, mercredi, les géants Coop et Migros ont annoncé, eux aussi, qu'ils refusent de chauffer leurs magasins au-delà de 19 degrés cet hiver.
Pourquoi tout le monde semble se focaliser sur une température aussi brutalement précise?
En France, par exemple, c'est carrément une loi. Un texte que peu de citoyens connaissent et que les autorités n'ont jamais véritablement fait respecter. Pourtant, ça date! La moyenne de 19ºC pour les logements et les locaux d'entreprises est inscrite dans le Code français de l'énergie depuis... 1978. Les bandits du chauffage risquaient déjà (et surtout en théorie) 1500 euros d'amende, bien avant que Vladimir Poutine ne vienne bidouiller le thermostat géopolitique mondial.
D'ailleurs, «limiter le chauffage à 19°C à l'intérieur» dès l'arrivée des premières neiges, ce fut le conseil donné par Emmanuel Macron il y a quelques jours. Or, la France est face à un problème tout aussi sérieux, mais qui sévit de l'autre côté du thermomètre: «Des millions de logements sont en précarité énergétique, à même pas 15°C tout l'hiver», expliquait à La Tribune Céline Laruelle, de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
En Suisse, on se blottit déjà contre le même mood. Si les pénuries annoncées s'avèrent réelles, le Conseil fédéral nous priera d'envelopper nos petits culs d'Occidentaux dans du 19ºC bien serré. Rassurez-vous: Guy Parmelin a déjà promis qu'aucun flic ne viendra vous embarquer à l'aube pour abus de température. Et, contrairement à la loi de nos voisins, la Suisse mise plutôt sur les normes. Coup de fil à Jean-Luc Juvet, conseiller en énergie pour le Jura bernois.
Lorsqu'on demande à notre interlocuteur pourquoi ces satanés 19 degrés font déjà froid dans le dos de beaucoup de Suisses, Jean-Luc Juvet en profite pour tacler notre soif insatiable de confort.
Nous voilà avertis. Reste un dernier débat qui fait rage chez les plus tatillons d'entre nous. Comment faire pour viser précisément les 19 degrés lorsqu'on ne peut compter que sur un vieux robinet qui nous offre un réglage sommaire de 1 à 5? Là encore, Jean-Luc Juvet ne prend pas de gants (ceux que vous devrez peut-être enfiler chez vous en décembre?) pour esquinter notre sédentarité crasse: «Si vous réglez votre radiateur sur "3", la pièce sera environ à 20 degrés.»
En d'autres termes, plus la température de 19º vous effraie, moins vous avez fait d'efforts par le passé pour réduire votre consommation d'énergie. Face à ce petit marché du centigrade qui s'annonce féroce, le simple petit pull en laine devrait se frayer un chemin royal.