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Critique de «Civil War»: la guerre comme si vous y étiez

Critique de «Civil War»: la guerre comme si vous y étiez. Le film d'Alex Garland, Civil War, vous met dans l'enfer d'une guerre civile américaine à travers l'objectif d'un app ...
Kirsten Dunst incarne dans Civil War une photographe aguerrie prête à tout pour le cliché parfait. A24

«Civil War»: la guerre comme si vous y étiez

Dernier film du réalisateur Alex Garland et du prestigieux studio A24, Civil War vous transporte dans l'enfer d'une guerre civile américaine au travers de l'objectif d'un appareil photo.
17.04.2024, 17:0117.04.2024, 17:15
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Les Etats-Unis n'ont plus connu une guerre sur leur sol depuis 1865, lors de la guerre de Sécession qui a vu s'opposer États abolitionnistes du nord et les Etats confédérés du sud. Le postulat de Civil War est de faire revivre au pays de l'oncle Sam une nouvelle division se déroulant dans un futur pas si lointain, et surtout plausible, tant le film semble porter les stigmates de l'assaut du Capitole et de la fracture actuelle du corps social américain.

Pas de parti pris dans Civil War, le film a l'intelligence de plonger le spectateur dans les derniers jours du conflit, laissant les tenants et les aboutissants de cette guerre dans un certain flou. Par le biais de quelques dialogues et d'extraits de journaux télévisés, on comprend que le Texas et la Californie ont mis de côté leur animosité entre républicains et démocrates pour devenir les Forces occidentales, un axe sécessionniste cherchant à renverser le président incarné par l’impeccable Nick Offerman (Park & Recreations), devenu un président despotique qui s’est brigué un troisième mandat. Celui-ci est à la tête d'une milice extrémiste qui tire à vue sur les journalistes et se rend coupable des pires exactions. Difficile de ne pas y voir une analogie à un Donald Trump qui refuserait la défaite.

De journalisme, c'est bien de cela que traite Civil War. Si de prime abord le film semble être un brûlot politique sur les dérives de l'Amérique trumpiste, le long métrage d'Alex Garland est avant tout un vibrant hommage aux reporters de guerre. Le film prend la forme d'un road trip à travers une Amérique en proie à la dévastation et l'anarchie. La caméra suit une équipe de reporters, qui, voyant l'avancée des sécessionnistes, décident de prendre la route jusqu'à Washington dans le but d'être les premiers à pouvoir interviewer le président et capturer sa chute en images.

Vidéo: watson

Civil War est le fruit d'un réalisateur visionnaire : Alex Garland. Ecrivain et scénariste de longue date, il s'est imposé en tant que réalisateur avec quatre longs-métrages notables: Ex Machina (2014) et Annihilation (2017) dans le registre de la science-fiction, avant de se lancer dans le film d'horreur avec Men (2022) et le film de guerre avec Civil War. Toutes ces œuvres ont pour point commun d'explorer la psyché humaine au travers du film de genre.

Le film est également une production du studio américain A24, qui, tel le label Blue Note pour le Jazz, est devenu un gage de qualité à Hollywood tant la maison enchaîne les films indépendants qui finissent aux Oscars et s'entoure de réalisateurs les plus en vue du moment comme récemment avec Yorgos Latimos et ses Pauvres Créatures ou Jonathan Glazer avec La Zone d'intérêt.

Le pouvoir des images

Dans ce roadtrip en terre désolée, le film suit deux femmes, incarnées avec brio par deux actrices passées chez Sofia Coppola: Kirsten Dunst (Virgin Suicides),une photo-reportrice de légende et Cailee Spaeny (Priscilla), une jeune novice qui découvre le métier au travers de son appareil photo argentique. Avec elles, Joel (Diego Moura) un fixeur accro à l'adrénaline et Sammy (Stephen McKinley Henderson), un gratte-papier qui souhaite signer un dernier coup de maître avant sa retraite.

Critique de «Civil War»: la guerre comme si vous y étiez. Le film d'Alex Garland, Civil War, vous met dans l'enfer d'une guerre civile américaine à travers l'objectif d'un app ...
Jesse (Cailee Spaeny), la novice qui va découvrir l'horreur de la guerre en même temps que le spectateur.

Avec ses personnages féminins que sont Lee (Kirsten Dunst) et Jesse (Cailee Spaeny), Alex Garland rend hommage aux grands noms du photoreportage comme Lee Miller, ancien mannequin devenu photographe durant la Seconde Guerre mondiale ou encore Donald McCullin, qui couvrit notamment la guerre du Vietnam dans un noir blanc sidérant.

Le film, dans sa forme, est d'une radicalité rarement vu au cinéma. Point de romance ni d'invraisemblance, Civil War est un film brut et sans concession. Alors que les balles sifflent et les corps tombent dans un bruit sourd, les reporters sont à couvert et n'hésitent pas à s'exposer, quitte à braver la mort, dans le but de documenter l'histoire. Des soldats de la vérité dont l'objectif a remplacé le fusil, mais soumis aux mêmes horreurs que les combattants qu'ils suivent. Par le biais du personnage de Jesse, nouvelle venue dans le métier, le spectateur découvre la dissociation émotionnelle qu'implique un tel travail. Une dissociation que le personnage de Lee incarne à merveille, elle qui en a trop vu et qui ne ressent plus rien. Kirsten Dunst, malgré ses trois décennies de carrière, porte ici un de ses meilleurs rôles, dont les jeux de regards sont bien plus forts que les mots.

Si Civil War est si efficace dans son immersion, c’est parce qu' Alex Garland est allé chercher son inspiration dans le documentaire. Il explique notamment avoir été marqué par Under the Wire (2018), qui raconte l'histoire de la correspondante de guerre du Sunday Times, Marie Colvin, et du photographe Paul Conroy, qui en 2012, furent piégés à Homs en Syrie, une ville assiégée et soumise aux attaques des Forces armées arabes syriennes. On pense également au film Les Fils de l'homme (2006) d'Alfonso Cuarón, chef-d'œuvre de science-fiction dystopique qui lui aussi prenait la forme d'un voyage dans une Angleterre plongée dans le chaos.

Une critique sans concession

Alex Garland signe un grand film. Un film qui déboussole par son manque d'émotion malgré l'horreur et par son plongeon en plein cœur d'un conflit dont on ne sait rien. Il enchaîne durant tout son voyage des scènes spectaculaires, dérangeantes et parfois touchantes, ponctuées par les clichés pris sur le vif des deux reporters, affichant à l'écran des moments d'authenticité subliminaux.

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Jesse Plemons, dans une scène terriblement glaçante. A24

Si le film laisse un sentiment de déjà-vu par son côté roadtrip post-apocalyptique, il a l'intelligence d'interroger le spectateur quant aux conséquences possibles d'un pays fracturé où près de la moitié des citoyens disposent d'une arme à feu. Le film pose également un regard passionnant sur les métiers de la presse et de la quête irrationnelle du scoop et de l'image parfaite, quitte à y laisser la vie. Difficile de ne pas penser à ceux qui, à Gaza ou en Ukraine, risquent leur vie pour montrer les exactions commises, et une forme de vérité à l'heure où celle-ci n'a plus vraiment de sens. Au temps des fake news et de la crise de la vérité journalistique, qu'elle soit infligée par la recherche d'audience, par des médias extrême droite où par les réseaux sociaux, Civil War remet le métier de journaliste au centre de ses valeurs: sur le terrain.

Sortir un tel film à quelques mois des futures élections américaines fait de Civil War un film manifeste qui exprime, avec brio, l'escalade dans lequel le monde occidental pourrait basculer. De ce fait, il en fait un des films indispensables de cette année, dont vous auriez tort de vous priver.

Civil War d'Alex Garland est sorti sur les écrans romands le 17 avril 2024. Durée: 109 minutes.

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