Allez, mettons les pieds dans le plat directement. Quelle est la part de responsabilité des non-vaccinés dans cette nouvelle vague? «Il est compliqué de pointer ainsi les gens du doigt», hésite l'infectiologue du Chuv Serge de Vallière. Il reconnaît toutefois que si le taux de vaccination était plus élevé en Suisse, le pic actuel serait moins important.
Olivier Meuwly, juriste et historien de la démocratie, se montre encore plus catégorique: «Leur responsabilité est colossale. C'est là, le vrai problème.» A ses yeux, il n'y a pas de véritable alternative à la vaccination. «Les faits sont-là, pour ralentir le virus et les hospitalisations, c'est le seul moyen.»
Interrogée par watson mi-novembre, la bioéthicienne Samia Hurst rappelait toutefois: «Les personnes non-vaccinées font usage d’un droit que nous avons décidé ensemble de maintenir. C’est la conséquence de la décision que l’on a tous prise démocratiquement au moment de voter sur la loi sur les épidémies en 2013.» Elle ajoutait:
Parmi les non-vaccinés, une catégorie attire particulièrement l'attention de Serge de Vallière: les enfants. «Selon les dernières études, ils ont une immunité naturelle plus basse que le reste de la population et, ce n'est pas de leur faute, mais la plupart ne sont pas vaccinés.» Si l'infectiologue rappelle que ce n'est pas spécialement un problème pour les enfants, car ils tombent rarement malades, il pointe un autre problème:
De son côté, Olivier Meuwly s'attarde sur les anti-vaccins qui répandent de fausses informations. «Ils créent un climat extrêmement délétère qui conforte ceux qui hésitent à se vacciner dans leurs doutes». S'il reconnaît qu'il faudrait des sondages plus précis pour connaître l'impact réel de cette attitude, le spécialiste est convaincu que cela a une influence sur le taux de vaccination helvétique.
Et les vaccinés dans tout ça? Ont-ils aussi leur part de responsabilité? Au cours des derniers mois, ils ont notamment été pointés du doigt par certains pour leur relâchement face aux mesures sanitaires. «Certains se sont peut-être laissé aller depuis cet été, mais ce n'est pas ça qui a amené la 5e vague, sinon on l'aurait observée plus tôt», nuance Serge de Vallière.
L'expert rappelle que les vaccinés ne représentent qu'une petite partie des personnes infectées et hospitalisées, la majorité restant des citoyens non-vaccinés.
«Il est clair que le facteur saisonnier joue un rôle», observe l'infectiologue Serge de Vallière. Le spécialiste rappelle que la Suisse a connu sa vague la plus importante à la même période en 2020 avec jusqu'à 10 000 cas par jour.
Serge de Vallière souligne toutefois qu'il est compliqué d'expliquer précisément ce phénomène. Il pointe quelques possibilités: «On passe plus de temps à l'intérieur, on aère moins et l'air froid dessèche les muqueuses, ce qui fait qu'elles sont plus facilement attaquées par le virus.»
Présenté comme la solution miracle en 2020, le vaccin n'a finalement pas mis un terme à la pandémie. Au-delà du taux de vaccination qui reste insuffisant, l'un des enjeux tient au fait que son efficacité semble diminuer avec le temps. «Il est vrai que le nombre d'anticorps baisse au bout de 6 mois chez les gens d'un certain âge et que ce taux est important pour notre immunité», détaille Serge de Vallière.
Autre problème, si le taux d'anticorps d'une personne diminue trop, la contagiosité de cette dernière augmente. Le spécialiste met donc en avant l'utilité d'une injection de rappel. Mais il précise:
Aux yeux d'Olivier Meuwly, les autorités et le Conseil fédéral ont, dans l'ensemble, plutôt bien géré la pandémie au cours des derniers mois. «Même s'il est vrai qu'on a eu un retard assez incompréhensible sur la troisième dose», admet l'expert.
De son côté, Serge de Vallière observe que les 7 Sages ont cherché à préserver la loi Covid en n'imposant pas de nouvelles mesures à la population juste avant le vote. Un choix prudent, selon lui, même s'il reconnaît:
En ce qui concerne la communication des autorités, notamment sur la vaccination, nos deux experts se montrent unanimes. «Le Conseil fédéral a dit sur tous les tons que le vaccin était la seule solution. Quelle campagne aurait pu convaincre les anti-vax? On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif.»
Pour Serge de Valière aucun doute, Delta est responsable de la grande majorité des infections de ce cinquième pic. L'infectiologue souligne que le variant est un peu plus virulent et un peu plus transmissible que les précédents et qu'il a pris le dessus en Suisse:
«Omicron ne joue aucun rôle dans la 5e vague», affirme Serge de Vallière. En revanche, il reconnaît que les mesures prises pas le Conseil fédéral sont préventives face à l'arrivée de ce variant. «C'est de la prudence, en attendant d'avoir des informations plus solides.»
Si de nouveaux variants apparaissent, c'est notamment parce que toute une partie du globe n'est pas (suffisamment) vaccinée et que le virus peut donc continuer de muter. Les laboratoires pharmaceutiques ont été interpellés à ce sujet, certains experts leur demandant d'ouvrir les brevets de leurs vaccins pour en faciliter la diffusion.
«Pour des pays aux ressources limitées, acheter une dose 25 francs, c'est une dépense importante. Quand on voit les bénéfices réalisés par ces entreprises, on peut se demander si ce prix est justifié», reconnaît Serge de Vallière tout en regrettant que la communauté internationale ne soit pas davantage mobilisée pour offrir des vaccins à l'ensemble du globe.
Pour le juriste Olivier Meuwly, la responsabilité des inégalités vaccinales est plutôt à chercher du côté du programme international Covax. «C'était très mou. Les Etats riches auraient pu acheter davantage de doses pour les distribuer gratuitement.»
S'il y a une cinquième vague, c'est qu'il y en a eu une première. De ce point de vue là, la réaction ultrarapide de l'Afrique du Sud face au variant Omicron met encore davantage en lumière la lenteur avec laquelle la Chine a communiqué sur le Covid-19 au début de la pandémie. Pour Olivier Meuwly, aucun doute:
A ses yeux, le pays n'a pas pris la mesure du danger tout de suite et n'a pas alerté suffisamment vite la communauté internationale. «C'est une caricature de ce qu'il se passe dans ce genre de régime où on a peur de dire la vérité, peur d'être celui qui transmet une mauvaise nouvelle», affirme Olivier Meuwly.