La situation s'améliore progressivement. En avril 2023, les prix ont de nouveau augmenté, mais de manière moins forte. En comparaison, l'année dernière l'inflation plafonnait à 2,6% —nettement moins que les 3,5% enregistrés au plus fort de la vague actuelle.
Est-ce que tout va vraiment vers le mieux?
Eh bien, pas vraiment. Certes, les prix augmentent moins, mais ils ne baissent pas pour autant. Tout reste plus cher globalement plus cher qu'avant. Comme les salaires ne suivent pas non plus, le pouvoir d'achat a diminué — et ce, de 3% en deux ans, selon l'Office fédéral de la statistique. Par ailleurs, en fonction de la manière avec laquelle les ménages dépensent leur argent, ils seront plus ou moins touchés par la crise.
Pour autant, les consommateurs ne devraient pas se satisfaire de leur sort. Conséquences inéluctables de la hausse des coûts: la pandémie de Covid-19 et les chaînes d'approvisionnement bloquées par l'invasion russe en Ukraine. S'il est vrai que beaucoup de denrées sont devenues plus chères comme l'électricité, le gaz, les œufs et les céréales, certaines entreprises utilisent cette crise comme excuse pour se remplir les poches.
«De nombreuses entreprises ont eu recours à ces prétextes, pour savoir savoir jusqu'où le consommateur était prêt à aller», déclare l'expert financier Samuel Rines à Bloomberg. Rines a visité des dizaines d'entreprises et il est systématiquement tombé sur ce type d'excuses. C'est ainsi qu'est née la notion d' «Excuseflation», c'est-à-dire l'inflation des excuses.
Selon cet expert, Pepsi est l'exemple parfait d'une entreprise qui met à l'épreuve la patience de ses consommateurs. En effet, le fabricant de sodas avait perdu beaucoup d'argent suite à l'agression de l'Ukraine par Poutine: environ 4% de son chiffre d'affaires mondial. Dans la foulée, Pepsi a augmenté ses prix d'un pourcentage à deux chiffres. La clientèle au niveau mondial a ainsi accepté la situation comme si de rien n'était.
Certains acceptent donc de perdre quelques clients pour pouvoir imposer des prix plus élevés. C'est la stratégie adoptée également par Lufthansa. Son patron, Carsten Spohr, a révélé ce que d'autres gardent habituellement pour eux. «On n'est pas pressé d'augmenter les capacités, bien que la demande soit forte. Les prix élevés sont tout simplement trop plaisants.»
Les groupes internationaux de biens de consommation augmentent leurs prix, dans le monde entier, de manière assez impitoyable. Ils répercutent ainsi leurs coûts et protègent leurs bénéfices. Comme le rapporte Bloomberg, Nestlé a augmenté ses prix de 9,8%, Procter & Gamble et Coca-Cola d'environ 10%.
La même tendance a été observée en Suisse, lorsque le cabinet de conseil Deloitte a interrogé les directeurs financiers de 116 entreprises. Un bon tiers d'entre eux avaient augmenté les prix par rapport à l'année précédente, ce qui leur avait permis non seulement de maintenir, mais aussi d'augmenter leur marge bénéficiaire. Elles ne se sont pas contentées de répercuter les coûts, elles ont également augmenté les prix.
Une fois le prix est en hausse, les entreprises ne le font plus redescendre, même si elles parviennent à maîtriser les coûts, comme l'a déclaré Rines dans une interview à Bloomberg. Au final, les entreprises font plus de bénéfices et les consommateurs ont des prix plus élevés.
De telles stratégies sont si répandues qu'elles rendent la lutte contre l'inflation plus difficile pour la Banque centrale européenne. Sa présidente, Christine Lagarde, a d'ailleurs déclaré:
Or, malgré des prix plus élevés, les clients ne manquent pas. Comme le décrivent les économistes de la BCE, les entreprises ont augmenté leurs bénéfices sans perdre de parts de marché. Pourquoi? Parce que les consommateurs ne s'y retrouvent plus. Certaines entreprises ont effectivement des coûts plus élevés, leurs hausses de prix sont donc justifiées. Pour d'autres, ce n'est pas le cas.
Il est déjà difficile de le savoir en temps normal, même dans notre pays. Sara Stalder, directrice de la Fondation pour la protection des consommateurs, parle de «l'un des secrets les mieux gardés de Suisse».
Même si les entreprises se contentent de répercuter la hausse des coûts sans augmenter leurs bénéfices, il n'est écrit nulle part que les consommateurs doivent supporter seuls ces coûts plus élevés.
Pourtant, les consommateurs pourraient se dérober. De nombreuses entreprises ne répercutent que ce dont elles ont vraiment besoin. Mieux encore, elles deviennent plus efficaces, consomment moins de ressources et peuvent ainsi maintenir leurs prix ou les augmenter moins. En cette période, il vaut donc la peine, plus que d'habitude, de regarder et de comparer, car tout ne devient pas directement beaucoup plus cher.
Par ailleurs, il existe diverses astuces économiques qui fonctionnent également en temps normal — et qui sont en plus bonnes pour la santé. Stalder, du groupe de protection des consommateurs, déconseille par exemple d'acheter des aliments fortement transformés. Plus la transformation est importante, comme par exemple pour les plats préparés, plus les produits sont chers. «Cuisiner soi-même est plus avantageux — et beaucoup plus sain.»
Traduit et adapté par Pauline Langel