La petite ville qui a vu grandir Vicki Lynn (alias Anna Nicole Smith), Mexia au Texas, est balayée par les bourrasques; la charpente des différentes maisons s'étiolent avec le temps. Plus rien ne vit, tout le monde a déserté le patelin. Une parabole un peu lourde de l'existence de la défunte mannequin.
L'austérité des lieux et les désirs de célébrité de la blonde texane se juxtaposent, répétant naïvement qu'il faut poursuivre ses rêves: «J'en suis la preuve», derrière un fier sourire. Elle aimait attirer les regards, être le centre de l'attention, selon son oncle. Une fêtarde invétérée, qui s'entraînait sur le perron à exécuter ses figures de pom-pom girl.
Mais l'insouciance de l'adolescence s'arrête le jour où, à 17 ans déjà, elle se marie au cuisinier du KFC. A 19 ans, elle donne naissance à un garçon nommé Daniel. L'idylle prendra vite fin, deux ans plus tard, l'instant où la blonde plantureuse se fera enrôler dans une boîte de nuit comme strip-teaseuse.
Vicki, devenue Nikki, préférait rester évasive sur son passé. Elle se livre timidement et avoue avoir été victime de sa mère policière et tyrannique. Marquée par son enfance tragique, son passage sur les barres de strip lui a offert une période dorée. Un temps qui lui permettra d'amasser pas mal de bifetons, de se refaire les seins et surtout de rencontrer J. Howard Marshall, son futur mari milliardaire, tremplin vers la grande vie.
Comme le soulignait Missy, une amie qui dansait et entretenait une relation intime avec elle:
La cinéaste Ursula Macfarlane déblaie un mythe américain, celui d'une femme qui se pensait être la fille réincarnée de Marilyn Monroe.
Celle que vous croyez connaître: Anna Nicole Smith, le titre à rallonge du docu, déploie de nombreuses images d'archive, de nombreux entretiens et couve une ressemblance étrange avec une autre blonde peroxydée: Pamela Anderson - coïncidence, un documentaire est également paru sur Netflix récemment. Surtout, la playmate voulait ressembler coûte que coûte à son idole, Marilyn Monroe. La Texane surfe sur sa célébrité, quitte à mentir sur son passé, façonnant cette enfance tragique. Mais la réalité est un poil différente: du vent, de la comédie, des mensonges.
Présentée dans la peau de la suppliciée plutôt que la privilégiée, Anna Nicole Smith a vécu la grandeur du rêve américain, avant qu'il ne vire à l'indigestion à force d'y goûter avec gourmandise. Les pilules, la cocaïne et surtout la méthadone - dont elle était capable d'ingérer des doses de cheval - se sont chargés d'enchaîner la blonde aux démons de la célébrité.
Il y a quelque chose de captivant, de divinement superficiel quand on visionne ce film de deux heures; les ingrédients sont réunis pour armer de ce fameux rêve américain qui se transformera en chimère. Considérée comme une playmate naïve et croqueuse de diamant, son mariage avec Marshall n'était, selon l'avocate de Smith, pas uniquement basé sur le fric, mais sur une protection mutuelle.
Derrière le faste et le cash, Macfarlane s'attelle à faire revivre une icône, arrache les dernière pulsations d'une femme qui demeure presque immortelle outre-Atlantique. Rangée au panthéon des stars qui ont marqué la culture pop américaine, son existence n'était qu'asphyxie, rongée par le personnage qu'elle s'était créé pour briller.
Des bobards aussi gros que sa poitrine refaite, soigneusement travaillés pour faire vendre le produit qu'elle représentait. Son nom (choisi avec Paul Marciano, co-fondateur de la marque Guess), son passé tragique, rien n'est tout à fait vrai. «Elle a cru à ce personnage qu'elle avait inventé», lâche son amie et ex-amante Missy, les trémolos dans la voix.
De cette ribambelle d'entretiens, il en ressort des paroles fortes qui soulignent l'environnement malsain de la jeune femme, de ces addictions au médocs et à la lumière. Le journaliste de tabloïd Kevin Smith se souvient des années folles, où la star déambulait dans les boites de nuit de Los Angeles. Une nuée d'objectifs et de flashs incessants, prisonnière de des vautours. Le journaliste regrette avoir alimenté cette machine infernale autour d'une personnalité telle qu'Anna Nicole Smith.
Celle que vous croyez connaître: Anna Nicole Smith, à travers la pupille de la cinéaste, rappelle la violence des médias, du harcèlement des paparazzi. Son caractère solaire dans la vie publique cachait une face plus sombre dans l'intimité, qui s'est encore noircie le jour où son fils a succombé à une overdose. Le coup de trop, celui du gamin qui trépasse, qui la maintenait sur ses pattes; celui qui lui a permis d'exorciser sa solitude 20 ans auparavant.