Sous ce joli nom qui fait penser à une pâtisserie suisse-allemande se cache une maladie qui a décimé la population de la Nouvelle-Espagne. Situons-nous d'abord sur le calendrier et la mappemonde: Nous sommes au 16e siècle, dans une zone qui englobe l'actuel Mexique, un bout de l'Amérique centrale et plusieurs États américains. Après s'être pris une variole en 1519, la population enchaîne avec deux épidémies de cocoliztli en 1545 et 1576.
Le cocoliztli provoque une fièvre hémorragique virale. Autrement dit: une grosse fièvre, une urine foncée, des saignements par tous les orifices. On passe de quinze à deux millions d'habitants.
Cynic fact: L'épidémie était particulièrement mortelle pour les locaux, alors que peu d’Espagnols ont été infectés, et jamais gravement.
Qu'on appelle aussi la «variole», à ne pas confondre avec la «grande vérole», qui n'a aucun lien de parenté avec la vérole tout court et qui est une ancienne manière de désigner la syphilis, ou encore la «petite vérole volante», qui est une ancienne expression pour qualifier la varicelle, à ne pas confondre avec la scarlatine, car la varicelle n'a rien à voir puisqu'il s'agit d'un virus commun au zona. C'est plus clair, là?
La variole (ou la petite vérole) est un terme utilisé pour la première fois en l'an 570 pour désigner une épidémie qui frappe la France et l'Italie. Un adulte sur trois en meurt. Ceux qui y survivent gardent généralement un visage grêlé à vie. Mais des cicatrices sur des momies égyptiennes laissent penser que la variole sévissait déjà il y a plus de 3000 ans. Ramsès V en serait même personnellement mort. Plein de mots assez immondes accompagnent la maladie, je vous en mets quelques-uns au bol: vésicules, macule, pustules, papule. Plein de mots en -ule.
Les premières traces de la dengue, qu'on prononce «dingue», remonte au 15e siècle. On la surnommait «le coup de barre». Pour la petite histoire, c'est à elle qu'on attribue l'échec de la colonisation du Panama par l'Ecosse, en 1699, parce que les Ecossais étaient fatigués. Elle est transmise par des Aedes, autrement appelés «connards de moustiques». Son nom viendrait de l'espagnol «denguero» ou du portugais «dengoso», soit «maniéré, guindé», en référence à la démarche un peu raide des malades qui souffrent des articulations. Il y a aussi la version swahili, «ki denga pepo», soit «crampe soudaine causée par un démon», que je trouve beaucoup plus poétique.
Si la maladie avait la fâcheuse tendance à être assez mortelle par le passé, c'est beaucoup moins le cas aujourd'hui. Il y a tout de même quelques formes à surveiller, notamment la version hémorragique qui, comme son nom l'indique, provoque des hémorragies: cutanées, gastro-intestinales et cérébrales. On peut aussi saigner des gencives, ce qui est gênant pour manger, mais généralement, quand on arrive à ce stade, on est nourri par une sonde en intraveineuse et on croise les doigts pour espérer remanger autre chose que des pissenlits par la racine.
Le terme de «peste» a d'abord été un mot fourre-tout pour désigner les différents maux qui s'abattent sur la Terre. Réincarnation du diable, d'un génie sous la forme d'une flamme bleutée, d'une vieille femme... Comme décrit dans l'Iliade, les Grecs, eux, l'attribuaient à la vengeance d'Apollon. Mais la «peste d'Athènes», survenue vers -430 av. J.-C., est plus probablement le fruit d'un autre virus, comme le typhus. D'autres hypothèses avancent des épidémies de variole, de rougeole, de fièvre typhoïde ou d'Ebola.
La peste humaine peut prendre trois formes: bubonique, septicémique et pneumonique. La première épidémie majeure en Occident, la «peste noire», survient dès 1347. Un quart de la population y succombe. Elle est suivie par d'autres pestes bien connues des livres d'histoire, comme la «grande peste de Londres» en 1665. La «grande peste de Vienne», en 1679, inspire la légende de Lieber Augustin, un musicien de rue qui serait tombé dans une fosse de corps pestiférés et aurait survécu grâce à son taux d'alcoolémie élevé.
Elle touche surtout les mammifères et se transmet principalement par morsure jusqu'au sang. Mais comme la rage sait être crade, elle peut aussi simplement se propager par projection de salive contaminée sur une blessure. Le plus souvent, ce sont des loups, des renards, des chiens ou d'autres mammifères avec de grandes dents qui peuvent nous la faire à l'envers.
La rage existe depuis plus de 4000 ans et continue de rendre les malades un peu nerveux, jusqu'au coma et à la mort. Selon le site du gouvernement français, la rage est mortelle dans 100% des cas, mais d'autres sources très fiables (Wikipédia) avancent un «presque toujours mortel», grâce à cette histoire: en 2004, une Américaine, contaminée par une chauve-souris, est plongée dans le coma pour ralentir la maladie et lui filer plein de médocs. Elle survit. Du coup, on retente ce protocole, mais comme ça marche moyen (entre 8% et 20% de survivants) et que les gens gardent de graves séquelles, l'OMS a recommandé en 2018 d'arrêter ça.
Suette, parce que c'était plus joli que «transpirette» (quoique). Cette maladie provoquait une grosse transpiration, une grosse fièvre et une grosse mortalité. Elle naît à l'été 1485 en Angleterre et touche principalement les hommes adultes, qui passent l'arme à gauche en quelques heures.
Après s'être éteinte en octobre, elle refait mourir du monde en 1507, mais moins. Une troisième vague, bien corsée, emporte des gentlemen en 1517, allant jusqu'à diviser par deux la population à Oxford et Cambridge. En 1528, un tsunami de suette décime la cour d'Henry VIII, qui est obligé de fuir, tandis que son fils Henry (son fils illégitime, à ne pas confondre avec Henri, son fils légitime avec un i, mais ne nous égarons pas) en meurt à 17 ans. Cette quatrième vague se répand sur une bonne partie de l'Europe, jusqu'en Russie. La suette anglaise vit une dernière flambée en 1551, et ne sera plus observée après 1578.
Une autre suette qui a causé moins de dégâts mais qui, si je puis me permettre, était encore plus difficile à regarder. Son petit nom, miliaire, vient du millet. Oui, comme les céréales. Car en plus de faire transpirer, cette suette provoquait une éruption cutanée en forme de grains de mil. Dé-gueu-lasse.
On l'appelle aussi suette des Picards et elle touche la France entre 1718 et 1947. En tout, on recense 194 épidémies locales sur ces 250 ans. Elle est beaucoup moins létale que la suette anglaise qui, paradoxalement, n'a jamais été observée dans l'Hexagone. Ni l'origine de la suette anglaise ni celle de sa variante française ne sont connues. Mais elles sont sûrement dues à un virus ou à une «Rickettsie», un mot hyper chou qui désigne une sorte de bactérie.