La dernière loi sur l’immigration en France n’a pas un an d’existence et ses dispositions ne sont pas toutes encore entrées en vigueur. Cela n’empêche pas le gouvernement d’en annoncer une nouvelle, qui sera la trente-troisième depuis 1980 en cas d’adoption. «On peut clairement parler d’une pression mise par le Rassemblement national (RN) sur le premier ministre Michel Barnier», commente Bruno Cautrès, chercheur au Centre de la vie politique française (CEVIPOF) et enseignant à Sciences Po.
Les années 1970 marquent une bascule. Les tensions liées au surgissement des crises économiques, alors qu'au même moment était décidé le regroupement familial, le tout dans un contexte post-colonial chargé de rancœurs de part et d’autre, allaient faire de l’immigration un point de fixation de la politique française, à gauche comme à droite. Ces dernières années, la montée de l’islamisme, ainsi que la gestion difficile des renvois des personnes sous OQTF (obligation de quitter le territoire national), donnent du grain à moudre à la droite et l’extrême droite sans faire aucunement les affaires de la gauche.
Bruno Cautrès développe:
Le politologue ajoute: «Bruno Retailleau veut prendre sa revanche et marquer sa différence avec son prédécesseur, Gérald Darmanin. Et puis, il ne faut pas perdre de vue une chose, le centre de gravité politique penche à droite en France.»
Marine Le Pen, qui reste la candidate naturelle du RN à la présidentielle, joue sa carte personnelle, en même temps que celle de son parti.
Le politologue relève au moins une différence de comportement entre le RN et les bancs de la gauche. Elle a toute son importance en termes de communication:
Comme attendu, la tentative de censure a échoué. Pour une raison simple:
Marine Le Pen et le RN sont sur leur lancée d’avant la dernière présidentielle, celle de 2022. Ils se disent que chaque échéance les rapproche d’une possible victoire et que la prochaine, en 2027, ou avant cela si les choses devaient se précipiter, sera peut-être la bonne.
Mais chacun voit le deal: le gouvernement achète une tranquillité temporaire en concédant l’os de l’immigration au RN, lequel dispose en Bruno Retailleau d’un relais idéologique à l’Intérieur.
A présent, c’est des macronistes, autrement dit de l’actuelle majorité, que pourraient venir les tracas, pour Michel Barnier. Leur chef à l’Assemblée nationale, Gabriel Attal, de plus en plus émancipé de la tutelle d’Emmanuel Macron, entend marquer sa différence lui aussi. La droitisation du gouvernement, à peine atténuée par un projet de loi budgétaire qui entend faire payer plus les très riches, est de nature à créer une fronde chez les centristes de l’actuelle majorité.
De là à ce que Gabriel Attal et ses troupes s’associent à la gauche LFI pour voter une motion de censure contre le gouvernement Barnier, il y a toutefois un pas énorme à franchir.