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Comment Birkenstock a marché sur le monde

De Gigi Hadid à Gwyneth Paltrow, en passant par les modeuses: la Birkenstock est sur tous les pieds.
De Gigi Hadid à Gwyneth Paltrow, en passant par les modeuses: la Birkenstock est sur tous les pieds.

Comment Birkenstock a marché sur le monde

Il fut un temps où les journalistes de mode s'essuyaient les bottines sur les sandales allemandes. Aujourd'hui, les stars portent les chaussures en liège et le succès n'est pas près de s'arrêter.
16.09.2023, 16:1816.09.2023, 19:46
Hansjörg Friedrich Müller, Berlin / ch media
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La marche triomphale du fabricant de chaussures allemand Birkenstock est l'une des histoires à succès les plus improbables de l'industrie de la mode, même si elle se dessine depuis des décennies. Il y a plus de 30 ans, le New York Times constatait déjà avec étonnement que le modèle Birkenstock «Boston», d'apparence plutôt maladroite, était la «chaussure du moment». Depuis, l'entreprise est devenue tendance.

Mardi, le fabricant de sandales de Linz am Rhein, une petite ville de 6000 habitants, qui produit désormais aussi des baskets, des lits et des produits cosmétiques, a déposé une demande d'entrée en bourse aux Etats-Unis. Les débuts à Wall Street sont prévus pour la deuxième semaine d'octobre.

L'entreprise veut vendre 10 à 15% de ses parts et espère ainsi récolter au moins 8 milliards de dollars. Certains analystes estiment même qu'un gain de 11 milliards est réaliste: Birkenstock est désormais une marque de luxe et donc particulièrement fructueuse.

Aux côtés de Louis Vuitton et Dior

En 2021, les héritiers de l'entreprise, Christian et Alexander Birkenstock, avaient vendu 65% des parts pour 4,9 milliards de dollars à la société de capital-investissement L Catterton. La valeur de leur bébé a presque doublé depuis. En 2022, le bénéfice ajusté s'élevait à 400 millions d'euros; au premier semestre 2023, il était déjà de 225 millions.

BERLIN, GERMANY - AUGUST 06: Anna Winter wearing Birkenstock white sandals, by Far silver shiny logo bag on August 06, 2022 in Berlin, Germany. (Photo by Jeremy Moeller/Getty Images)
En quelques années, la Birkenstock a procédé à un changement d'image complet.Getty Images Europe

L'entrée de L Catterton dans le capital de Birkenstock illustre le changement d'image du fabricant de chaussures de montagne: la société d'investissement est le fruit de la fusion entre une société de participation américaine et la branche de capital-investissement du groupe français de produits de luxe LVMH, qui possède des marques comme Louis Vuitton et Dior.

Alors que L Catterton veut maintenant céder une partie de ses parts de Birkenstock, l'actionnaire majoritaire de LVMH, Bernard Arnault, prévoit d'augmenter sa participation: l'entreprise s'intègre bien dans son portefeuille, affirme l'homme le plus riche de France.

Une chaussure utopique

Birkenstock est, si l'on veut, une chaussure née de l'esprit de l'utopie. Une quête d'idéal. Au milieu du 19e siècle, le mouvement dit de la «Lebensreform», qui s'oppose à l'industrialisation pour prôner un retour à la nature, fait son apparition en Allemagne. A Francfort, un groupe de fabricants de chaussures progressistes se réunit autour du professeur d'anatomie Hermann von Meyer. Parmi eux: un certain Konrad Birkenstock.

Parmi d'autres choses, Hermann von Meyer appelle à une réforme de la chaussure. En effet, jusqu'au milieu du 19e siècle, il n'y a pas encore aucune différence entre une chaussure gauche et une chaussure droite, selon Nike Ulrike Breyer, auteur d'un essai sur l'histoire des Birkenstocks. Sans oublier que la plupart des chaussures de l'époque se terminent en pointe, ce qui pousse les orteils hors de leur position naturelle.

Le concept de semelle orthopédique développé par le jeune Konrad Birkenstock a donc l'effet d'une libération.

La percée n'a toutefois eu lieu que sous son fils, Carl: de nombreux vétérans de la Première Guerre mondiale souffrent alors de douleurs aux pieds et exigent des chaussures plus confortables. En 1925, Carl Birkenstock ouvre sa première usine. Il faudra attendre 38 ans pour que l'entreprise fabrique sa première sandale: en 1963, Birkenstock lance le modèle «Madrid».

L'Amérique dans le viseur

Aujourd'hui, l'entreprise emploie 6200 personnes sur six sites. La production se fait exclusivement en Allemagne, ce qui ne devrait pas changer dans un avenir proche. Au niveau de la direction, Birkenstock mise également sur la continuité: le CEO Oliver Reichert, premier chef de l'entreprise qui n'est pas issu de la famille Birkenstock, reste en poste. Sa nomination, il y a 11 ans, a été précédée de désaccords entre les héritiers.

L'Amérique est actuellement le principal marché de croissance de la marque. Birkenstock y est présent depuis la fin des années 60. A l'époque, les hippies et autres marginaux se sont pris de passion pour les chaussures allemandes: porter des Birkenstocks, c'était rejeter la société de consommation et ses diktats de la mode.

Il est difficile de dire quand les sandales ont été adoptées par le courant dominant. Le fait que la top-modèle britannique Kate Moss se soit fait photographier en 1990 avec des Birkenstocks a certainement marqué un tournant.

Les Birken de Kate Moss ont marqué un tournant pour la chaussure considérée jusque-là comme moche.
Les Birken de Kate Moss ont marqué un tournant pour la chaussure considérée jusque-là comme moche.

Depuis, l'esprit du temps joue en faveur de Birkenstock: la durabilité et la conscience de la santé sont à la mode. L'époque où les journalistes de mode s'essuyaient les chelsea boots sur la sandale encombrante semble pour l'instant révolue.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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source: wireimage / samir hussein
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