Alors que les premières rumeurs sur les réseaux sociaux parlaient de dizaines de morts, la réalité, bien que dramatique, est moins lourde. La police a confirmé samedi matin que cinq personnes avaient été tuées, dont un enfant en bas âge et 200 blessées. Les autorités n’excluent pas un bilan encore plus lourd dans les jours à venir.
Immédiatement, les souvenirs de l’attentat du marché de Noël de Berlin, en décembre 2016, ont ressurgi. Ce jour-là, Anis Amri, un Tunisien, avait foncé sur la foule avec un camion, tuant 13 personnes. A Magdebourg, le mode opératoire semble similaire: le conducteur a utilisé un véhicule pour percuter la foule. Mais ici, il ne s’agissait pas d’un camion, mais d’une BMW de location. L’assaillant a été arrêté sur-le-champ.
Contrairement à Amri, Taleb A., l’assaillant de Magdebourg, n’est pas un islamiste. Loin de là. Cet homme de 50 ans, d’origine saoudienne, se décrit lui-même comme un ex-musulman. Psychothérapeute installé en Allemagne depuis 2006, il vivait à Bernburg, une petite ville située à environ 40 kilomètres au sud de Magdebourg.
En 2019, il avait accordé une interview à la Frankfurter Allgemeine Zeitung où il se présentait comme un militant aidant les femmes saoudiennes à fuir leur pays pour vivre en Allemagne. Rien dans ses propos de l’époque ne laissait entrevoir une dérive extrémiste. Mais un détail marquait déjà : sa confiance en lui semblait sans limites. Cependant, il se montrait déjà très sûr de lui, affirmant:
Cette radicalisation, qui l’a mené à commettre l’irréparable, semble s’être développée au fil des années suivantes, notamment sur son profil X. Sous la photo d’une mitraillette, il y dénonçait ce qu’il percevait comme un complot pour islamiser l’Europe. Il accusait l’Allemagne de traquer les femmes saoudiennes demandeuses d’asile, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.
En décembre 2023, son discours s’assombrit. Il annonçait clairement son intention de passer à l’acte: «Je vous garantis à 100% que la vengeance arrive bientôt. Même si cela me coûte la vie», écrivait-il. Il promettait que l’Allemagne paierait «un prix énorme» pour avoir, selon lui, fermé «toutes les voies pacifiques vers la justice». En août, il déclarait en arabe: «Si l’Allemagne veut nous tuer, nous les égorgerons, nous mourrons ou nous irons en prison avec fierté.» Le jour de l’attaque, il publiait une vidéo dans laquelle il clamait en anglais: « Je tiens la nation allemande responsable de la mort de Socrate. »
Sur X, Taleb A. suivait principalement des ex-musulmans ayant embrassé le christianisme ou se déclarant athées. Avec environ 40 000 abonnés, il semblait avoir une certaine notoriété au sein de l’opposition saoudienne en Allemagne, une communauté relativement restreinte.
Ce drame survient en pleine période électorale en Allemagne. Si l’assaillant avait été un islamiste, l’extrême droite, notamment l’AfD (Alternative für l’Allemagne), aurait sûrement tenté de capitaliser sur l’événement. Mais la situation est plus complexe: sur son profil X, Taleb A. manifestait des sympathies pour des figures d’extrême droite, notamment Martin Sellner, leader du mouvement identitaire autrichien, et Alice Weidel, la cheffe de file de l’AfD.
Se basant sur l’adage «l’ennemi de mon ennemi est mon ami», Taleb A. semblait voir dans l’AfD un allié dans sa lutte contre l’islam. «Qui d’autre combat l’islam en Allemagne?», interrogeait-il. Selon l’hebdomadaire Der Spiegel, il aurait même évoqué dès 2016 son souhait de fonder une «académie pour ex-musulmans» en partenariat avec l’AfD.
Reste à voir si les autorités allemandes devront répondre de manquements. Jusqu’à vendredi soir, Taleb A. ne semblait pas avoir attiré l’attention des services de sécurité. Pourtant, selon l’agence de presse Reuters, citant des sources saoudiennes, l’Arabie saoudite aurait alerté ses homologues allemands sur le danger que représentait cet individu.