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Comment Poutine et Macron se disputent l'Afrique

Voici pourquoi Poutine et Macron se disputent l'Afrique
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov et le président ougandais, Yoweri Museveni arrivant pour une conférence de presse conjointe, en Ouganda, le 26 juillet 2022.Image: keystone

Comment Poutine et Macron se disputent l'Afrique

Le président Emmanuel Macron et Sergueï Lavrov se lancent à la conquête de l'Afrique. Terrorisme et exportation de blé: du côté russe tous les moyens sont bons pour gagner les faveurs du continent.
28.07.2022, 16:4128.07.2022, 18:26
Stefan Brändle, Paris, et Markus Schönherr, Pretoria / ch media
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Même s'il s'agit d'une coïncidence de calendrier, elle en dit long sur la lutte d'influence dans une région habituellement oubliée sur le plan diplomatique: l'Afrique. Samedi, Sergueï Lavrov a entamé une longue tournée africaine, de l'Égypte au Congo en passant par l'Éthiopie et l'Ouganda. Deux jours plus tard, Emmanuel Macron quittait Paris pour le Cameroun, le Bénin et la Guinée-Bissau.

Paris et Moscou se livrent un combat sans fin et utilisent tous les moyens pour arriver à leur fin. Au Caire, Lavrov a rendu les sanctions occidentales responsables des difficultés d'approvisionnement en céréales, mais Moscou aurait convenu, avec la Turquie, d'approvisionner l'Afrique en blé ukrainien. Seulement, le ministre russe des Affaires étrangères a soigneusement passé sous silence le fait que l'armée russe avait bombardé le port d'Odessa le même jour.

Macron en Afrique, sous la ligne de l'antiterrorisme

Macron a du mal à exposer ces distorsions. Dans la capitale camerounaise Yaoundé, il a accusé la Russie d'utiliser la pénurie alimentaire comme «arme de guerre» et d'abreuver l'Afrique de fausses informations. Par là, il entendait les attaques de l'armée privée russe Wagner contre des villages infestés par le djihad au Mali. Des attaques que Moscou a ensuite attribuées à l'armée française de Barkhane.

Macron place sa tournée africaine sous le signe de la lutte contre le terrorisme. Cela passe bien au Cameroun, où la milice islamiste Boko Haram ne cesse de faire des incursions depuis le Nigeria. Mais la minorité anglophone de l'ouest du Cameroun craint en même temps que le chef de l'Etat Paul Biya, qui dirige le pays d'une main de fer depuis 40 ans, ne s'assure ainsi le soutien de la France.

La propagande russe dénonce donc la «mentalité coloniale» de la France. C'est précisément l'expression qu'a utilisée en mai le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, lors d'une visite à Moscou. Sa junte militaire joue ouvertement sur le ressentiment antifrançais. Ceux-ci s'expriment régulièrement dans la capitale malienne Bamako lors de manifestations anti-françaises.

L'aversion pour la France est profonde

Macron ne parvient guère à contrer les aversions profondément ancrées de la jeunesse malienne. Alors que Lavrov loue le silence africain dans la guerre en Ukraine comme étant «mûrement réfléchi», le président français fait des reproches aux Africains de Yaoundé: ils se comportent de manière «hypocrite» en ne nommant pas les auteurs – russes – de l'attaque contre l'Ukraine.

Pendant ce temps, la Russie chouchoute les potentats africains. Lundi, Lavrov a rencontré à Brazzaville, capitale du Congo, le chef d'Etat Denis Sassou Nguesso, qui avait déjà pris le pouvoir pour la première fois en 1979. Aujourd'hui, il change une nouvelle fois de camp, après avoir déjà coopéré avec les Français et les Américains. Contrairement aux Français, les diplomates de Poutine ne font pas valoir de revendications morales.

Lavrov exploite de manière cynique, mais habile les sentiments anti-français. Dans son offensive de charme à travers l'Afrique, le ministre russe des Affaires étrangères aime mentionner que c'est l'Union soviétique qui a soutenu des pays comme le Mali dans les années 60, lorsqu'ils ont obtenu leur indépendance de la puissance coloniale française.

Pour les pays africains, cela pourrait coûter cher

Livraisons d'armes, mercenaires russes dans les zones de conflit, marchés énergétiques, contrats commerciaux, expansion de ses médias étrangers: l'arsenal avec lequel la Russie se lance dans la nouvelle guerre froide est varié. Les gouvernements africains ne semblent pas y être insensibles.

Toutefois, la réalité de la guerre a depuis longtemps rattrapé les pays africains, à la pompe comme dans les boulangeries. Ce dernier point n'est pas surprenant, car le continent achète 40% de son blé aux pays en guerre d'Europe de l'Est. En juin dernier, le président de l'Union africaine, le Sénégalais Macky Sall, s'est rendu en Russie pour rappeler à Poutine la «grave famine» qui menace l'Afrique en raison de l'arrêt des exportations.

L'accord sur l'exportation de céréales a été salué. Si celui-ci ne tient pas, le rapprochement avec la Russie pourrait coûter cher aux Etats africains. Ainsi, l'expert africain de la BBC, Will Ross, déclare que «certains dirigeants africains devraient savoir que leur propre position est vacillante si le peuple ne peut plus se permettre de manger». (aargauerzeitung.ch)

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