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Albanie

La «Ville de Staline» est devenue un avant-poste contre Poutine

L'Occident a besoin de ce pays pour battre Poutine

Autrefois, Kuçovë portait le nom de Ville de Staline. Aujourd'hui, l'Otan y célèbre un succès stratégique destiné à endiguer l'influence de Poutine.
11.03.2024, 06:0011.03.2024, 10:10
Christoph Cöln / t-online
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L'évolution de Qyteti Stalin, en français «Ville de Staline», est surprenante. Construite sous le dictateur albanais Enver Hoxha au début des années 1950 avec l'aide de prisonniers, elle a d'abord été centrée sur une chose: le pétrole. Du temps de l'Union soviétique, l'or noir était extrait dans la région du centre de l'Albanie. Après la chute du rideau de fer, la ville a reçu son nom actuel: Kuçovë.

Une cérémonie d'inauguration spéciale s'y est déroulée lundi dernier. Des représentants de l'Otan ont fêté avec l'élite politique albanaise l'ouverture de la base aérienne de Kuçovë, récemment rénovée. Celle-ci doit «assurer une plus grande sécurité dans la région face à la menace néo-impérialiste de la Russie», a déclaré le Premier ministre albanais Edi Rama.

Alors que Vladimir Poutine menace la moitié de l'Europe avec son agression militaire, cette nouvelle tombe à pic pour l'Occident. C'est aussi un signal adressé au maître du Kremlin: l'Europe peut se targuer de succès politiques et militaires dans ses efforts pour lier plus étroitement les anciens pays communistes des Balkans.

Et ce dans l'ancienne «Ville de Staline». Un lieu qui a un jour porté le nom d'un des modèles de Vladimir Poutine. Celui-ci est en effet considéré comme un fervent admirateur de l'ancien dirigeant de l'Union soviétique, Joseph Staline. Depuis des années, Vladimir Poutine s'efforce de relativiser les énormes crimes de l'ère stalinienne et ses millions de morts, et de faire de Staline le saint des saints de la Russie.

L'Otan ne tarit pas d'éloges sur l'Albanie

Dans l'Albanie moderne, l'héritage de Staline n'a plus aucune importance. L'aéroport de Kuçovë date certes de l'époque où le communisme régnait en Albanie et où ce pays du sud-est de l'Europe n'était rien d'autre qu'un Etat-satellite de Moscou. Mais depuis l'effondrement de l'Union soviétique en 1990, l'Albanie s'est progressivement tournée vers l'Ouest, et l'aérodrome de Kuçovë n'a servi qu'à garer des avions de combat MIG soviétiques et chinois hors d'usage. Les appareils s'y sont détériorés.

Lorsque l'Albanie a été admise dans l'Otan en 2009, elle est rapidement devenue un pilier géostratégique important au sein de l'alliance de défense occidentale.

«Avant, on l'appelait "Ville de Staline", et maintenant Kuçovë est une base aérienne de l'Otan. Avant, nous étions orientés vers l'Est, maintenant nous voyons notre place plutôt à l'Ouest.»
L'économiste Seit Putro à la chaîne d'information européenne euronews.

«L'Albanie apporte une contribution importante à l'alliance», a affirmé le président du Comité militaire de l'Otan, Rob Bauer, lors d'une récente visite à Tirana. Les troupes albanaises participent en effet aux missions de paix de la «Force pour le Kosovo» (KFOR) au Kosovo et en Irak, et le pays fournit également des contingents aux forces multinationales en Lettonie et en Bulgarie.

«C'est une composante importante de notre stratégie de dissuasion et de défense dans la partie orientale de l'Alliance»
Le président du Comité militaire de l'Otan, Rob Bauer.

Une pièce importante de la stratégie militaire

Il y a d'abord la situation géographique de l'Albanie. Ce pays de 2,8 millions d'habitants est situé à un endroit stratégique du continent, où la Méditerranée se transforme en mer Adriatique. Il dispose d'une côte relativement longue avec des ports qui pourraient à l'avenir être davantage utilisés à des fins militaires. Le pays dispose d'un certain nombre d'installations portuaires, comme la petite base navale de Pacha Liman, qui date elle aussi de l'époque soviétique, et le port de Durrës, utilisé jusqu'à présent essentiellement à des fins civiles.

D'autre part, l'importance stratégique de l'Albanie réside dans son orientation politique. Une majorité écrasante de 95% de la population soutient le cours d'intégration du gouvernement dans l'alliance de défense occidentale et dans l'Europe. L'Albanie a ainsi valeur d'exemple pour les pays voisins comme la Macédoine du Nord, le Kosovo ou le Monténégro, qui aspirent également à une adhésion à l'Union européenne (UE).

Ce n'est pas le cas de tous les pays des Balkans. Compte tenu de la situation politique parfois instable au Kosovo, mais aussi des gouvernements favorables à Moscou en Serbie ou en Bosnie-Herzégovine par exemple, l'Albanie représente un partenaire fiable pour l'Occident. La base de Kuçovë est une pièce importante de la stratégie militaire qui vise à limiter l'influence de la Russie dans les Balkans.

La base aérienne est un signal

La rénovation de l'aéroport a commencé début 2022, juste avant le début de la guerre contre l'Ukraine. 55 millions d'euros ont été investis depuis dans la rénovation et l'extension, entre autres, de la tour, des hangars et des pistes. Cela prouve que l'alliance militaire occidentale est «fortement engagée dans cette région importante», a déclaré lors de la cérémonie à Kuçovë le représentant de l'Otan Juan Pablo Sánchez de Lara. Le chef du gouvernement albanais Edi Rama a pour sa part souligné que l'importance de la base «dépassait les frontières de l'Albanie».

Mais la base aérienne a également un effet de signal pour le pays lui-même, car les forces armées albanaises ne sont pas encore au niveau de la plupart des partenaires de l'Otan. Ainsi, l'armée de l'air albanaise ne dispose actuellement d'aucun avion de combat, mais uniquement d'hélicoptères et de drones, dont des drones Bayraktar turcs de type TB2 depuis décembre 2022.

«La flotte aérienne de l'Albanie va rapidement être développée»
Le chef du gouvernement albanais, Edi Rama.

Alors que Vladimir Poutine ainsi que l'autocrate chinois Xi Jinping, allié du Kremlin, tentent depuis des années d'exercer leur influence dans les Balkans occidentaux, l'UE s'efforce de son côté de renforcer l'intégration de pays comme le Monténégro ou la Macédoine du Nord.

«L'intégration est une nécessité géopolitique»

C'est pourquoi la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, entre autres, fait pression pour accélérer l'élargissement de l'UE.

«Plus vite nous renforcerons l'Union européenne en ces temps géopolitiques délicats, mieux ce sera»
La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock.

Annalena Baerbock s'était rendue à Podgorica, au Monténégro, pour une rencontre avec son homologue monténégrin Filip Ivanovic.

La politicienne allemande a souligné que la guerre contre l'Ukraine faisait de l'élargissement de l'UE dans les Balkans occidentaux une «nécessité géopolitique». Comme en Ukraine, «le projet européen est dans les Balkans occidentaux un garant de la liberté, de la démocratie, de l'Etat de droit et de la prospérité».

Filip Ivanovic a clairement fait savoir à la ministre allemande des Affaires étrangères que le Monténégro était également intéressé par un rattachement plus poussé à l'Ouest. «L'intégration est indispensable afin de garder une région stable. C'est la voie vers la stabilité et un règlement plus simple des différends», a-t-il ajouté. Le dictateur russe Vladimir Poutine ne l'entendra probablement pas de cette oreille.

Traduit et adapté par Tanja Maeder

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