Après l'affaire du paiement silencieux à une actrice porno et l'affaire des documents classifiés de Mar-a-Lago, on commencerait presque à se lasser des actes d'accusation fédéraux qui tombent les uns après les autres sur la tête de l'ex-président américain. Les accusations portées mardi sont toutefois les plus graves jamais formulées à l'encontre de Donald Trump: comploter en vue de saper la démocratie américaine.
Descellé mardi, ce document historique fournit une mine de détails, encore jamais divulgués, sur les efforts du milliardaire pour rester au pouvoir, en dépit de sa défaite contre Joe Biden.
L'acte d'accusation mentionne – sans les nommer expressément – six «co-conspirateurs» qui auraient appuyé les efforts de Trump pour tenter d'annuler les élections. Leur identité relève du secret de polichinelle.
Le «co-conspirateur n°1», par exemple, est décrit comme un «avocat prêt à diffuser des affirmations sciemment fausses et à poursuivre des stratégies, que la campagne de réélection de l'accusé en 2020 n'aurait pas pu mettre en œuvre». Dans un communiqué publié dans la foulée, l'avocat de Rudy Giuliani, l'ex-maire de New York, a reconnu qu'il «semble que le maire Giuliani soit le co-conspirateur n°1».
Les descriptions fournies correspondent aux profils d'une équipe d'avocats et de conseillers loyaux, prêts à défendre des théories du complot de plus en plus farfelues pour défendre les intérêts de leur client.
L'acte d'accusation nous en apprend notamment davantage sur le «double-jeu» opéré par Donald Trump dans les jours et les semaines qui ont précédé l'insurrection. Le 3 janvier 2021, par exemple, alors qu'il vient de nommer un de ses alliés, Jeffrey Clark, en tant que «procureur général par intérim», Trump assure qu'il est prêt à quitter ses fonctions. Il se trouve alors en pleine réunion avec de hauts responsables de la sécurité nationale.
Face à l'imminence du transfert de pouvoir, Donald Trump accepte de céder directement un épineux «dossier concernant la sécurité nationale à l'étranger» à son successeur. «Oui, vous avez raison, il est trop tard pour nous», confirme le président au chef d'état-major. «Nous allons refiler ça au prochain gars.»
Or, au même moment, des notes du vice-président Mike Pence font état d'une discussion entre Donald Trump et le «co-conspirateur n°2» (présumément John Eastman, un avocat constitutionnel dans l'orbite de Trump), au cours de laquelle le président en fin de mandat aurait «sciemment formulé de fausses allégations de fraude électorale».
Alors que le destin de plusieurs Etats se joue à quelques centaines de milliers de voies près, John Eastman aurait suggéré de rejeter unilatéralement les grands électeurs légitimes de sept Etats. Mike Pence s'enquiert auprès de l'avocat s'il est autorisé à faire cela. Dans la note, Eastman aurait répondu:
Le vice-président en aurait apparemment profité pour mettre en question cette idée radicale. «Vous avez entendu ça? Même votre propre avocat ne dit pas que j'ai cette autorité», aurait-il lancé à Donald Trump. Lequel aurait répliqué à Mike Pence qu'il n'y avait pas de problème.
L'acte d'accusation stipule également que dès le lendemain, le 4 janvier, l'un des principaux conseillers de Donald Trump aurait affirmé au co-conspirateur n°2 John Eastman que le plan visant à annuler les élections provoquerait des «émeutes dans les rues». Ce à quoi l'avocat aurait répondu qu'il y a eu des moments dans l'histoire américaine, où la violence s'avérait nécessaire pour préserver le pays.
Le 6 janvier, à 11h15, Donald Trump passe un ultime coup de fil à son vice-présent pour faire «pression sur lui, afin qu'il rejette ou rende frauduleusement les votes électoraux légitimes de Joe Biden.» Mike Pence refuse.
Immédiatement après l'appel, il est désormais évident que Mike Pence «ne modifierait pas frauduleusement les résultats des élections». Trump décide donc d'isoler son vice-président et d'en faire sa brebis galeuse dans une série d'allocutions publiques.
Pendant ce temps, «alors que la violence s'ensuit», lit-on dans l'acte d'accusation, l'accusé et les co-conspirateurs auraient «exploité la perturbation», en «redoublant d'efforts pour déposer de fausses allégations de fraude électorale» et «convaincre les membres du Congrès de retarder davantage la certification électorale».
Si ces allégations sont vraies, Donald Trump ne se serait pas contenté d'assister avec impuissance à l'assaut du Capitole. Le document laisse plutôt supposer qu'il aurait profité du chaos ambiant pour retarder la certification de l'élection, voire la faire annuler. D'où la lenteur de l'action de l'ancien président à déployer des troupes de la Garde nationale au Capitole pour rétablir l'ordre. Ce n'est qu'à 18h01, le 6 janvier 2021, que Donald Trump a finalement exhorté les émeutiers à «rentrer chez eux dans l'amour et la paix».