Société
Musique

Qui a tué Amy Winehouse?

La vie tumultueuse de la chanteuse Amy Winehouse va faire l'objet d'un biopic en salles au printemps 2024.
La «princesse des ténèbres» et déesse de la soul, Amy Winehouse, décédée à l'âge de 27 ans, s'apprête à faire l'objet d'un nouveau biopic cette année.montage: watson

Qui a tué Amy Winehouse?

13 ans après sa disparition, elle fascine toujours. Retour sur les vices et les tourments qui ont conduit à la mort du prodige musical et princesse des ténèbres, Amy Winehouse.
14.01.2024, 06:5315.01.2024, 07:47
Plus de «Société»

A ses prémices, la vie d'Amy Winehouse n'a rien d'un drame annoncé. Amy, c'est d'abord une petite meuf pas très jolie, rigolote, à la tignasse noire et aux dents trop carrées, un poil turbulente (mais «pas mal élevée», précise son père Mitch au détour d'une interview, en 2007). Une enfance normale à East Finchley, dans la banlieue nord de Londres. Des parents banalement séparés. Mitch est chauffeur de taxi, Janis pharmacienne. A la maison, on écoute du jazz. Beaucoup, tout le temps.

Le talent

Son don pour le chant n'est pas une évidence. Amy n'aspire même pas à devenir musicienne. Plutôt comédienne ou «serveuse sur patins à roulettes». C'est son grand frère, Alex, qui lui apprend la guitare. Elle achète la sienne à l'âge de quatorze ans, écrit ses propres textes à quinze. L'idée des études est vite abandonnée. A peu près au même moment, elle découvre l'herbe et une voix. La sienne. Un timbre puissant, rauque, sensuel, au goût de whisky et de clopes. Un chant d'une autre époque, fait pour les hymnes tristes.

«Elle n'écrit que des chansons basées sur son expérience personnelle, et elles sont toutes plus ou moins douloureuses. C'est dommage. Mais elle est comme ça»
Mitch Winehouse, au Times, en 2008.

Triste, peut-être qu'Amy l'est déjà. Pour elle, écrire, c'est souffrir. Ou l'inverse. «Comme j'avais un frère aîné, j'ai fait beaucoup de trucs du style 'Oh, la vie est tellement déprimante' avant même l'âge de douze ans», glisse-t-elle au magazine Rolling Stone, en 2007. «A l'époque, je lisais J.D Salinger – ou ce que mon frère lisait – et je me sentais frustrée-»

Amy, en 2002, avant que le succès et les déboires qui lui brûlent les ailes.
Amy, en 2002, avant que le succès et les déboires qui lui brûlent les ailes.reddit

Frustrée, d'accord, mais elle sait déjà captiver son public. La nuit, au milieu des éclats de rires et des pintes de bière, Amy se hisse sur le bar, s'empare de sa guitare et se met à chanter. «Alors, tout le monde s'arrêtait, envoûté», se souvient Dougie Charles-Ridler, propriétaire du pub Hawley Arms et ami de longue date, au Guardian.

Pour en savoir plus sur le film...

L'amour

Premier contrat, premier album, premier succès critique et premier appart rien qu'à elle. Amy a choisi Camden. Un aimant bourdonnant, le lieu où il faut être. Un quartier où on peut tout acheter. Surtout des drogues. La chanteuse devient la copine de Pete Doherty et un incontournable des bars du coin. Et c'est dans son «local» préféré, sur fond de blues des années 60 sur le juke-box, qu'elle rencontre l'homme qui va tout changer. Son «bébé». Blake Fielder-Civil.

(EXCLUSIVE, Premium Rates Apply) Amy Winehouse and husband Blake Fielder-Civil (Photo by Shirlaine Forrest/WireImage)
Les amants terribles, en 2007.WireImage

Le début d'une passion folle, tumultueuse, toxique. «Après avoir rencontré Blake, Amy a changé du jour au lendemain. Sa personnalité est devenue plus distante. Et il me semblait que c'était dû à la drogue», raconte Nick Godwyn, son premier manager. «Quand je l’ai rencontrée, elle fumait de l’herbe, mais elle pensait que les gens qui prenaient des drogues de classe A étaient stupides. Elle se foutait d’eux.»

«Je suppose que si vous avez une personnalité addictive, vous passez d'un poison à l'autre»
Amy Winehouse, au Rolling Stone, en 2007.

Une liaison trop brûlante, trop rapide. Amy a Blake dans la peau. Plus précisément, au-dessus du sein gauche, sur son cœur. L'apparition du tatouage coïncide avec une période de sautes d’humeur violentes, où se mêlent alcool, drogues, anorexie, boulimie. A mesure que son corps s'affine et disparaît sous les tatouages, la choucroute capillaire enfle et le trait d'eye-liner s'épaissit.

LONDON, UNITED KINGDOM - APRIL 19: Amy Winehouse and Blake Fielder-Civil are seen on April 19, 2007 in London, England. (Photo by Mark Milan/ FilmMagic)
La séparation du couple, en 2006, est à l'origine de l'écriture de Back to Black.Image: FilmMagic

Tromperie, chagrin, rupture. Blake quitte Amy pour retourner vers son ancienne petite amie. Détruite, la musicienne déverse son mal-être dans un nouvel album au nom évocateur, Back to Black. «Les chansons s'écrivaient littéralement toutes seules», expliquera-t-elle.

