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Analyse

Joe Biden confond deux choses et l'une d'elles lui sera fatale

Joe Biden n'a rien compris.
Alors, Joe, c'est l'heure d'abandonner? Toujours pas, si l'on en croit sa lettre adressée aux démocrates du Congrès américain ce lundi.image: getty, montage: watson
Analyse

Joe Biden confond deux choses et l'une d'elles lui sera fatale

Depuis sa défaite face à Trump durant le premier débat, le président-candidat de 81 ans étouffe au cœur d'une tornade dont il ne mesure toujours pas la force. Alors que de nouvelles huiles démocrates l'appellent à jeter l'éponge tous les jours, Joe Biden s'accroche, s’agace et confond deux notions: compétence et capacité. Une lettre envoyée lundi tend à prouver qu’un carnage couve chez les démocrates.
08.07.2024, 18:5408.07.2024, 18:58
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«Connaissance approfondie, reconnue, qui confère le droit de juger ou de décider en certaines matières.» Voilà la définition de la compétence, selon le Larousse. Et elle colle plutôt bien à l'actuel président des Etats-Unis. Au point que depuis le débat qui l'a opposé à un Donald Trump en meilleure forme, Joe Biden n'arrête pas de les brandir, ses compétences.

Comme si elles étaient au cœur de l'appel quasi unanime de son clan de le voir abandonner la course à la Maison-Blanche. Comme si ses chuchotements et son teint blafard sur le plateau de CNN remettaient en cause son savoir et son expérience. Rappelez-vous, au lendemain de son échec, le démocrate bombait le torse et les cordes vocales en Caroline du Nord, dans l'espoir un peu vain de faire oublier ce qui pourtant restera un débat historique.

«Je ne débats plus aussi bien qu'avant. Mais je sais comment faire ce travail. Je sais comment faire avancer les choses»
Joe Biden devant ses fidèles, le 28 juin.

Savoir et pouvoir. Deux verbes, deux notions, deux qualités indéniables, que l’on dirige une supérette ou la plus grande puissance mondiale. Hélas, en se concentrant sur ses uniques compétences, Joe Biden ne parviendra jamais à rassurer sur ses capacités.

«Vous avez probablement entendu que j'ai eu un petit débat la semaine dernière. Je ne peux pas dire que c'est ma meilleure performance, mais depuis, il y a eu beaucoup de spéculations: "Que va faire Joe? Va-t-il rester dans la course? Va-t-il abandonner? Eh bien, voici ma réponse. Je me présente et je vais gagner à nouveau.»
«Je vais le dire aussi clairement que possible: je reste dans la course!»
Joe Biden vendredi, lors d'un meeting dans le Wisconsin, un Etat-clé de l'élection présidentielle.

Du New York Times aux pontes démocrates, ils sont désormais nombreux à maintenir les vannes grandes ouvertes pour exiger son abandon. Et c'est bien sur ses capacités, mises à mal en direct le 27 juin dernier, que ses alliés d'antan prennent appui pour le supplier de lâcher la rampe. C'est le candidat vieillissant, affaibli, hagard, que le parti démocrate souhaite poubelliser, à quatre mois de l'élection présidentielle. Pas le président compétent, au bénéfice d'un bilan dont il n'aura jamais à rougir totalement.

Pour dire, au sein de son cercle intime, sa femme Jill et Barack Obama semblent d'un coup bien seuls à hurler que sa longévité rime toujours avec sa légitimité.

Vendredi, face à George Stephanopoulos, le candidat au teint subitement hâlé et à la mine étrangement rafraîchie a trempé sa chemise (sans cravate) pour que ses compétences et sa vivacité inondent les écrans. C'était sans compter l'élégante ténacité du célèbre journaliste d'ABC, qui tenait manifestement à jouer le psy du papy du pays.

«Etes-vous plus fragile?»
«Qu’est-ce que tout ce travail au cours des trois dernières années et demie vous a coûté physiquement, mentalement, émotionnellement?»
«Si vous restez au pouvoir et que Trump est élu, comment vous sentirez-vous en janvier?»
«Êtes-vous sûr d’être honnête avec vous-même?»
Le journaliste George Stephanopoulos à Joe Biden, sur ABC, vendredi.

Vingt-deux petites minutes d'interview, la première depuis son naufrage en public, qui a abrité les mêmes signaux d'alerte que le 27 juin. La voix rauque et l'esprit parfois en balade, Joe Biden a tenté plusieurs fois de recentrer la discussion sur ce qu'il «sait faire». Sans grand succès. Alors, comment se sentira-t-il en janvier, si Donald Trump le terrasse le 5 novembre prochain?

«Je me sentirai bien, tant que j'aurai fait le meilleur travail que je sais être en mesure de faire. C'est de cela qu'il s'agit»
Joe Biden, vendredi, en réponse à George Stephanopoulos

L'atmosphère actuelle tend à prouver qu'il se trompe. Ce n'est pas (ou plus) de cela qu'il s'agit. Mais bien de son âge, de sa forme physique et mentale, de ses chutes, ses blancs, ses bourdes, bref... de ses capacités. Si le candidat démocrate s'obstine à ce point à ne pas regarder sa réalité en face, c'est peut-être aussi parce que ses plus chers alliés le fusillent aujourd'hui avec le verbiage rabâché par les trumpistes depuis plus d'une année: «Joe Biden est sénile». Une violente humiliation en Dolby Surround, que ses sacro-saintes compétences n'aideront pas à éteindre.

Trop tard pour les regrets

On pourrait en vouloir au parti démocrate de ne pas avoir agi plus tôt. On pourrait en vouloir aux médias américains, New York Times en tête, de ne pas l'avoir abandonné plus tôt. On pourrait en vouloir à Joe Biden de ne pas avoir offert les coudées franches à Kamala Harris en 2020, lorsqu'il promettait pourtant que son mandat ne serait qu'un passage de témoin.

Oui, on pourrait. Mais c'est trop tard. Dans seize petites semaines, la fierté mal placée d'un candidat lâché de toute part pourrait bien bouleverser la face du monde. N'importe quel DRH le dirait sans bégayer: ignorer ses capacités, c'est condamner ses compétences à l'oubli. De quoi ternir une carrière pour l'éternité.

Lundi, pourtant, le président a persisté, droit dans ses pantoufles, dans une lettre adressée aux démocrates du Congrès américain. Un courrier très sec, qui accuse ceux qui «doutent de ses capacités font le jeu de Donald Trump».

«Je veux que vous sachiez que malgré toutes les spéculations dans la presse et ailleurs, je suis fermement déterminé à rester dans cette course, à mener cette course jusqu'au bout et à battre Donald Trump»
Joe Biden, lundi.

On est donc très loin d'une prise de conscience, alors qu'une alternative à l'abandon existe bel et bien, comme l'avance The Atlantic, s'il voulait préserver sa dignité: libérer les délégués et se présenter lors d’une convention ouverte. En d'autres termes, rebattre les cartes et redonner le pouvoir à l'électorat démocrate.

Car sans un sursaut de réalisme, Joe Biden restera ce candidat aussi buté qu'un grand skieur, dont l'amputation des deux jambes ne serait pas en mesure de remettre en cause sa victoire au prochain championnat du monde.

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