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Marine Le Pen se prépare à débrancher Michel Barnier

Michel Barner et Marine Le Pen.
Le premier ministre Michel Barnier et Marine Le Pen.Image: watson

La chute du gouvernement Barnier est proche et voici son bourreau

La cacophonie sur le vote du budget de la France pourrait faire tomber le gouvernement Barnier avant Noël, avec le concours de la gauche et du Rassemblement national de Marine Le Pen. Explications.
26.11.2024, 18:5327.11.2024, 05:26
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Faute de présenter un budget à l’équilibre, le premier ministre Michel Barnier pensait avoir ménagé les grands équilibres, entendez les injonctions contradictoires, de la gauche et de la droite. On était le 10 octobre, la France vivait comme aujourd’hui sous la pression des marchés, sommée de réduire sa dette colossale de 3000 milliards d’euros et de diminuer dans les meilleurs délais le déficit public, le chef du gouvernant prévoyant de le ramener de 6,1% cette année à 5% en 2025 et 3% en 2029.

Michel Barnier proposait un partage des sacrifices qui pouvait paraître acceptable dans un moment critique: sur les 60 milliards d’euros à trouver pour réduire le déficit budgétaire, 40 milliards proviendraient de réductions des dépenses publiques et 20 milliards de hausses d'impôts, le tout s’ajoutant aux 10 milliards d'économies décidées par le gouvernement précédent. Dans ce dispositif, les plus fortunés étaient appelés à faire un effort accru.

De la feuille de route au testament politique

Au fil de semaines, la feuille de route gouvernementale s’est transformée en testament politique. La gauche et l’extrême droite représentée par le Rassemblement national (RN) menacent en effet de ne pas voter le budget qui devrait être soumis à l’Assemblée nationale aux alentours du 15 décembre. Le «non» serait alors majoritaire.

Face à ce risque, le premier ministre pourrait activer l’article 49.3, qui permet l’adoption d’un texte de loi sans vote du Parlement. Ce faisant, il s’exposerait à une motion de censure approuvée conjointement par la gauche et le RN, ce qui entraînerait la chute du gouvernement Barnier, et ce pas même après quatre mois d’existence.

Instabilité

On entrerait à nouveau dans une période d’instabilité politique, créée par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier, à l’initiative du président de la République, Emmanuel Macron.

La censure, autrement dit la chute du gouvernement Barnier, n’effraie pas tant que cela les Français, qui sont 53% à s’y dire favorables, selon un sondage publié le 23 novembre. Plutôt l’instabilité que l’injustice fiscale, comprend-on. Par injustice fiscale, il faut entendre l'ensemble des déçus du projet de budget. Gauche et extrême droite font ici front commun en portant la parole de leur électorat, classes populaires et classes moyennes.

Gauche et extrême droite y vont de leurs exigences

La France insoumise – dominante à gauche et qui annonce d’ores et déjà le dépôt d’une motion de censure en cas de 49.3 – exige la mise en place d’une taxe de 2% sur le patrimoine des 147 milliardaires imposés en France. Le RN, lui, s’oppose, entre autres, à l’augmentation des taxes sur l’électricité – craignant la riposte des marchés si le compte d’économies n’y est pas, le gouvernement Barnier, pour compenser des coupes dans les dépenses qui pourraient être moins profitables que prévu, cherche à «piquer» de l’argent partout où il peut en trouver, chez les particuliers comme dans les bénéfices des entreprises.

Alors, censure ou pas censure? Chute ou pas chute du gouvernement? Le politologue Bruno Cautrès, chercheur au Centre de la vie politique française (Cevipof), veut bien se prêter au jeu des pronostics. La gauche étant a priori décidée à censurer le gouvernement, la participation des députés socialistes étant toutefois nécessaire au succès de la manœuvre, la question vaut surtout pour le Rassemblement national.

«Je pense que le RN votera la censure»

«Je pense que le RN votera la censure, ce qui fera tomber le gouvernement Barnier. Cela fait des semaines que Marine Le Pen, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, menace le gouvernement. Sa crédibilité est en jeu auprès de ses électeurs, à 63% favorables à la censure selon les sondages et pour qui le volet social compte beaucoup. Il faudrait que Michel Barnier lâche quelque chose de substantiel à Marine Le Pen pour que le RN ne se joigne pas à la motion de censure annoncée de la gauche.»
Bruno Cautrès, politologue, chercheur au Cevipof

Que pourrait lâcher Michel Barnier pour satisfaire Marine Le Pen? Bruno Cautrès dresse un aperçu des désidératas du RN:

  • Marine Le Pen s’oppose à la désindexation des retraites sur l’inflation voulue par Michel Barnier.
  • Elle ne veut pas d’une augmentation des taxes sur l’électricité.
  • Elle refuse les sacrifices si, dans le même temps, l’Aide médicale d’Etat perçue par les étrangers en situation irrégulière n’est pas touchée de manière significative.
«En posant ces exigences, Marine Le Pen veut montrer à son électorat qu’elle est capable de faire mettre un genou à terre à Michel Barnier, et par-là même prouver sa capacité à gouverner un jour la France»
Bruno Cautrès, politologue, chercheur au Cevipof

Et si, à l'inverse, elle avait plus à perdre de la chute du gouvernement Barnier? Mardi matin 26 novembre sur Europe 1, l’éditorialiste Pascal Praud, proche des idées du RN, semblait inviter Marine Le Pen à ne pas voter la censure.

Le conseil de Pascal Praud à Marine Le Pen

«Si Marine Le Pen entend son électorat, elle sait aussi qu’il apprécie l’action du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, notamment. Elle sait que ses électeurs adhèrent à la politique plus ferme en matière de sécurité, d’immigration, mise en place par le gouvernement Barnier. Censurer Michel Barnier, c’est prendre le risque de voir arriver à Matignon une coalition de gauche qui ouvrirait plus grandes les frontières et serait moins encline à combattre l’insécurité, et donc de décevoir son propre camp du Rassemblement national.»
Pascal Praud, sur Europe 1

En cas de chute du gouvernement Michel Barnier, l’option d’un gouvernement de gauche l’emporterait sur celle d'un gouvernement «Barnier II», selon les observateurs, dont Bruno Cautrès fait partie.

«Emmanuel Macron étant politiquement diminué sur la scène intérieure depuis sa dissolution ratée de l’Assemblée nationale, on ne voit pas quelle légitimité il aurait pour réinstaller Michel Barnier ou quelqu'un d'autre de la droite au poste de premier ministre. La gauche serait certainement appelée à former le nouveau gouvernement. Autre option possible: un réel gouvernement technique, ce qu'est en partie déjà l'actuel gouvernement Barnier.»
Bruno Cautrès, politologue, chercheur au Cevipof

La gauche tiendrait sa revanche

La gauche à Matignon, siège du premier ministre, ce serait une revanche pour elle, qui revendiquait le poste au soir du second tour des législatives anticipées, le 7 juillet, au nom de sa courte majorité relative à l'Assemblée nationale, 193 sièges sur un total de 577.

Une démission d’Emmanuel Macron, suivie de l'élection d'un nouveau président et d'une nouvelle Assemblée nationale, est-elle envisageable?

«Il faudrait pour cela plus qu’une démission de Michel Barnier en décembre. Il faudrait qu’il apparaisse que, toutes les options possibles ayant échoué, seul un nouveau scrutin présidentiel pourrait sortir la France de l’impasse»
Bruno Cautrès, politologue, chercheur au Cevipof

Quant au budget, si celui de 2025 devait ne pas être voté, la France, entend-on, reprendrait celui qui a servi en 2024. Sans qu'on sache quelle serait la réaction des marchés financiers. L'enjeu étant que les taux d'intérêt auxquels emprunte la France sur ces mêmes marchés n'augmentent pas davantage.

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