Sur le marché du logement locatif, rien ne s'est récemment amélioré, bien au contraire. C'est ainsi que l'on pourrait résumer le dernier rapport sur la question de la banque Raiffeisen. Son économiste en chef, Fredy Hasenmaile, rend l'administration fédérale – et donc le Conseil fédéral – partiellement responsable de cette situation déplorable.
Prenons les choses dans l'ordre. Dans le secteur de la construction, le nombre de dépôts de permis de construire a reculé et ceux-ci sont moins souvent accordés qu'auparavant. Les raisons de ce durcissement restent floues. Il n'en demeure pas moins que la quantité de permis enregistrée en 2023 est historiquement basse.
33 532 logements ont été autorisés. Les statistiques remontent à 20 ans en arrière, et on ne trouve pas de chiffre plus faible. Il est inférieur de 27% à la moyenne de la période étudiée. Et ce, malgré une pénurie qui dure, en particulier dans les centres urbains, et aussi malgré un accroissement constant de la population: on devrait continuer d'enregistrer environ 80 000 personnes supplémentaires chaque année.
On construit par ailleurs plus petit qu'il y a dix ans: le nombre de pièces par logement a diminué. La norme n'est plus de quatre, mais désormais de trois. Ce qui explique que si le manque de logements est important, le manque de pièces l'est encore plus.
Le phénomène se manifeste absolument partout - par exemple au niveau des locataires qui font une recherche sur les différents portails spécialisés: il y a beaucoup moins d'annonces que par le passé. La pénurie se confirmera également lorsque l'Office fédéral de la statistique présentera, ce mois-ci, son enquête nationale sur les logements vacants. Selon les prévisions de la banque Raiffeisen, le taux de logements vacants sera proche, voire inférieur, à 1%. Du jamais vu depuis plus de dix ans.
La conséquence de tout cela, c'est une hausse des loyers des biens qui viennent d'arriver sur le marché, les loyers initiaux. Au deuxième trimestre, ceux-ci dépassaient de 6,4% leur valeur à la même période l'année précédente. Ils ont ainsi connu la plus forte hausse depuis 1992, soit depuis plus de 30 ans. Ce qui fait dire aux économistes de Raiffeisen que:
Dans un premier temps, cela ne concerne que certains locataires, ceux qui doivent déménager et qui sont désormais confrontés à des loyers nettement plus élevés. En revanche, les autres ménages doivent payer un loyer basé sur le taux d'intérêt de référence hypothécaire.
Celui-ci s'est stabilisé dernièrement. Il devrait, selon Raiffeisen, baisser d'un quart de point de pourcentage peut-être en décembre, au plus tard en mars. Ce qui importera, c'est ce que décidera la Banque nationale suisse (BNS) lorsqu'elle fixera à nouveau son taux directeur fin septembre. Avec une inflation bien au milieu de la marge de fluctuation comprise entre 0 et 2%, la plupart des observateurs s'attendent à une baisse à 1%.
Les locataires ayant déjà signé un bail ne pâtiront donc pas de la hausse record des loyers initiaux - dans un premier temps. Mais un jour ou l'autre, il leur faudra forcément s'en aller, au gré des parcours de vie. Les spécialistes de Raiffeisen en concluent que:
En résumé, la demande a encore grandi. L'offre ne suit pas, elle ne semble même pas réagir. Non seulement elle ne suit pas la demande, mais à l'inverse, elle diminue - atteignant un niveau qui n'a jamais été aussi faible au cours des 20 dernières années. Le logement représente pourtant un «besoin fondamental», comme l'écrit le Conseil fédéral dans son «plan d'action contre la pénurie de logements».
Pour le chef économiste de Raiffeisen, Fredy Hasenmaile, le problème est complexe et il n'a cessé de s'aggraver au fil des années. Il n'est donc malheureusement plus possible de le résoudre rapidement aujourd'hui. La Confédération aurait par conséquent tort de sombrer dans un activisme sauvage. Mais dans le même temps, il déplore une certaine nonchalance:
Car elle a certes entrepris un changement de stratégie correct et important en matière d'aménagement du territoire, poursuit le responsable. «Mais il a été abordé avec beaucoup trop peu de clairvoyance, voire avec négligence».
Ainsi, l'Office fédéral du développement territorial a récemment reconnu à demi mots que le développement vers l'intérieur, c'est-à-dire la densification, prenait plus de temps que prévu. Fredy Hasenmaile poursuit:
En soi, cette densification qui prend plus de temps que prévu était une volonté de la population elle-même. Durant des années, on a condamné des terres agricoles pour y construire des habitations, des magasins ou des routes. Chaque année, une surface plus grande que celle de la ville de Genève disparaissait, alors qu'elle aurait pu être utilisée pour l'agriculture ou comme espace de loisirs.
La population ne voulait plus assister à ce mitage et a approuvé en 2013 une nouvelle loi. Elle proposait justement de densifier, en disposant par exemple davantage de logements sur des zones déjà bâties. Mais selon Fredy Hasenmaile, il était plus facile de promulguer le texte que de le mettre en pratique. En effet, il est plus aisé de construire sur des prairies verdoyantes; dans les villes, il faut souvent faire d'abord disparaître l'existant avant de démarrer un chantier.
L'Office fédéral du développement territorial (ARE), auquel Hasenmaile s'est adressé, voit les choses tout autrement. Un porte-parole précise que l'aménagement du territoire relève de la compétence des cantons en vertu de la Constitution. Ils sont donc chargés de mettre en œuvre la première révision de la loi sur l'aménagement du territoire et de veiller à ce que les communes adaptent leurs plans d'affectation.
Selon l'Office fédéral en question, la Confédération n'a qu'une fonction de conseil et de surveillance. Et c'est dans ce cadre que l'ARE exige des cantons et des communes une application conséquente. Mais en raison de la répartition constitutionnelle des tâches en la matière, il ne peut pas intervenir dans les processus politiques des entités des échelons inférieurs:
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker