Sur le papier, la comédie française Super Bourrés promet aux amateurs d'humour franchouillard un bon moment dans les salles obscures. Une histoire de biture intergénérationnelle dans le Sud-Ouest de la France, où les habitants ne pensent qu'à picoler malgré les tentatives de la maire de freiner la consommation d'alcool, une bande de jeunes qui terminent le lycée et qui veulent fêter ça.
En bonus, un casting de guest stars qui donne envie de tout plaquer et d'aller se caler sur une terrasse pour l'apéro: Chicandier, l'humoriste français connu pour gueuler «et paf!» quand il ouvre une bouteille, et celle de Jean Lassalle, ex-candidate à la présidentielle française (associé lui aussi volontiers à l'art du lever du coude).
En somme, la recette idéale pour s'offrir une bonne tranche de rigolade. Mais malheureusement pour lui, le film souffre du syndrome de la bande-annonce: ce qui fonctionne le mieux tient dans ces extraits.
Janus et Sam, incarnés par Pierre Gommé et Nina Poletto, qui fait ses débuts d'actrice dans ce film, doivent trouver de l'alcool pour la soirée de fin de lycée. Après quelques péripéties un poil tirées par les cheveux, les deux ados découvrent une vieille machine pour faire de l'eau-de-vie, qui appartenait au père de Janus, décédé au volant après une soirée trop arrosée. Le père de Sam, lui, est producteur de pruneaux. Bingo, eau-de-vie de pruneaux pour tout le monde.
Avant de pouvoir lancer leur distillerie clandestine, les deux ados doivent se rendre chez le grand-père de Janus, joué par Jean Lassalle, pour apprendre à utiliser l'alambic. L'ancien député français y est assez convaincant. Pour qui se souvient du sondage «avec quel candidat à la présidentielle voudriez-vous partager une bière?» réalisé en France en 2022, et du résultat de Lassalle, arrivé en tête avec 39% des voix, la scène fait sourire, le personnage est bien incarné.
Si le film, premier long-métrage de Bastien Milheau, nous laisse parfois sur notre soif, il devrait tout de même décrocher des rires chez les spectateurs, surtout chez les adeptes de blagues souvent un peu «pipi-caca». Exemple? Qui dit famille productrice de pruneaux dit... monologue sur les bienfaits dudit fruit sur le transit intestinal.
On n'échappe pas non plus à la scène un brin consternante avec des flics, un âne et un gode. La maire, mère de Janus, est l'incarnation même de la génitrice cliché, qui passe son temps à emmerder son fils et les villageois qui ne pensent qu'à boire. La prof des lycéens, qui semble avoir envie de faire bouffer leurs pupitres aux élèves les plus idiots, est, elle, réellement drôle.
Chicandier et Jean Lassalle apparaissent dans chacun une scène. Le premier fait du Chicandier, à beugler sur des flics de campagne, le second fait l'apologie de la picole. Encore une fois, de manière très convaincante.
L'humour dans Super Bourrés n'est pas assez subtilement absurde pour titiller les amateurs de Dupieux, pas assez potache pour chatouiller les fans de Chabat, pas assez con pour amadouer les passionnés de Dujardin, et pas assez beauf pour émouvoir les adeptes de Dubosc. Bastien Milheau n'a pas (encore) l'étoffe des chantres de la comédie française, mais il sait tout de même nous emmener dans son univers, dans son Sud-Ouest, et davantage dans l'émotion, les liens qui unissent ses personnages, que dans l'humour souvent maladroitement amené.
Car l'amitié entre les deux jeunes de 17 ans, lui, le gringalet qui ne boit jamais une goutte, elle, la joueuse de rugby brute de décoffrage, est plus crédible que les tentatives de faire rire. Il y a quelque chose de sincèrement touchant dans l'histoire de ces deux ados, amis depuis l'enfance, qui s'emmerdent dans leur patelin. La relation entre Sam et Janus, qui traceront leur route dans des directions opposées l'année suivante, est ce qui fonctionne le mieux dans le film.
Le Toulousain Bastien Milheau raconte également avec beaucoup de justesse, pour qui connaît le coin, la lenteur d'une vie tranquille dans ce village du Sud-Ouest. Une lenteur qui donne tantôt envie de plaindre ces gosses désœuvrés, tantôt envie de foncer y vivre avec les petits vieux qui jouent et qui trinquent à longueur d'année.
On va ainsi voir Super Bourrés, coproduit par Netflix, pour revivre ses jeunes années, et se rappeler avec nostalgie à quel point la vie était simple quand le principal souci est de trouver de quoi arroser une fête de fin d'études. On se prépare davantage à être touché par l'amitié qui lie Sam et Janus qu'à repartir du cinéma avec des courbatures aux abdos. Et puis le film ne dure que 79 minutes: on a le temps d'aller ensuite rendre hommage à ces villageois alcooliques et aux paysages du Sud-Ouest en s'ouvrant une bonne bouteille après la séance. Santé!
«Super Bourrés», dans les salles romandes dès le 30 août.