Produits d'entretien, cosmétiques, appareils ménagers, décoration, vêtements, jouets, snacks – le discounter néerlandais Action propose déjà son assortiment dans onze pays. Et ce, à des prix très bas. Action se lance désormais à la conquête de la Suisse. Comme le révélait le site Konsider la semaine passée, l'entreprise a créé une filiale à Bâle.
La date d'ouverture du premier magasin n'est pas encore connue pour l'heure. Thomas Rudolph, professeur d'économie d'entreprise à l'Université de Saint-Gall (HSG), décrypte les conséquences de l'arrivée du discounter sur le marché helvétique.
Thomas Rudolph, êtes-vous déjà allé dans un magasin Action?
Thomas Rudolph: Oui, à l'étranger. Je m'y suis rendu par curiosité professionnelle, car Action connaît déjà un grand succès hors de nos frontières.
Qu'en avez-vous pensé?
J'ai été surpris par l'offre énorme. Il s'agit principalement de produits non alimentaires. Mais j'ai aussi été frappé par les prix, qui sont l'argument numéro un pour attirer la clientèle étrangère.
Sur 6000 articles, environ 1500 ne coûtent qu'un euro. Malgré cela, l'enseigne parvient encore à dégager une marge de 10%. C'est remarquable et peu d'entreprises y parviennent. C'est pourquoi on peut dire qu'Action a un concept de vente au détail très réussi.
Comment une entreprise peut-elle proposer de tels prix et faire malgré tout des bénéfices?
Il faut déjà se demander d'où proviennent ces produits et dans quelles conditions ils sont fabriqués. Mais cela ne suffit pas à expliquer les prix. Action existe depuis 30 ans. Durant cette période, l'entreprise n'a cessé de se développer et d'optimiser ses processus.
En outre, le discounter dépense nettement moins d'argent en ressources humaines que Migros ou Coop par exemple – tout simplement parce qu'il emploie moins de personnel.
Pourquoi ce besoin réduit?
D'une part, parce que les produits non alimentaires nécessitent moins d'«encadrement». Il n'y a par exemple pas d'étalage de produits frais et la logistique est moins importante pour les produits qui ne nécessitent pas de réfrigération. D'autre part, Action économise sur le conseil à la clientèle et la présentation de ses produits. Les articles arrivent directement de la palette dans le magasin. Il n'est donc pas nécessaire de payer quelqu'un pour manutentionner les marchandises ou pour aménager une vitrine.
Pensez-vous que ce concept séduira en Suisse?
Le verdict viendra de la clientèle, et de ses achats. Bien sûr, il y a ici aussi des gens qui aiment acheter des produits à un franc.
Si un article bon marché ne convainc pas, ils ne reviennent pas. C'est donc un défi pour Action de s'adapter à ces exigences-là.
Est-ce aussi la raison pour laquelle Action ne tente que maintenant de s'implanter chez nous?
Difficile à dire. Une entrée sur le marché étranger représente toujours un risque considérable, et ce dans tous les pays. 50% des projets d'expansion échouent. Mais la Suisse a quelques particularités supplémentaires qui rendent l'entrée plus difficile encore.
Quelles seraient ces particularités?
D'une part, le territoire est tout petit.
D'autre part, notre plurilinguisme a des implications sur le marketing en matière de traduction. De plus, la Suisse est chère. Les loyers des surfaces commerciales et les frais de personnel y sont nettement plus élevés qu'à l'étranger. Enfin, il y a d'autres spécificités directement liées aux produits. Les prises électriques, qui sont par exemple différentes du reste de l'UE, ce dont il faut tenir compte lors de la vente d'objets électroniques.
Pouvez-vous donner quelques exemples de marques qui ont échoué dans leur implantation en Suisse?
Ils sont innombrables: OVS, Carrefour, Quelle Versand, qui semblaient un temps avoir réussi, mais qui ont dû se retirer après quelques années. Ou encore Burger King et McDonald's, qui ont eu besoin d'une deuxième tentative.
Aldi et Lidl, eux, ont réussi. Comment ont-ils fait?
Contrairement aux pays où ils s'étaient déjà imposés auparavant, Lidl et Aldi ont misé dès le début sur un assortiment de produits locaux et sur un marketing axé sur la «fraîcheur» plutôt que sur des prix avantageux. Et cela a fonctionné.
En tant qu'enseigne non alimentaire, Action ne pourra toutefois pas miser là-dessus.
Oui, c'est pourquoi je suis curieux de voir comment elle parviendra à convaincre.
La pression pour économiser est plus forte au sein de la population, tout comme l'intérêt pour un nouveau discounter.
Si Action parvient à ses fins, quels concurrents doivent s'inquiéter? Migros? Coop? Ottos? Müller?
Ce n'est pas facile de le savoir, car un discounter non alimentaire de ce calibre n'existe pas encore en Suisse. Il est probable que tous les détaillants ressentiront un léger effet. Surtout les magasins non alimentaires et les commerces de textile. Mais cela ne viendra qu'après quelques années.
Les clients peuvent-ils donc se réjouir de l'apparition d'Action en Suisse?
Peut-être, oui. Mais l'influence d'Action sera probablement bien moindre que ce que beaucoup pourraient imaginer sur la base de l'expérience de Lidl et Aldi. La situation actuelle est différente de celle d'il y a dix ou quinze ans.
La concurrence fait rage, surtout si l'on considère la taille et la densité de la population helvétique. Nous avons plutôt trop de fournisseurs que pas assez.
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker