Vous vous êtes sans doute réveillé avec la vue, depuis la fenêtre de votre chambre, sur les jolis toits blanchis de vos voisins. Ou sur des stories de neige parce que vous êtes addict à votre téléphone et ne pouvez pas vous empêcher de scroller dès le réveil alors que votre haleine pourrait décoller les paupières d'un comateux.
Et vous vous êtes sans doute dit «putain, ça va encore être le petchi sur les routes». Ou «putain, ça va encore être le petchi chez les CFF» si vous faites partie de la team «la voiture, c'est mal».
Allez, on se calme sur les simagrées. Voici 10 preuves que la neige en ville, c'est vraiment super.
Les jeunes cadres dynamiques et les dealos ont ça en commun: la cocaïne la trottinette électrique. Et comme les deux catégories ont des rêves (genre mettre la daronne à l'abri), aucun n'osera sortir sa bécane lorsqu'il neige (de la vraie neige, pas de la cocaïne, calme-toi Dyson).
Les rares hurluberlus qui tenteront quand même de mettre une roue dehors risqueront fort de finir en petits morceaux sur la chaussée. Ça s'appelle la sélection naturelle. Et ça libère des logements au centre-ville, et ça aussi, c'est super.
A l'inverse du jeune cadre à la narine blanchie (comme les toits ce matin, hihi) qui étale sa science sur LinkedIn et qui est encarté dans un parti de type centre-droit «parce que privatiser l'Etat, c'est super», il existe un autre type de personne qui pilote également un engin sorti des entrailles de l'enfer. Le bobo. Aussi appelé «bobo de merde», ce connard à moustache carencé vit sous-gare, porte un bonnet-capote-kippa bleu électrique qui ne recouvre pas ses oreilles et boit des matchas à 8 balles (alors que ceux à 3 balles sont tout aussi dégueulasses).
Un type qui amène les kids chez la nounou dans son vélo-cargo, engin du diable qui lui sert aussi à aller chercher ses légumes bios au marché, slalomant entre des humains pédestres qui ont envie de lui enfoncer une carotte aux OGM dans le gosier. Idem, le daron-cargo n'est pas de sortie quand il y a un demi-flocon sur la route et ça, ça fait très plaisir.
Trois pulls, deux écharpes et une doudoune difforme? Bravo, vous êtes à la pointe du style polaire. La neige aplanit les normes sociales et tout le monde finit par ressembler à une version (plus ou moins) premium d’un sac de couchage. Et si c’est bon pour Hailey Bieber à Aspen, c’est bon pour vous aussi.
Côté godasses, pas mieux: c'est le moment idéal pour sortir ces affreuses bottes fourrées offertes par votre belle-mère et que vous planquez au fond du placard. Quand on voit un connard à moustache en baskets immaculées lutter pour sa vie sur un trottoir glissant, on est content d'avoir des chaussures laides «mais avec du relief et trop confortables».
Les vrais, ceux qui volent dans le ciel, pas le mec de droite qui ne sort pas sans sa trottinette électrique ou le mec de gauche sans son vélo-cargo. Ils sont où, hein, ces parasites ailés qui dominaient les rues? Planqués, bien au chaud (ou peut-être congelés sous un tas de neige parce que ces abrutis font partie des rares oiseaux qui ne savent pas faire de nid).
Ce qui signifie aucun «cadeaux» tombant du ciel, autrement dit du cul de ces saloperies de rats volants (oh ça va Brigitte Bardot, calme-toi, tout le monde DETESTE les pigeons).
Vous êtes en retard? La neige. Vous annulez un rendez-vous à la dernière minute? La neige. Vous oubliez un cadeau d’anniversaire? La neige. Le conflit israélo-palestinien? La neige.
Cette jolie poudreuse féérique et enchanteresse (ou cette grosse bouillasse grisâtre et informe, ça dépend) est la couverture idéale pour masquer votre manque d’organisation chronique et votre aversion pour les obligations sociales: «le bus est bloqué», «les trains ne roulent pas», «je me suis fait la cheville sur une plaque de glace». Autant d’excuses pour échanger Excel contre Netflix, ou une énième sortie au marché de Noël avec Chantal de la compta contre un tête-à-tête avec votre chat.
