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Les Etats-Unis doivent à tout prix éviter l'humiliation

En voulant faire condamner Donald Trump pour «complot en vue de frauder les Etats-Unis», le procureur spécial Jack Smith a désormais la réputation de la justice américaine sur les épaules et la crédib ...
En voulant faire condamner Donald Trump pour «complot en vue de frauder les Etats-Unis», le procureur spécial Jack Smith a désormais la réputation de la justice américaine sur les épaules et la crédibilité du système démocratique. C'est pas rien.image: getty, montage: fred valet
Analyse

Pourquoi les Etats-Unis doivent à tout prix éviter l'humiliation

Si Donald Trump est condamné pour ce que le procureur Jack Smith considère comme «un assaut sans précédent contre la démocratie américaine», il pourrait être privé d'élection présidentielle. Théoriquement. Ce qui est certain, c'est que la justice américaine joue sa crédibilité (et celle du système démocratique).
02.08.2023, 18:3903.08.2023, 08:17
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Jamais deux actes fédéraux d'accusation sans trois. Donald Trump a reçu l’ordre de comparaître devant le tribunal fédéral de Washington, jeudi 3 août, à 16 heures locales tapantes. Là, il entendra les (nouvelles) charges qui pèsent contre lui. On parle tout de même de «complot en vue de frauder les Etats-Unis», «complot visant à priver les électeurs de leur droit de vote» et «complot en vue d'entraver une procédure légale». C'est l'enclume la plus lourde que la justice américaine vient de déposer, mardi, sur les épaules de celui qui écrase toujours ses adversaires dans la primaire républicaine.

Le procureur spécial Jack Smith, célèbre bête noire du milliardaire, considère que l'attaque du Capitole, le 6 janvier 2021, est «un assaut sans précédent contre la démocratie américaine». Chaque mot comptera triple dans cette affaire, car la particularité de ce futur procès, c'est qu'il est en mesure de priver officiellement Donald Trump de Bureau ovale, en cas de condamnation. Enfin, (très) théoriquement. Car le chemin est jonché d'embûches. Surtout lorsque l'accusé se dit motivé à mourir sur scène.

En temps normal, la densité de ce dernier acte d'accusation (mais aussi la brouette d'ennuis qui lui pendent encore au nez) serait suffisante pour que la justice se dise que le jeu en vaut largement la chandelle. Mais Donald Trump n'est pas un politicien tout à fait ordinaire et chaque assaut du procureur Jack Smith solidifie ses reins dans les sondages. Au point que cet acharnement politique» et ce «règlement de compte» sont aujourd’hui son plus redoutable argument de campagne.

Et c’est plutôt pervers, puisqu’on n’a plus l’impression d’assister à un procès pénal ordinaire. La probabilité pour qu'un accusé en série trône, malgré tout, en pole position politique, qui plus est dans une grande démocratie, devait être bien mince au moment de la rédaction des statuts constitutionnels en 1787. Car, rappelez-vous, l'article 3 du 14ᵉ amendement est censé disqualifier quiconque envisagerait un emploi fédéral, en cas «d'insurrection ou rébellion», mais aussi «apporter aide ou réconfort aux ennemis de la Constitution». Or, comme le précise notamment Aziz Huq, expert en droit constitutionnel à la faculté de droit de l'Université de Chicago, «il n'y a rien dans le 14ᵉ amendement qui explique comment actionner cette disqualification».

«Invoquer le 14e amendement créerait une ambiguïté juridique importante»
Aziz Huq, au Time, en avril dernier.

Quand on connaît la propension de Donald Trump à mettre le foutoir dans les rouages judiciaires, il est plus que probable qu'une condamnation, peu importe la peine, devienne naturellement sa nouvelle arme favorite. Et Nancy Pelosi, ancienne speaker de la Chambre, a beau avoir martelé, mardi soir, que «nos fondateurs ont clairement indiqué qu'aux Etats-Unis d'Amérique, personne n'est au-dessus de la loi – pas même l'ancien président des Etats-Unis», il y a pourtant des chances pour que le résident de Mar-a-Lago le soit. Au moins l'espace d'un instant.