«C'était très cathartique. Je n'avais jamais ressenti ce que je ressens pour lui envers qui que ce soit dans ma vie. Je pensais que nous ne nous reverrions plus jamais. Je voulais mourir»
Amy Winehouse, au Rolling Stone, en 2008.

La fame

Comme toujours avec Amy, le malheur lui réussit. Back to Black se pose comme l'album le plus vendu au Royaume-Uni de l'année 2007. L'un des plus gros succès musicaux du 21e siècle. Le succès est mondial. Impossible à gérer pour cette «anti-célébrité».

«C'est dommage qu'on ne puisse pas apprendre à quelqu'un à gérer la célébrité»
Raye Cosbert, ancien directeur d'Amy Winehouse.

Les quelques journalistes à la rencontrer se heurtent à une personnalité discrète, réticente à se livrer, souvent distraite. Une anti-Diana, une reine des ténèbres, qui aime le contact avec les gens ordinaires, s'enfiler une pinte et jouer au billard avec les éboueurs et habitués de son local. Amy vient garnir les rangs des artistes que la notoriété ronge et détruit. Une autre Britney Spears, dont la vie entre drogue, sexe, automutilation et rock'n roll la transforme en proie idéale pour les paparazzis.

LONDON, ENGLAND - APRIL 23: Amy Winehouse and a female friend do a spot of late night shopping at a local cornershop in Camden on April 23, 2008 in London, England. (Photo by Will/GC Images)
Les photos d'«Amy sous crack» rapporteront pas moins de 50 000 livres au dealer qui les a prises.GC Images

Véritable supernova, Back to Black marque aussi le retour de Blake, en février 2007. Pour le meilleur et pour le pire. Surtout le pire. Avec un employé de la mairie de Miami et la modique somme de 130 dollars, Amy Winehouse épouse son «bébé». Le déclin est définitivement amorcé.

«Amy et Blake forment une paire d'âmes autodestructrices capables d'être la meilleure comme la pire chose qui soit jamais arrivée l'une à l'autre»
Rolling Stone, lors d'une interview le jour de le mariage, le 18 mai 2007.

De la douceur du hamburger-frites servi à leur cérémonie, leur mariage prend vite un goût de sang, de violences conjugales, d'héro, d'ecsta, de coke, de kétamine et de vodka, quand ce n'est pas de tranquillisant pour chevaux. Un cocktail explosif. L'overdose, inévitable, conduit Amy à l'hôpital. S'en suit une première brève cure de désintoxication. Sans effet. Sur les huit semaines que doit durer leur traitement, le couple ne restera que trois jours. Amy l'avait promis. She won't go to rehab, no no.

«Nous la regardons se tuer à petit feu. C'est comme assister à un accident de voiture. Je me suis déjà faite à l'idée qu'elle était morte. Je me suis préparée à lui demander sur quelle terre elle veut être enterrée, dans quel cimetière»
Janis Winehouse, sa maman, en 2008.

Quelques mois plus tard, Blake est condamné à 27 mois de prison pour agression physique et tentative de corruption. Amy est dévastée. Son état s'aggrave encore. Cette année-là, elle remporte cinq Grammys. Mais le public est depuis longtemps passé de l'anticipation d'un nouvel album à celle de la prochaine crise de nerfs ou d'un autre concert gâché.

ARGANDA DEL REY, SPAIN - JULY 04: Amy Winehouse performs on stage during Rock in Rio Day 3 on July 04, 2008 in Arganda del Rey, near of Madrid. (Photo by Carlos Alvarez/Getty Images)
Getty Images Europe

La fin

Le 23 juillet 2011, Amy est seule. Une soirée à l'image de cette année. Solitaire, morose. La reine des ténèbres ne voit plus grand monde. Quelques jours plus tôt, sa tournée de «retour» de 12 dates à travers l'Europe a été annulée. La faute à une énième apparition sur scène désastreuse, à Belgrade. Ivre, en retard, la diva de la soul est à peine capable d'aligner les mots. Le concert s'achève sous les huées des fans déçus.

Ce soir-là, Amy joue de la batterie et chante jusqu'au petit matin. Son garde du corps témoignera par la suite avoir entendu ses pas, au-dessus de sa tête, pendant un moment. Puis le silence. Ce n'est que le lendemain, vers 16 heures, lorsqu'il vient la tirer du sommeil, qu'il réalise qu'Amy est morte. Elle avait 27 ans. L'enquête conclura à une «surdose accidentelle d'alcool». Elle aurait pu tout aussi bien accuser son immense talent. Son amour viscéral. Sa célébrité destructrice. Bref, les démons de la princesse des ténèbres.

LONDON, UNITED KINGDOM - JULY 23: Amy Winehouse vigil outside Amy Winehouse's North London home on July 23, 2011 in London, England. Singer Winehouse, 27, was found dead today. (Photo by Sylvia L ...
Getty Images Europe
Back To Black | bande-annonce
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
«Le couple appauvrit les femmes et enrichit les hommes en Suisse»
Les inégalités économiques sont particulièrement importantes au sein du couple en Suisse. De nombreux mécanismes structurels et culturels expliquent cette situation, qu'on retrouve dans les chiffres.

Ce samedi 14 juin, des milliers de personnes vont descendre dans la rue dans toute la Suisse à l'occasion de la grève féministe. Tout comme les années précédentes, une attention particulière sera portée à la lutte contre la discrimination salariale. «L’égalité est encore loin d’être atteinte», rappelle le comité. En effet, selon les derniers chiffres de la Confédération, les femmes gagnent en moyenne 16,2% de moins que leurs collègues masculins.

L’article