Le combo météo + transports chaotiques, c’est le Saint Graal des interactions sociales pour les nuls. A la machine à café, vos collègues peuvent parler pendant des heures de la salaison des routes ou de l’incompétence des déneigeuses. Personne n’écoutera, mais tout le monde acquiescera gravement.
Enfin si, il y a bien un collègue qui écoute avec passion et qui participe avec frénésie: celui qui adore taper sur les politiques. «C'est à cause de cette muni de gauche, on donne tout pour les gens qui en foutent pas une et après on a plus d'argent pour saler les routes.» Fonctionne aussi avec cet autre collègue:
Déjà, parce que vous êtes arrivé en retard «à cause de la neige»: le trottoir était glissant, vous n'avez pas pu courir prendre le train, vous l'avez raté (il était à l'heure), vous avez dû prendre le suivant (le seul de toute la matinée en retard, ça tombe sur vous, c'est moche). Une fois au bureau avec presque une heure de retard, vous papotez avec vos collègues de «c'est le bordel, et le concierge avait pas déneigé ce matin, tu te rends compte, avec le loyer que je paie!». Hop, déjà une bonne heure trente d'improductivité sponsorisée par le patronat.
Et en fin de journée, vous vous barrerez en avance «parce que ce sera sûrement la merde à l'échangeur de Crissier, donc comme Machin a pris la voiture ce matin, il pourra pas aller chercher les kids chez la nounou à l'heure, donc c'est bibi qui s'y colle, non, mais je te jure». On ne sait pas ce que vous jurez, à part que vous avez bossé une demi-journée payée plein tarif, tout en y insufflant une bonne dose de mauvaise foi. On aime.
Il n'y a pas que les trottinettes électriques et les vélos-cargos qui patinent. Les 4x4 surdimensionnés qui vous gazent la tronche au feu rouge? Sous la neige, ils deviennent des boulets (enfin, encore plus). Car forcément, ce couple blindé de thunes qui roule en Classe G parce que leur maison est perchée sur une colline dans la région lausannoise n'aura pas encore mis les pneus neige (tout en se plaignant que leur garage n'aura pas le temps de faire ça avant jeudi, «non mais tu te rends compte Jean-Marc»).
A chaque patinage laborieux, vous remerciez silencieusement la météo de remettre un peu d’ordre dans la hiérarchie urbaine. Tout en espérant, assis sur votre scooter avec les mains gelées et proches de l'amputation, que cette saloperie de 4x4 n'ira quand même pas s'encastrer sur votre bécane à la carrosserie en plastique.
Okay, pas partout. Dans les parcs, les jardins, sur les toits, c'est mignon. Même un arrêt de bus des TL ou des TPG au toit en verre crasseux et recouvert d'une couche de poudreuse a un certain charme. Mais il est vrai que si vous baissez les yeux sur la neige boueuse, grisouille, voire brunâtre au bord de la route, d'accord, c'est moins joli. Certes. Mais vous n'êtes pas obligé d'être un hater aigri toute l'année.
C'est à cause de tous ces matchas dégueulasses et trop chers que vous buvez. Respirez un bon coup. Enfilez-vous un Nesquik avec du lait pas d'avoine (respectez-vous). Foncez faire une bataille de boule de neige avec vos collègues. Retrouvez votre âme d'enfant cinq minutes. Et ne vous inquiétez pas, vous retrouverez votre âme d'adulte quand il faudra dégivrez votre pare-brise avec vos gants mouillés.
La neige en ville, outre le fait qu'elle nous offre de nous émouvoir face à l'insupportable pureté d'un gentil toutou qui s'ébroue au ralenti dans la poudreuse, c'est aussi l'occasion d'admirer le commun des mortels se vautrer avec la grâce d'un sac de pommes de terre lâché du troisième étage.
Et ça, c'est la justice sociale qu'on mérite. Car la neige n’a pas de pitié envers les gens mal équipés, ceux qui ont cru pouvoir sortir avec autre chose aux pieds que ces bottes fourrées et moches. Un verglas sournois et hop, le café à l'emporter se répand, transformant n'importe quel bout de trottoir en scène de crime. Pendant ce temps, les spectateurs invisibles, bien dans leurs goddasses de bûcherons scandinaves, assistent au spectacle. Ces gens, c'est vous, c'est moi. Et si vous faites partie de ceux qui se sont vautrés... Merci à vous de nous rappeler pourquoi au final, on a bien fait de ne pas jeter ces laideurs fourrées.