En règle générale, le secret professionnel de l'avocat est sacré. Mais même les Américains, obsédés par le droit, connaissent une exception: si l'avocat aide son client à commettre un crime, la protection peut être levée.
C'est exactement ce qui est arrivé à Evan Corcoran. L'avocat de Donald Trump a fait une déclaration sous serment aux autorités chargées de l'enquête selon laquelle l'ex-président des Etats-Unis avait restitué tous les documents illégalement en sa possession. Il s'agissait d'un mensonge. L'enquêteur spécial Jack Smith vise désormais à déterminer s'il l'a fait sur l'ordre de Trump et en accord avec lui. Si c'est le cas, Corcoran n'aurait pas seulement commis un délit lui-même. Trump aurait également enfreint la loi.
Petit retour en arrière: après que Trump ait évacué la Maison-Blanche à contrecœur et à la hâte, les représentants de la National Archives and Records Administration ont rapidement constaté que l'ancien chef d'Etat avait emporté avec lui toute une série de documents qui ne lui appartenaient pas, mais qui étaient destinés au public et donc aux Archives nationales.
En principe, ce n'est pas grave. D'autres présidents ont connu la même mésaventure. Mais, alertés, ils ont immédiatement remis ces documents aux Archives nationales. S'ils souhaitent utiliser certains de ces documents plus tard – par exemple lors de la rédaction de leurs mémoires – ils y ont accès à tout moment.
Trump ne s'est pas soucié de cette procédure lors de son changement de domicile. Lorsqu'on lui a ensuite demandé de restituer ces documents, il n'a accepté de le faire qu'en grommelant. Dans le même temps, son avocat a fait la déclaration susmentionnée.
Il s'est toutefois rapidement avéré que Trump avait retenu illégalement toute une série de documents. Oui, il existe même une vidéo montrant deux hommes transportant plusieurs caisses à Mar-a-Lago vers un autre endroit.
L'ex-président a refusé à plusieurs reprises de rendre ces documents. C'est pourquoi le FBI a effectué une perquisition dans sa résidence l'été dernier et a effectivement trouvé toute une série de documents de ce type, dont plus d'une centaine marqués du sceau «top secret». Il était donc clair qu'il s'agissait d'un délit. Il reste toutefois à déterminer si elle a été commise avec la connaissance et l'intention de Trump.
Une cour d'appel de Washington vient de répondre négativement à un appel de l'équipe d'avocats de Trump. Celui-ci cherchait à empêcher que l'avocat Evan Corcoran, mentionné ci-dessus, ne doive témoigner devant un grand jury et mettre ses notes à disposition.
Corcoran doit maintenant témoigner. Trump n'a plus aucune possibilité de l'éviter. Il peut tout au plus tenter d'empêcher que ses déclarations soient utilisées dans un éventuel procès contre lui. Mais cette tentative a également peu de chances d'aboutir.
Qu'est-ce que cela signifie concrètement? L'enquêteur spécial Smith a maintenant la possibilité de marquer ce que l'on appelle un «slam dunk», un but que l'on ne peut pas rater. Il y a sans aucun doute un délit, car les documents trouvés à Mar-a-Lago étaient illégalement en possession de Trump. Les déclarations de Corcoran permettent également de prouver sans l'ombre d'un doute que l'ex-président a sciemment et délibérément tenté d'empêcher que ces documents soient remis à leur propriétaire légitime, les Archives nationales, et qu'il a menti aux autorités à ce sujet.
Il reste néanmoins quelques questions en suspens:
La probabilité d'une telle accusation a massivement augmenté avec le jugement de la cour d'appel. Smith ne doit toutefois pas seulement clarifier l'affaire des documents, il doit également déterminer si des poursuites doivent être engagées contre Trump pour son rôle dans l'assaut du Capitole. On ne sait pas si et comment cela se fera.
D'abord, parce qu'elle est beaucoup plus grave, ensuite parce qu'elle est beaucoup plus claire. Certes, personne ne doute que Trump a versé un pot-de-vin à la star du porno. Mais la question de savoir s'il a également commis un délit est loin d'être claire d'un point de vue juridique.
Dans le cas du président en exercice, le ministre de la Justice Merrick Garland a également nommé un enquêteur spécial. Mais il y a une différence de taille: Biden et Pence ont tous deux immédiatement proposé de coopérer. Il est probable qu'il s'agisse dans leurs cas de négligence.
Deux des inculpations possibles sont de nature étatique (New York et Géorgie). Une éventuelle inculpation du procureur spécial est en revanche de nature fédérale et donc en principe supérieure. Si trois inculpations devaient effectivement avoir lieu, les procureurs concernés se concerteront probablement entre eux.
Trump se déchaîne et se pose en victime d'une chasse aux sorcières politique. Il n'est pas certain qu'il y parvienne. Karl Rove, l'ancien stratège en chef de George W. Bush, est sceptique. Dans un commentaire publié dans le Wall Street Journal, il constate: