«Un charognard se nourrit d'êtres qu'il n'a pas tués lui-même.» Sans le vouloir, Wikipédia nous offre ici la meilleure définition du producteur de télé-réalité. Contre une gorgée de lumière et une somme suffisamment conséquente pour bâillonner l'amour-propre, des personnalités de second plan acceptent l'inacceptable. Un pari qui se résume souvent à finir dans la gamelle répugnante des charognards des grandes chaînes. Dévorées toutes crues.
Qu'il s'agisse d'ailleurs de draguer n'importe qui, de voyager n'importe où, de survivre à n'importe quoi, de chanter ou de danser n'importe comment.
Ces dernières semaines, pour ne citer que ceux qui souffrent, un influenceur romand, une chanteuse canadienne et une humoriste française ont décidé de danser pour réanimer leur carrière et remplir le tiroir-caisse de TF1. Et la machine n’a pas attendu très longtemps avant de se mettre en branle. Si Nico Capone était soi-disant «trop gros» pour mettre un pied devant l'autre, Natasha St-Pier et Inès Reg se traitent désormais mutuellement de «petite salope».
L'audience en redemande.
Les médias relatent.
Les victimes avalent la pilule.
Les charognards se lèchent les babines.
Natasha et Inès sont en guerre. Et c'est plus sérieux qu'une polémique. Un complexe mélange «d'attitudes hostiles», de «craintes» avouées, de «menaces de mort» brandies, de «racisme» soupçonné. Pas mal d'égos blessés, aussi. Le tout, forcément, à l'entraînement, loin des caméras du prime, à l'abri du regard d'un tribunal populaire qui n'a plus que son doigt mouillé pour prendre parti, juger, condamner.
Qui a fait quoi? A qui? Quand? Pourquoi? Impossible de s'en assurer. Ce serait d'ailleurs bien trop facile. Et la curiosité malsaine s'éteindrait bien trop tôt.
On raconte que la chanteuse a été mise en demeure par les producteurs. On entend que l'humoriste a une main courante aux fesses. La deuxième empoigne son compte Instagram pour étaler sa vérité. La première appelle Le Parisien pour étaler la sienne.
(Demain, ce sera sûrement l'inverse.)
Comme souvent, c'est à la fois sérieux et insignifiant.
Le très grave et le particulièrement anecdotique, c'est la recette magique d'une télévision qui humilie ses esclaves presque célèbres dans un rôle que personne n'a jamais vraiment désiré. Car Taylor Swift n'a pas besoin de Danse avec les stars.
Certains signent pour l'argent, d'autres pour un shoot de célébrité. Parfois les deux, quand le creux de la vague devient abysse. La plupart regrettent, dès que l'effet s'estompe. Et il s'estompe toujours. Une drogue sournoise, des toxicomanes vulnérables et des trafiquants sans foi ni loi. Le mariage explosif. A chaque fois, le même tourbillon d'emmerdes subies, ravalées, mal digérées. Des emmerdes fomentées et réchauffées par les charognards. Un mal soi-disant nécessaire pour maintenir végétative ce qu'ils appellent la «Femme responsable des achats de moins de cinquante ans (FRDA-50)» devant son poste.
Natasha danse devant vous pour que vous l'écoutiez encore tricoter des refrains. Inès danse devant vous pour que vous l'écoutiez encore tricoter des blagues. Natasha et Inès souffrent. Différemment. Mais logiquement. Elles souffraient d'ailleurs bien avant la hache déterrée et cette guerre des tranchées maintenue en vie de manière malhonnête par TF1. Bien sûr, accepter une proposition de la part d'une production de télé-réalité, c'est consentir au baiser de la mort. Écartelées entre les besoins primaires et l'intégrité, elles danseront sur un volcan jusqu'à la fin du calvaire. Pour le pire et le pire.
Railler les candidats de télé-réalité reviendrait à se croire moins vulnérable qu'eux. Mettre la faute sur le public reviendrait à se penser plus intelligent que lui. Seuls les charognards méritent l'échafaud. Pour leur soif de jouer avec la survie des uns et branler les bas instincts de tous les autres.
L'inconvénient des immenses pataquès télévisuels, c'est que ça finit toujours aux oreilles de ceux qui n'en ont cure. Et qui voudront regarder Danse avec les stars vendredi soir, pour s'assurer que personne ne meurt en direct. Il serait temps que les chaînes prennent leurs responsabilités et choisissent, une bonne fois pour tout, entre le très grave et le particulièrement anecdotique.