«Ce qui se passe sur les marchés des taux d'intérêt est absurde», dit Thomas Stucki. Le chef des placements de la banque cantonale de Saint-Gall (SGKB) fait référence aux «montagnes russes» des rendements des emprunts d'Etat suisses à dix ans. En quelques jours, ils sont passés de 1,55% à 0,9%, puis même à 0,76%, avant de remonter légèrement à un pour cent.
Cette récente baisse s'explique par la crise bancaire. Les marchés financiers estiment que si celle-ci s'étend davantage, les banques centrales devront la combattre – et ne pourront alors plus augmenter leurs taux d'intérêt, devront peut-être même bientôt les baisser.
Les attentes des marchés financiers pour le reste de l'année sont donc très différentes de ce qu'elles étaient avant la crise bancaire. La banque centrale américaine, la Fed, va encore augmenter les taux d'intérêt cette semaine – bien qu'on s'attende déjà à des baisses à partir de l'été. Avant la crise bancaire, on était convaincu que la Fed continuerait à resserrer sa politique monétaire jusqu'à la fin de l'année.
La Banque nationale suisse (BNS) va également redéfinir son taux directeur cette semaine. Comme l'explique Alexander Koch de la banque Raiffeisen, on s'attend désormais à ce qu'elle augmente beaucoup moins les taux d'intérêt. La semaine dernière, la Banque centrale européenne (BCE) a déjà augmenté son taux directeur de 0,5 point de pourcentage. Elle s'est abstenue de suggérer d'autres hausses. Cette retenue est également interprétée par les marchés comme un signe que la BCE doit désormais agir avec plus de prudence.
Les crises bancaires se déroulent généralement par vagues, comme l'a écrit l'économiste américain Kenneth Rogoff. Vers le milieu de la semaine, la situation semblait certes se détendre. Les mesures prises par les autorités ont l'air d'aider. Mais le New York times cite une étude selon laquelle environ 190 banques pourraient être menacées aux Etats-Unis.
La crise actuelle a commencé aux Etats-Unis. En peu de temps, la deuxième plus grande faillite bancaire du pays s'est produite avec l'effondrement de la Silicon Valley bank (SVB). La troisième crise américaine majeure a suivi avec la Signature bank.
Comme c'est souvent le cas dans les crises bancaires, on s'est tout de suite demandé qui serait le prochain à être touché. La réponse a été rapide: Credit Suisse (CS), qui avait souffert d'une fuite massive des fonds de ses clients à la fin de l'année dernière. Maintenant que CS a été racheté par UBS et que cette dernière n'a pas l'air sur le point de sombrer, on cherche un nouveau candidat à la faillite. Par exemple la First republic bank, dont l'action s'est effondrée.
La crise bancaire pourrait aussi avoir ses bénéficiaires. Lorsqu'aucune banque n'était encore ébranlée, les taux d'intérêt hypothécaires avaient connu une forte hausse. Le service de comparaison Moneyland a annoncé que les hypothèques sur dix ans avaient dépassé la barre des trois pour cent. On attendrait ainsi une nouvelle hausse dans le courant de l'année.
Deux semaines plus tard, cette annonce semble dépassée. Les taux d'intérêt hypothécaires ont fortement baissé et devraient continuer à le faire tant que les banques vacillent. Selon l'enquête de Vermögenspartner, les hypothèques fixes à dix ans étaient à 2,99% il y a deux semaines. Actuellement, ils ne sont plus qu'à 2,64%. La tendance à la baisse devrait se poursuivre si la crise bancaire persiste.
Une autre tendance pourrait être stoppée, qui pourrait avoir pesé lourd sur les épaules des débiteurs hypothécaires: celle de la baisse des prix de l'immobilier. Cette tendance s'est clairement imposée au niveau international, comme le montre une évaluation publiée récemment par le Fonds monétaire international (FMI). Dans deux tiers des pays pour lesquels des données récentes sont disponibles, les prix ont baissé. Le FMI:
La Suisse n'apparaît pas dans l'analyse du FMI. Lorsque les économistes de Credit Suisse ont fait leurs dernières prévisions, ils ne s'attendaient qu'à une faible croissance des prix pour cette année, puis à une croissance négative des prix l'année suivante. Mais c'était avant que la crise bancaire n'éclate et que CS ne doive se faire sauver par l'UBS.
Toutes ces prévisions pourraient devenir caduques si les banques centrales devaient continuer à lutter contre la crise bancaire. Car jusqu'à présent, la tendance à la baisse des prix a été poussée par la hausse des taux d'intérêt. Comme l'écrit le FMI, les taux d'intérêt jouent un rôle décisif dans l'évolution des prix des maisons. Une règle générale dit que chaque augmentation d'un point de pourcentage fait baisser les prix de l'immobilier d'environ deux points de pourcentage.