Pour un ménage suisse à revenu moyen, ce n'est pas pareil de payer 5000, 10 000 ou 15 000 francs d'impôts par an. Outre les possibles déductions, le lieu de résidence est déterminant pour connaître le montant de l'impôt.
La facture est particulièrement salée en Romandie: en 2022, c'était à Neuchâtel que les impôts étaient les plus élevés pour les particuliers. Un ménage avec un revenu net de 80 000 francs payait environ 17 000 francs dans la commune d'Enges, située entre les lacs de Bienne et de Neuchâtel.
La situation s'avère, par exemple, très différente à Baar, dans le canton de Zoug, où le même ménage doit payer environ 5000 francs. Une somme considérable de 12 000 francs annuels, soit 1000 francs de moins par mois. Pour des raisons purement financières, la tentation pourrait être grande pour une famille neuchâteloise de s'installer dans le canton de Zoug – du moins sur le papier. C'est précisément la raison pour laquelle des prestataires douteux font de la publicité sur des sites d'immobilier comme Homegate ou Flatfox.
Dans les communes fiscalement avantageuses, dans les cantons de Zoug ou de Schwyz notamment, d'étranges annonces de locations d'appartements se multiplient. Elles font ouvertement la promotion d'un «changement de domicile vers un paradis fiscal». Parfois, on parle d'abord subtilement d'une chambre pour des «hommes d'affaires». Mais certains ne cachent pas qu'ils veulent simplement louer une boîte aux lettres pour de l'optimisation fiscale. Voici ce qu'on peut y lire:
Selon la plate-forme de logement Homegate, de telles annonces sont illicites et leur «contenu n'est pas autorisé». Malgré des suppressions, elles réapparaissent régulièrement.
Pour en avoir le cœur net, watson a répondu à une de ces annonces. Un lien nous a immédiatement été envoyé par e-mail, avec la question de savoir si l'on avait réellement besoin d'une chambre ou si l'on souhaitait simplement changer d'adresse de domicile. Alors, faire baisser ses impôts en quelques clics, est-ce si simple que ça? Contacté, Philipp Zünd, expert fiscal chez KPMG, répond clairement:
«Les personnes qui postent ce genre d'annonce peuvent s'attendre à des poursuites», explique l'expert. Mais il existe toutefois une «zone grise» juridique, qui est exploitée. Philipp Zünd, qui conseille des particuliers fortunés et connaît bien ce milieu, précise:
En Suisse alémanique, le cas est typique entre les cantons de Zurich et de Zoug, où les impôts sont connus pour être particulièrement bas. Une zone grise qui n'est pas destinée à tout le monde: en effet, louer un deuxième appartement ne se fait pas sans un budget conséquent. On aura compris que cette méthode d'applique surtout aux personnes aisées, qui gagneront de l'argent avec l'optimisation fiscale tout en ayant le luxe de se payer un appartement secondaire.
La zone d'ombre réside principalement dans la détermination de la résidence principale. «Ici, la situation globale compte», explique Philipp Zünd. Un cas typique: les enfants. Une personne qui habite dans un canton et voit ses enfants aller à l'école dans un autre pourra difficilement cacher aux autorités qu'il n'y habite pas. Autres indices: utiliser majoritairement son domicile secondaire, y faire régulièrement ses courses et adhérer à des associations locales. Pour l'expert fiscal, les choses sont claires:
Pour l'expert, le risque de jouer sur la zone grise et de voir un jour les autorités arriver à prouver une situation d'évasion fiscale est trop grand. Il estime, d'ailleurs, qu'il existe suffisamment de moyens légaux pour optimiser ses impôts sans avoir à rentrer dans cette «zone grise» - par exemple en déduisant les frais de rénovation d'un logement en propriété ou en cotisant au troisième pilier ou à la caisse de pension.
Les autorités, parlons-en. Contactée par watson, la ville de Zurich indique que «lorsque l'administration fiscale reçoit des indices qu'une personne a son domicile ou son siège social dans la ville, mais qu'elle ne le déclare comme tel, nous procédons à des clarifications approfondies, dans le cadre des possibilités prévues par la loi».
Cela représenterait une petite trentaine de cas, chaque année. Environ la moitié d'entre eux aboutissent à un changement forcé d'imposition vers la ville de Zurich. Les autorités zurichoises ne précisent pas s'il s'agit de personnes particulièrement fortunées ou non.
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker