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Immigration: Marine Le Pen fait chanter Barnier et ça marche

Marine Le Pen, Présidente du groupe Rassemblement national et Michel Barnier, Premier ministre de France.
Marine Le Pen, Présidente du groupe Rassemblement national et Michel Barnier, Premier ministre de France.Image: watson
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Marine Le Pen fait chanter le pouvoir français

L'annonce par le gouvernement français d'une nouvelle loi sur l'immigration obéit aux vœux de Marine Le Pen et comble le désir de revanche du ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau.
15.10.2024, 12:0015.10.2024, 12:42
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La dernière loi sur l’immigration en France n’a pas un an d’existence et ses dispositions ne sont pas toutes encore entrées en vigueur. Cela n’empêche pas le gouvernement d’en annoncer une nouvelle, qui sera la trente-troisième depuis 1980 en cas d’adoption. «On peut clairement parler d’une pression mise par le Rassemblement national (RN) sur le premier ministre Michel Barnier», commente Bruno Cautrès, chercheur au Centre de la vie politique française (CEVIPOF) et enseignant à Sciences Po.

Les années 1970 marquent une bascule. Les tensions liées au surgissement des crises économiques, alors qu'au même moment était décidé le regroupement familial, le tout dans un contexte post-colonial chargé de rancœurs de part et d’autre, allaient faire de l’immigration un point de fixation de la politique française, à gauche comme à droite. Ces dernières années, la montée de l’islamisme, ainsi que la gestion difficile des renvois des personnes sous OQTF (obligation de quitter le territoire national), donnent du grain à moudre à la droite et l’extrême droite sans faire aucunement les affaires de la gauche.

«Deux personnes au moins veulent exister dans ce dossier de l'immigration, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et Marine Le Pen»
Bruno Cautrès, politologue

Bruno Cautrès développe:

«Bruno Retailleau, issu de la droite Les Républicains, veut marquer l’Intérieur de son empreinte. C’est lui, qui, avec d’autres, le RN principalement, avait fait voter des amendements lors de l’élaboration de la dernière loi immigration, amendements qui durcissaient le texte et qui avaient été censurés par le Conseil constitutionnel.»

Le politologue ajoute: «Bruno Retailleau veut prendre sa revanche et marquer sa différence avec son prédécesseur, Gérald Darmanin. Et puis, il ne faut pas perdre de vue une chose, le centre de gravité politique penche à droite en France.»

Le calcul de Marine Le Pen

Marine Le Pen, qui reste la candidate naturelle du RN à la présidentielle, joue sa carte personnelle, en même temps que celle de son parti.

«En imposant une nouvelle loi immigration au gouvernement, elle continue d’exister vis-à-vis de son électorat»
Bruno Cautrès, politologue

Le politologue relève au moins une différence de comportement entre le RN et les bancs de la gauche. Elle a toute son importance en termes de communication:

«Le RN tient à montrer à l’opinion qu’il n’est pas comme la gauche, qu’il entend juger sur pièce le travail du gouvernement, plutôt que de chercher à le sanctionner d’entrée de jeu, comme la gauche a voulu le faire en déposant une motion de censure au terme du discours de politique générale du nouveau premier ministre, Michel Barnier.»
Bruno Cautrès, politologue

Comme attendu, la tentative de censure a échoué. Pour une raison simple:

«Sans les voix du RN, la gauche ne peut pas faire tomber le gouvernement»
Bruno Cautrès, politologue

Marine Le Pen et le RN sont sur leur lancée d’avant la dernière présidentielle, celle de 2022. Ils se disent que chaque échéance les rapproche d’une possible victoire et que la prochaine, en 2027, ou avant cela si les choses devaient se précipiter, sera peut-être la bonne.

«C'est pourquoi Marine Le Pen tient à donner des gages de respectabilité, plutôt que de jouer l’obstruction systématique»
Bruno Cautrès, politologue

Mais chacun voit le deal: le gouvernement achète une tranquillité temporaire en concédant l’os de l’immigration au RN, lequel dispose en Bruno Retailleau d’un relais idéologique à l’Intérieur.

A présent, c’est des macronistes, autrement dit de l’actuelle majorité, que pourraient venir les tracas, pour Michel Barnier. Leur chef à l’Assemblée nationale, Gabriel Attal, de plus en plus émancipé de la tutelle d’Emmanuel Macron, entend marquer sa différence lui aussi. La droitisation du gouvernement, à peine atténuée par un projet de loi budgétaire qui entend faire payer plus les très riches, est de nature à créer une fronde chez les centristes de l’actuelle majorité.

De là à ce que Gabriel Attal et ses troupes s’associent à la gauche LFI pour voter une motion de censure contre le gouvernement Barnier, il y a toutefois un pas énorme à franchir.

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