Gran Turismo tire son sujet du jeu éponyme, un simulateur de courses automobiles développé par le studio japonais Polyphony Digital et son directeur Kazunori Yamauchi qui souhaitait reproduire le jeu de course le plus réaliste qui soit.
À ce jour, la franchise est la plus lucrative de la console Sony avec 90 millions d'unités vendues depuis 1997. Le jeu, disponible sur PlayStation 5, a d'ailleurs aujourd'hui une version en réalité virtuelle pour une expérience aussi incroyable qu'immersive.
Deuxième film de Playstation Production après Uncharted sorti l'an passé, le film raconte l'histoire improbable de Jann Mardenborough. Ce Britannique, issu de la classe populaire de Cardiff, a été propulsé des compétitions en ligne de Gran Turismo, dans lesquelles il excellait, aux sports automobiles par le biais d'un concours lancé par Nissan: la GT Academy.
L'objectif de ce Bootcamp imaginé par Darren Cox, l’ancien manager général de Nissan Europe, était de faire d'un joueur l’ambassadeur du constructeur japonais auprès des jeunes en faisant de lui un véritable champion (et surtout, pour vendre plus de voitures à une démographie peu concernée). Un concours qui dans la réalité existe depuis 2008 et dont Jann Mardenborough sera finaliste en 2011.
Le film raconte donc l'ascension inattendue de ce jeune geek qui, après avoir passé des milliers d'heures en simulation, va devoir faire ses preuves sur le bitume des circuits des compétions les plus prestigieuses, notamment les 24 Heures du Mans.
La trame du film s'articule autour de la trajectoire atypique de ce pilote qui n'est de loin pas le meilleur au volant, mais qui finira par remporter de belles victoires. En effet, Jann Mardenborough a remporté sa première victoire l'année qui a suivi sa sélection en 2011 à la GT Academy en championnat de voiture de tourisme. Puis il a décroché un podium inespéré durant la course la plus célèbre du monde au Mans en 2013.
Là où le bât blesse, c'est que le film se réapproprie des faits réels pour les mettre au service de la fiction. Cette déformation de la réalité au nom du spectacle peut être discutable. Notamment lors d'une séquence spectaculaire, le 28 mars 2015, lorsque sa voiture, une Nissan GT-R, a décollé de la piste du Nürburgring en Autriche.
Cette violente sortie de piste au niveau d'une bosse nommée «Flugplatz» a fait voler le véhicule sur plusieurs mètres, qui s'est encastré au-delà des barrières de sécurité. Cet accident où Jann est sorti légèrement touché a fait un mort et plusieurs blessés parmi les spectateurs. Dévasté par ce décès survenu lors de l'accident, Jann Mardenborough parviendra à surmonter cette épreuve et reprendra le volant trois mois plus tard.
Sauf que dans le film Gran Turismo, l'événement se produit un peu avant la course de Mardenborough aux 24 Heures du Mans, où il s'est classé troisième. Le scénario utilise sa culpabilité et son trauma comme une difficulté à surmonter pour atteindre l'exploit. Jann Mardenborough a bel et bien participé aux 90e 24 Heures du Mans, finissant 3e de sa catégorie, mais cette course a eu lieu en 2013, soit deux ans avant la tragédie du Nürburgring. Ainsi, le scénario a altéré la chronologie des événements réels pour servir de catalyseur dramatique.
Révélé par le génial coup d'essai que fut District 9 en 2009, le réalisateur sud-africain Neill Blomkamp est l'homme derrière les manettes de Gran Turismo. Le film n'a certes pas la splendeur d'autres œuvres traitant de course automobile comme l'excellent Ford VS Ferrarri de James Mangold ou encore Rush de Ron Howard. Néanmoins, il propose des séquences de courses spectaculaires, notamment durant ses 30 dernières minutes pied au plancher durant les 24 Heures du Mans.
Lorsque la caméra n'est pas au plus près des bolides, le film souffre d'une structure on ne peut plus convenue, avec des personnages qui n'existent qu'au travers des clichés des films de sport: du jeune coureur en quête de gloire au vieux mentor désabusé en voie de rédemption, en passant par le rival arrogant et détestable.
Si ce long-métrage a tout d'une histoire classique dans le monde sportif et abuse des poncifs du genre, la réalisation n'omet pas son matériel d'origine. Il s'approprie de manière subtile certains effets du jeu vidéo de course, notamment des éléments d'interfaces qui indiquent à l'écran les parcours à suivre, le nom des joueurs en compétition ou leur position, à la manière de la réalité augmentée. Des éléments visuels qui ont d'ailleurs été adoptés de manière concrète dans les compétitions sportives et qui sont habilement utilisés dans le film afin de rappeler les origines vidéoludiques de l'œuvre.
On peut reprocher au film de trainer son côté «placement de produits» et son manque d'honnêteté sur le fait d'utiliser la mort d'un spectateur comme ressort dramatique. Malgré les émotions procurées et l'adrénaline des courses, quand le cinéma devient publicitaire, c'est qu'il fait probablement fausse route…
Néanmoins, le film met en lumière des histoires atypiques - celle d'un gameur devenu athlète, et celle du pari risqué que fut la Nissan GT Academy - tout en rendant hommage au jeu génial de Kazunori Yamauchi. Au final, Gran Turismo reste un film sympathique, bien qu'oubliable, qui laissera comme bien souvent les spectateurs allergiques aux jeux vidéos dans l'agacement.
Gran Turismo de Neill Blomkamp, avec Archie Madekwe, David Harbour et Orlando Bloom, est dans les salles romandes depuis le 9 août.