Le gamin d'Ortona se voyait tel un super-héros lorsqu'il découvrait une bande-dessinée nommée «Supersex». Depuis là, avec l'aide de son frère Tommaso, Rocco a foncé de son Italie natale jusqu'à Paris, en 2004, lorsqu'il décide de se retirer du milieu.
Son frère aîné, le fameux Tommaso, sa kryptonite, son guide spirituel et même son ombre maléfique, lui apprendra qu'il «doit baiser le monde» et «ne pas être pauvre». C'est lui qui lui l'arrachera de son village niché au bord de la mer Adriatique pour un aller simple en direction de Paris, en 1984, là où l'étalon d'Ortona va commencer à répéter ses gammes et s'adonner à la chair fraîche.
C'est en filigrane ce que vous allez voir lors de ces sept épisodes qui architecture la destinée de la plus grande star masculine du porno.
On y découvre un gosse de 10 ans, qui joue dans les rues d'Ortona, ce trou à rat où Rocco Tano, interprété par Alessandro Borghi, a grandi, en fantasmant sur Lucia (Jasmine Trinca). Le môme était précoce et son attirance pour les femmes lui vampirisera les pensées.
Son sexe est sa dynamite, comme il se plaît à le rappeler - «J'ai de la dynamite entre les deux jambes» - son super pouvoir pour faire fondre les multiples femmes qui lui passent devant le nez. A force, l'amour devient un mirage qui lui est impossible d'empoigner, car Rocco, il veut «baiser le monde». C'est son mantra, sa destinée pour s'arracher à la misère d'Ortona.
Les événements s'enchaînent et après des folies dans les quartiers de Pigalle où il se sentait «enfin heureux et libre», il est repéré dans un club libertin par Gabriel Pontello, une vedette du X.
Mais au milieu de cette carrière dans le porno, peut-on vraiment torcher sept épisodes sur un personnage dont la vie tourne autour de la baise? Peut-être que l'entreprise est sans intérêt. La série prend même des allures d'hagiographie et ose (parfois) dériver vers les tréfonds d'une psyché déformée par l'acte charnel.
Mais bon, qu'importe, Rocco Siffredi doit vivre chaque jour comme si la mort l'attendait au détour le lendemain - un autre mantra que Moana, énième star du X, lui a inculqué.
Si Siffredi lui-même a expliqué que la série était, au mieux, très vaguement inspirée de sa vie, l'histoire se narre comme une grande et vaste orgie en plein air, incessante, qui tente de démystifier un milieu qui pulse la décadence. Vivre comme Rocco Siffredi a un prix.
Et plus il existait dans cette vie faite de parties de jambes en l'air, plus Rocco s'enfonçait dans un trou noir (psychologique cette fois). Pour lui, l'amour et sa vie publique ne sont qu'une chimère: impossible de jouer un rôle hors et sur les plateaux, il est Rocco Siffredi à plein temps. Il est là l'essentiel du show, dans cette bulle psychique où stagne l'homme.
Sa course pour être le plus performant sur les plateaux, pour devenir un dieu du porno (qui se frotte à une Italie pieuse et criant sa colère face à cette industrie toujours plus puissante), l'emmène vers une autoréflexion de son animalité et son côté obscur. Francesca Manieri, la showrunneuse derrière Supersex, tente à travers de nombreux ressorts d'extraire une âme insensible dès qu'il faut faire parler le coeur et les sentiments. Tout est désolé en Rocco.
Sauf que Supersex vise mal. La mise en scène est plutôt classique mais bien torchée. Le problème vient de l'écriture, qui est mal branlée. La série réussit à prendre en densité lorsqu'elle pose un regard sur les personnages secondaires qui gravitent autour de Rocco. En tête de gondole, Tommaso (Adriano Giannini), bandit mélancolique et torturé, qui entretient une relation amour-haine avec Rocco. Lucia (excellente Jasmine Trinca), figure sacrifiée par les délires de Tommaso, son mari, qui l'envoie faire le tapin à Pigalle.
Mais ce ne sont que des bribes dans une série qui use et abuse de la voix-off, sortant les notes de piano pour faire pleurer dans les chaumières dans un style pompier.
Au milieu de ce chantier émotionnel et charnel, Alessandro Borghi, dans la peau de Rocco, s'en sort très bien et capte les fractures de l'étalon transalpin, entre détresse et vaillance feinte. Mais trop peu pour une série qui ne parvient pas à atteindre le nirvana; Supersex flirte avec une dimension tragique timide, presque simulée, comme lors d'un rapport sexuel dans un film pornographique.
«Supersex» est disponible en intégralité depuis le 6 mars sur Netflix.