Economie
Etats-Unis

Interdite de soutenir Gaza, Ben & Jerry’s pourrait être vendue

Ben & Jerry's est en pleine «bataille pour son âme»

Le conflit entre Ben & Jerry’s et sa maison-mère Unilever s’intensifie. Une reprise en main par les fondateurs est-elle envisageable? Reportage au cœur du Vermont.
21.03.2025, 05:3621.03.2025, 05:36
Renzo Ruf, Waterbury / ch media
Plus de «Economie»

Malgré la vente de leur entreprise il y a 25 ans au géant britannique Unilever, Ben Cohen et Jerry Greenfield restent les visages emblématiques de leur marque de glace. A l’usine de Waterbury, dans le Vermont, ouverte en 1985, les touristes sont toujours accueillis par leurs portraits iconiques.

Durant notre visite guidée de l’usine, une jeune employée raconte avec enthousiasme comment les deux amis d’enfance ont commencé à fabriquer leur célèbre crème glacée ultra-crémeuse dans une ancienne station-service de Burlington, dans les années 1970. Autodidactes, ces hippies tardifs ont appris leur métier sur le tas. Mais aujourd’hui, ajoute-t-elle, Ben et Jerry se sont presque totalement retirés des affaires.

Ben Cohen et Jerry Greenfield le 18 février 2008 à Londres.
Ben Cohen et Jerry Greenfield le 18 février 2008 à Londres.Getty Images Europe

Le retour des fondateurs?

Selon certaines rumeurs, cela pourrait bientôt changer. Cohen et Greenfield, aujourd’hui septuagénaires, auraient manifesté leur intérêt pour racheter leur entreprise. Unilever a toutefois démenti ces informations relayées par Bloomberg, affirmant:

«Ben & Jerry’s n’est pas à vendre»

Mais le contexte actuel pourrait favoriser un divorce. D’abord, Unilever est en pleine transformation, avec un changement récent à la tête du groupe, qui détient également des marques comme Persil, Dove, Knorr et Vaseline. Ensuite, d’ici la fin de l’année, Unilever prévoit de scinder sa division glace en une entreprise distincte, destinée à entrer en bourse à Amsterdam.

Un conflit de plus en plus ouvert

Surtout, la relation entre Ben & Jerry’s et le siège d’Unilever à Londres semble irréparable. L’an dernier, Ben & Jerry’s a même intenté une action en justice contre Unilever devant un tribunal fédéral de New York, accusant le conglomérat d’avoir violé l’accord de rachat conclu en 2000.

Cet accord était unique en son genre. Bien que rachetée par Unilever, Ben & Jerry’s conservait une certaine autonomie et pouvait continuer à soutenir des causes progressistes, comme l’avaient toujours fait ses fondateurs. Une partie de ses bénéfices – 7,5% avant impôts, soit 5,2 millions de dollars en 2022 – est reversée à une fondation engagée dans des causes sociales et environnementales. Un conseil d’administration indépendant veille à ce que cette mission soit respectée.

Or, ce conseil accuse aujourd’hui Unilever d’avoir franchi des limites. Il affirme que la multinationale l’a empêché d’apporter un soutien, tant moral que financier, aux Palestiniens de Gaza. La direction d’Unilever aurait imposé une position de «neutralité» sur le conflit au Proche-Orient, ce qui a été perçu comme une censure et une violation de l’accord d’acquisition.

Au-delà de cet aspect politique, les administrateurs reprochent à Unilever de nuire à l’intégrité de la marque Ben & Jerry’s et de remettre en question sa «mission sociale». Un sujet qui a déjà fait l’objet d’un livre en 2013, Ice Cream Social, où l’auteur Brad Edmondson évoque «la bataille pour l’âme de Ben & Jerry’s».

Une marque à plusieurs milliards

Interrogé, Edmondson n’est pas surpris par le conflit actuel:

«Ben & Jerry’s est une entreprise vraiment unique. Beaucoup d’entreprises affichent des engagements sociaux, mais pour Ben & Jerry’s, c’est une véritable philosophie»

Cette posture a souvent été source de tensions avec Unilever, notamment lorsque le conseil d’administration s’est opposé à la vente des glaces Ben & Jerry’s en Cisjordanie, jugée incompatible avec les valeurs de la marque. Face à la pression, Unilever a dû céder son activité en Israël.

Ben et Jerry vont-ils reprendre leur marque ? Edmondson reste prudent. Un tel projet nécessiterait de convaincre de nombreux investisseurs. En 2000, Unilever avait déboursé 326 millions de dollars pour racheter la marque. Aujourd’hui, sa valeur se chiffre en plusieurs milliards.

(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)

- Trump dévoile son projet pour Gaza avec une vidéo lunaire
Video: instagram
Ceci pourrait également vous intéresser:
2 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
2
Voici «le maillon faible» de votre banque
Un récent sondage révèle que la clientèle des banques en ligne a pleinement conscience des enjeux de sécurité. Elle s'en remet néanmoins bien souvent aux instituts financiers en ce qui concerne les mesures de protection.

La clientèle des banques en ligne connaît bien souvent la chanson: «Attention aux tentatives d'escroquerie». Voilà le message qui s'affiche juste après l'ouverture de l'application de la Banque cantonale bernoise. Sur des plateformes comme Ricardo, Tutti ou Marketplace, des escrocs se feraient de plus en plus souvent passer pour de potentiels acheteurs ou pour des vendeurs. Objectif: mettre la main sur les données d'accès des utilisateurs.

L’article