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«Nouvelle école» saison 2: Netflix, bonnet d'âne du rap

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Netflix, bonnet d'âne du rap français

Jury sans arguments, réalisation bancale, rap «généraliste»: si la seconde édition de Nouvelle école s'inspire de la première, merci, mais on vivra mieux sans.
05.04.2023, 18:5517.04.2023, 12:11
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Netflix s'attendait à ce qu'on la remercie. Evidemment, au début, c'est ce que tous les rapophiles se sont empressés de faire. Fusionner un genre musical longtemps dénigré par les producteurs de télévision avec le divertissement grand public: tel se dessinait l'ambition vivement applaudie de Nouvelle école.

Tout semblait si idyllique:

Sauf qu'un mois plus tard, à l'issue des huit épisodes de ce télé-crochet rap, la déception a massacré le rêve des passionnés: la plateforme de streaming a presque tout raté. Mais donnant davantage de crédit à ses audiences performantes qu'aux nombreuses critiques justifiées, Netflix a décidé mardi 28 mars qu'on allait à nouveau se coltiner cet enfer pour une seconde édition.

Jury à la ramasse

L'emballage donnait pourtant méchamment envie. Pour juger les talents du rap, Netflix avait fait appel à SCH, Shay et Niska. Trois techniciens du verbe qui ont reçu la validation de leurs paires au cours de leur carrière. Si l'alchimie du trio – et plus particulièrement celle entre la Belge et le Parisien qui avaient déjà collaboré sur Liquide (2019) – a particulièrement bien fonctionné, ce constat s'avère être l'un des deux seuls points positifs qui entourent ce jury.

SCH, Shay et Niska, durant le tournage du premier épisode de la saison 1 de Nouvelle école.
SCH, Shay et Niska, durant le tournage du premier épisode de la saison 1 de Nouvelle école.netflix

Public et journalistes spécialisés se sont majoritairement accordés: les trois experts de Nouvelle école, saison 1, ont failli à leur mission principale: «Il leur manque souvent et effectivement un poil d’esprit critique et d’argumentaire». Un poil? Le magazine Interlude est gentil. Shay a quotidiennement été mise au pilori par les internautes pour son manque de maturité. La «jolie garce» connue pour ses textes piquants a trahi sa proverbiale rigueur en favorisant presque continuellement la complaisance au factuel. Elle justifiera plus tard au micro de BFMTV que:

«Cette position de jury, c'est quelque chose qui fait peur. De devoir dire non à quelqu'un, c'est dur»
Shay, rappeuse belgebfmtv

Dans ce cas-là, on n'accepte pas le job. On n'aurait pu compter sur Niska qui avait prouvé, dès le coup d'envoi, avoir les épaules pour tenir le rôle de coach. Cette allure s'en sera allée aussi vite que le sérieux de l'émission. Les épisodes allant, le «méchant méchant» a progressivement manqué de mots, laissant alors souvent la parole à son collègue de Marseille.

Car dans cette pénurie de professionnalisme, il n'a jamais été aussi aisé pour SCH de s'accaparer le statut de maître du jeu: ce sera souvent lui qui annoncera les festivités, donnera la réplique à ses co-jurés, tout en délivrant aux candidats des critiques et conseils objectifs leur permettant de vraiment évoluer. Il faudra arriver à la finale du concours pour à nouveau apprécier quelques commentaires convaincants de la part de Niska. Quant à l'œil aiguisé de Shay, entre jugements physiques et mimiques hyperboliques, il restera coincé dans les limbes du superflu.

Réalisation bas de gamme

Les expertises constituent pourtant l'essence même de l'émission américaine, dont la version française avait, au départ, revendiqué être du même sang. Or, cette dernière a continué d'esquinter le concept de Rythm + flow en misant sur une réalisation bancale.

La bande-annonce de la première saison de Rythm + flow:

Vidéo: youtube/netflix

C'est à croire que la plus célèbre des plateformes de streaming n'avait pas foi en ce projet francophone. L'unique scène qui accueillera quasiment toutes les étapes du show a souvent fait face à une foule clairsemée. L'énergie globale des spectateurs proche de zéro a de fait forcé les monteurs à régulièrement avoir la main lourde sur la gestion du volume des applaudissements et cris épars. Cela pour un résultat amateur qui nous fait douter: sommes-nous sur Netflix ou sur une chaîne régionale?

Alors qu'aux Etats-Unis, Chance the rapper, Cardi B et T.I. bénéficient chacun d'une diffusion d'une heure pour dénicher les pépites de leurs villes respectives, la France a jugé mieux de n'émettre que dix minutes par région pour mettre en lumière les talents. Résultat: les performances étaient précipitées, tout comme la majorité des conseils des experts. Lesquels, pour couronner le tout, se voyaient accompagnés de collègues du milieu rarement investis. A commencer par Naps:

«T'as vu, quand j'ai commencé, j'étais le plus nul. Au début, on est tous nuls. Après, euh, t'as vu, tu performes. Faut rien lâcher»
Le rappeur Naps, arrivé après la performance du talentépisode 1 de «nouvelle école»

On remarquera au fil de ce concours de musique que cette manière de produire vise davantage une dramaturgie qui fait les recettes de presque toutes les émissions de la plateforme au N rouge: faire pleurer dans les chaumières et impulser inutilement le rythme cardiaque. Problème: la flagrance de cette excessivité a desservi la promesse de Nouvelle école: trouver «la pépite du rap». Encore faut-il que l'on soit tous au clair sur ce qu'est du bon rap. Et la leçon de Netflix à ce sujet s'est révélée affligeante.

Rendu consensuel

Freestyles, clips, battles, featurings: pour trouver la prochaine star de la rime, Nouvelle école affichait, à travers ces quatre étapes, une volonté de montrer «tout ce à quoi un rappeur est confronté». Bien loin de cette réalité, c'est plutôt un millésime de raccourcis que l'on a vu se mâchurer à l'écran: des phases d'écritures bourrées d'ellipses et des modes de présélections jamais expliquées: pourquoi n'y a-t-il que deux talents aux auditions? Pourquoi parmi ces derniers, certains se vendent devant un public de cité stressant et d'autres ont la chance de ne se dévoiler que devant deux rappeurs dans un vélodrome vide?

Le pire dans tout ça: un point de vue étriqué de ce qui contribue réellement à une réussite dans le rap d'aujourd'hui. A plusieurs reprises, SCH, Shay et Niska ont en effet clamé ne vouloir garder que la crème de la crème. A leurs talents, ils recommanderont en ce sens de se rapprocher des statistiques musicales, voire d'effacer leur singularité:

«On veut quelqu'un qui se colle à nous sur les streamings»
Episode 1
«Si elle veut briller, à ce moment-là, je pense qu'il faut qu'elle soit plus généraliste»
Episode 4

L'un des enseignements que l'on aura le mieux compris à l'issue de la saison 1 de Nouvelle école est que réussir dans le rap implique tout bonnement de dire adieu à son identité. Le secret de la gloire? La conformité. Puissent DJ Kool Herc et Grandmaster Flash, ayant voué leur vie à la vocation disruptive du genre musical, ne jamais les entendre.

Gloire éphémère

Alors, sans étonnement, ces conseils mainstream-friendly signeront la victoire de Fresh La Peufra. En plus de surfer sur la trap pullulant actuellement dans les préaux comme dans les boîtes de nuit, son titre Chop (2022) s'accompagne de gimmicks et chorégraphies marquantes s'insérant dans le lobe frontal aussi rapidement qu'un Waka waka (2010) de Shakira.

La recette est efficace et servira d'autres tubes comme Drama queen (2022) et Allez dehors (2022) qui feront alors du rappeur belge la nouvelle coqueluche «du rap qui met tout le monde d'accord». Et c'est bien là le problème: difficile pour ce genre de phénomènes de durer dans le temps. Avec un public aussi ambivalent, maintenu par une présence à plein régime de l'artiste sur son écran, que se passe-t-il quand on ne les voit plus assez?

Image

Lueur d'espoir

Une carrière longue, c'est tout ce que l'on souhaite au lauréat de 26 ans qui, du reste, n'a pas volé son prix et a montré une constance agréable à regarder durant l'entièreté de la saison.

Ce premier jet de Nouvelle école aura, par ailleurs, permis de découvrir d'autres talents dont l'identité bien plus rapologique que Fresh ne pouvait, d'office, pas leur permettre de remporter le trophée. Bien que perdants, Houssbad, Eyron, KT Gorique, STLR ou encore B.B. Jacques s'avèrent être les véritables révélations de l'émission.

Si la saison 2 a confirmé garder son horrible jury, il se trouve qu'en se rendant sur le site Netflix, celle-ci semble s'être quelque peu remise en question:

«Jul, Soso Maness, Tiakola, Hamza, Gradur et d'autres noms du hip-hop se joignent aux juges Niska, Shay et SCH»
Netflix

Parmi les autres noms du hip-hop attendus, on espère revoir Dinos et Youssoupha ainsi que l'énergie maîtrisée de Guy2Bezbar. Et pourquoi pas voir émerger les rimes épileptiques d'un Nekfeu, d'un Josman ou d'un Alpha Wann pour une meilleure valorisation du rap sur petit écran. Sans quoi, autant zapper sur Youtube qui sait tout autant offrir de concepts qualitatifs et gratuits.

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