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Biopic "Back To Black": pauvre Amy Winehouse

Biopic "Back To Black": pauvre Amy Winehouse.
image: getty, montage: watson
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Pauvre Amy Winehouse

L'ange irremplaçable de la soul, décédée le 23 juillet 2011 à 27 ans, s'apprête à mourir une deuxième fois. C'est l'impression que nous offrent les (nouveaux) extraits du biopic Back To Black, deux semaines avant sa sortie. Ses fans, eux, sont dans une colère insurmontable. Quand on sait que rater un film biographique revient souvent à cracher sur une tombe, le jeu en vaut-il la chandelle?
02.04.2024, 18:4702.04.2024, 18:47

La liste est bientôt plus longue que leur propre existence. Bob Dylan, Michaël Jackson, Maria Callas, Sarah Bernhardt, Charles Aznavour, Bruce Springsteen, The Bee Gees ou encore Julio Iglesias attendent patiemment leur tour. Jusqu'aux Beatles, qui vont manifestement devoir supporter un film par musicien. L'arme du crime? Des biopics en tournage, en montage ou en devenir. Il faut dire que l'artiste déjà sacré (et souvent déjà été enterré) est devenu, en quelques années, la chair à saucisse préférée d'une industrie qui a bientôt épuisé tout le catalogue Marvel.

L'impulsion est souvent la même. Des studios, effrayés par l'inconnu, paient un cinéaste pour concasser la vie et l'œuvre d'une star, de préférence mondiale et morte. En ce doux mois d'avril, c'est la réalisatrice de Fifty Shades Of Grey, Taylor-Johnson, qui promet de nous rappeler au bon souvenir d'Amy Winehouse, en deux heures et deux minutes. Pour parvenir à ses fins, la Britannique a engagé une actrice sommée de lui ressembler, moyennant postiche, maquillage, cours de diction et de chant.

Et c'est tombé sur Marisa Abela:

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Hélas, c'est beaucoup plus sournois que cela, puisque cette jeune actrice, épatante dans la série Industry, a dû «devenir» Amy Winehouse. Se glisser dans la peau et les cordes vocales de l'ange noir de la soul, en aspirer l'essence, la moelle, les affres et le timbre, pour être en mesure d'en recracher un fidèle échantillon. Une responsabilité casse-gueule, une mission impossible, que personne ne devrait avoir à assumer. On n'incarne pas une récente légende de la musique comme on campe un tueur en série dans un docu-fiction sur Netflix.

Ces derniers jours, les réseaux sociaux offrent un sévère aperçu de l'accueil réservé au projet de Sam Taylor-Johnson. Basés sur de nouveaux extraits de ce Back To Black, en salle dès la mi-avril, les avis sont aussi tranchés qu'une gorge sous la lame d'une guillotine. Et «l'irrespect» trône au sommet des frondes.

«Cette merde est en fait très irrespectueuse. Nous avons besoin de justice pour Amy Winehouse»
Un internaute inconsolable sur X.

L'enjeu n'a rien d'anecdotique. La mémoire d'un humain, qui plus est responsable des plus beaux souvenirs de millions d'adolescents pendus à des refrains, c'est sacré. D'ailleurs, quel est le public d'un biopic, sinon ceux qui connaissent l'artiste, un peu, mais pas trop? Ceux qui chantonnent le tube Rehab au karaoké, sans trop réaliser qu'Amy y évoque sa mort avant l'heure? Ceux qui se déhanchent sur Back To Black en oubliant volontairement qu'elle y essuie ses larmes sur la «bite encore trempée» de son «bébé», Blake Fielder-Civil, parti avec une autre?

Ce public, quel qu'il soit, n'y est pour rien, mais se retrouve à la merci d'une industrie bien décidée à rentabiliser la carrière des autres à peu de frais.

Les producteurs ont évidemment tout intérêt à passer poliment en revue la vie tumultueuse d'une star après son décès. C'est moins risqué. Les dérapages sont contrôlés, les descentes aux enfers romantisées. A une époque où le rock et la drogue ont disparu des hit-parades, résumer le destin aussi brillant que funeste d'une Amy Winehouse n'échappe par à un certain esprit de parc d'attractions. Si le train fantôme n'a jamais effrayé personne, c'est bien parce que les ingrédients de l'angoisse y sont exposés comme dans un musée.

«Regardez, c'est Amy Winehouse. Elle était talentueuse. Elle prenait beaucoup de drogue. Elle est morte à 27 ans. Bon film à tous»

Bien sûr, les exceptions existent. Quand les bonnes surprises surgissent, la ressemblance parfaite avec le modèle est superflue (Blonde) et l'aventure est personnelle, présentée comme une œuvre «librement inspirées de» (Amadeus). Un détail qui souligne une volonté immédiate de distance et de respect des vivants, puis des morts. Alors que la planète s'apprête à amortir les trente ans de la disparition de Kurt Cobain, lui aussi membre du sinistre club des 27, on se souvient qu'il a réchappé au traditionnel biopic.

L'exemple de Kurt Cobain

Son suicide, d'une balle dans la bouche, survenu le 5 avril 1994, a néanmoins bouleversé le réalisateur américain Gus Van Sant. Et plus particulièrement les derniers jours du leader de Nirvana, qu'il imagine isolé dans sa (trop) grande propriété de Seattle. Des années d'introspections qui vont finir par hanter Last Days, sorti en 2005. Un film dans lequel l'acteur Michael Pitt ne s'appelle pas Kurt Cobain. Un film dans lequel il n'interprète pas les chansons de Nirvana. Où Asia Argento n'a pas eu à singer Courtney Love.

Un parti pris, un hommage.

En d'autres termes: une fiction.

Hélas, trop souvent, le film biographique est au cinéma ce que le zoo est à la savane: enfermer des êtres sauvages, exceptionnels, majestueux, pour en exposer la liberté d'autrefois, à nous, foules ordinaires. Une logique qui transforme irrémédiablement tout cinéaste en un vulgaire tour-opérateur, soumis aux étoiles de TripAdvisor. Car si le verdict des fans est toujours irrévocable, il le sera d'autant plus à la sortie de Back To Black, dans quelques jours, si le film confirme les craintes des amoureux d'une chanteuse irremplaçable, dont la mort a figé l'aura pour toujours. Ce sera éternellement trop tôt pour s'attaquer à Amy Winehouse.

Et rater l'exercice reviendra à cracher sur une tombe.

Le jeu en valait-il la chandelle? Réponse bientôt.

Back To Black | bande-annonce
Video: watson
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