Car si le milliardaire est reconnu coupable d'insurrection ou de complot contre l'Etat avant novembre 2024, le paquebot juridique devra invariablement emprunter un itinéraire inédit, fastidieux, potentiellement explosif et, surtout, pluriel.

La disqualification effective du candidat ne s'actionnera pas d'un seul doigt sur un bouton et ceux qui se chargeront du sale boulot devront faire vite et bien. Certes, le code pénal américain prévoit lui aussi une loi qui prive un candidat de présidence des Etats-Unis en cas d’insurrection. Mais il parait peu probable que la sentence soit docilement acceptée d'un doux ronronnement, par son bataillon d'avocats, mais aussi par le parti républicain. Dit autrement: mettre Trump totalement hors d'état de nuire relèvera d'une longue et peu ragoûtante série de bricolages juridiques, qui auront également le potentiel de jeter un certain discrédit sur le système judiciaire.

C'est désormais un fait, les Américains n'assisteront pas à un simple procès pénal historique, mais pourront juger sur pièce de l'état de santé de leur nation.

«C'est tout le fonctionnement de la démocratie américaine qui est en jeu»
Jon Grinspan, historien politique au National Museum of American History.

Rachel Kleinfeld, spécialiste de l'Etat de droit pour le Carnegie Endowment for International Peace, va plus loin et invoque carrément les moments charnières de l'Histoire mondiale: «Ce procès est susceptible d'insuffler le sentiment que l'Amérique est de retour et que notre démocratie est puissante.»

«Tout comme la chute du mur de Berlin a montré la faiblesse de l'ex-Union soviétique, la foule du 6 janvier qui a tenté d'utiliser la force pour renverser la volonté des électeurs a choqué le monde et montré la faiblesse de notre démocratie.»
Rachel Kleinfeld, au Washington Post

Trump privé de présidence pour «complot contre les Etats-Unis», c'est aussi la possibilité, offerte par ce fameux 14ᵉ amendement, que le Congrès «supprime un tel handicap par un vote des deux tiers de chaque Chambre». Un labyrinthe susceptible de pousser les législateurs à se contenter d'une condamnation pénale, priant pour que l'électorat retrouve lentement la raison et l'abandonne sur le bas-côté.

Son principal adversaire, Ron DeSantis, s'est déjà exprimé en ce sens, arguant qu'«en fin de compte, ce sera aux électeurs de prendre la bonne décision».

Certes, les chicanes pratiques et financières (prison, frais d'avocat) qui se présenteraient face à lui durant la fin de la campagne pourraient le forcer à jeter l'éponge. Or, comme ses défenseurs le promettent déjà, les procédures pénales contre le patron des Maga devraient pourrir les rouages démocratiques au moins jusqu'au jour J, en novembre 2024.

Si le jeu du procès en vaut la chandelle, il faudra en accepter les règles et les risques. Malgré la gravité des accusations qui planent sur le candidat, la justice américaine sera en terrain inconnu pour appliquer sa ou ses décisions. Elle sera confrontée aux manigances d'un autocrate qu'elle n'a jamais eu le loisir de croiser sur sa route. Plus philosophiquement, elle devra aussi affronter plus de 63% d'électeurs républicains toujours persuadés que l'élection présidentielle de Joe Biden en 2020 fut illégitime.

Elle devra, enfin, contrecarrer l'impression générale que les salves judiciaires contre Donald Trump sont désormais si nombreuses et fréquentes qu'elles en deviennent banales.

La justice fédérale américaine n'a désormais plus d'autre choix que de condamner Donald Trump. Lourdement. Et le geste a tout intérêt à être rapidement et parfaitement exécuté. Pour en faire un exemple, pour la démocratie, mais surtout pour sauver ses propres fesses, déjà beaucoup trop impliquées (malgré elles) dans le processus ordinaire d'une élection présidentielle.

L'assaut du Capitole en images

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L'assaut du Capitole en images
Des manifestants pro-Trump occupent les terrains de la partie ouest du Capitole.
source: epa / michael reynolds
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La marionnette de Trump est de retour

Video: twitter
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