Pourquoi une telle file pour une montre? «On est là pour l'argent»
A Lausanne, une foule s'étire dans la rue de Bourg et dans la Rue du Lion d'or, ce mardi matin. De quoi intriguer les badauds:
La raison? Le nouveau modèle Moonswatch, tamponné du visage de Snoopy. En 2022, le succès planétaire de la collaboration entre Swatch et Omega avait conquis le monde de l'horlogerie. Deux ans plus tard, le groupe biennois remet une pièce dans la machine.
Et ce mardi 26 mars, les fans ont mordu à l'hameçon. Il y avait foule devant la boutique lausannoise; plus d'une centaine de personnes se sont massées, équipées de tabouret pliable et de thermos de café pour passer le temps. On y entend plusieurs discussions, on tend l'oreille, on échange avec un étudiant espagnol de l'EPFL, on rencontre d'autres personnes qui ont pris congé au boulot pour acheter cette montre.
On croise le chemin de Gauthier, dans les dix premiers de la longue file: «J'habite à Lyon. Je suis parti hier, à 19h, après le boulot, et je suis arrivé sur place à 21h40», nous rétorque le jeune homme, caché derrière sa paire de lunettes aux verres fumés.
Un sacré trajet qui représente, selon ses dires, un chapitre dans son existence:
A ses côtés, d'autres sont assis, un gobelet du McDonalds à la main. On rencontre un groupe de jeunes. «Ça fait depuis minuit qu'on attend là, devant la boutique», confie Davide. C'est la première fois qu'ils viennent pour acheter une montre et se greffer dans une file. Pourquoi faire ça et venir acheter une montre qui est annoncée en production illimitée? «Pour l'argent», rétorque-t-il du tac au tac.
En discutant du prix (la montre vaut 285 francs), le groupe a déjà une idée sur le prix de revente: «1500 francs», nous lance l'un des membres du groupe. Sur eBay, les prix varient entre 517 francs à 732 francs au moment où nous écrivons ces lignes.
En pôle position dans la file, on échange avec un couple, les premiers à avoir installé leur tabouret devant la porte de la boutique lausannoise. Anna et Michael sont arrivés à 20h, la veille. «C'est la deuxième fois que j'entame une file d'attente dans la nuit, mais c'est ma dixième pour cette collection. J'ai la collection complète des Moonswatch. Je suis un collectionneur», cadre Michael, avec un grand sourire.
«Elles se revendent facilement»
A force d'écumer la file, on rencontre Zac, un étudiant au gymnase de Pully: «Je suis arrivé à 7h30 sur les lieux».
Le sympathique étudiant aux cheveux hirsutes - qui a séché les cours pour pouvoir être présent - assure que la revente d'un tel modèle est «généralement multipliée par deux».
Alors que Zac nous explique les rudiments du métier, la foule commence à s'exciter. L'heure fatidique approche. Un employé du magasin Swatch remonte la file, un sac poubelle à la main, pour récolter les déchets qui peuvent joncher les pavés de la Rue de Bourg.
Ensuite, c'est au tour des agents de sécurité de quadriller la file pour éviter le moindre débordement. Aucune impatience, rien, pas la moindre prise de bec. Les personnes présentes sont disciplinées et tout ce petit monde semble content d'être là. On voit un homme scruter la file pour compter les grappes d'individus devant lui.
On tente d'engager une rapide conversation avec un agent de sécurité, mais impossible de lui arracher une parole. On insiste: «Vous craignez des débordements?» Nous aurons un simple sourire et un hochement de tête en guise de réponse.
Une fois les portes ouvertes, les acheteurs sont triés deux par deux. Swatch a tout prévu et la chorégraphie est maîtrisée. Les gens s'exécutent, dans le calme. Les premiers ressortent avec le précieux sésame, sous les hourras de la foule. On y croise Michael, avec son sac et sa montre à l'intérieur: