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Analyse

Il n'y a qu'un seul Donald Trump et c'est une catastrophe

Les candidats républicains copient Trump ou s'en distancient violemment, preuve qu'il n'a jamais été autant au cœur de la présidentielle américaine de 2024.
Les candidats républicains copient Trump ou s'en distancient violemment, preuve qu'il n'a jamais été autant au cœur de la présidentielle américaine de 2024. Getty Images North America
Analyse

Il n'y a qu'un seul Donald Trump et c'est une catastrophe

Trump, c'est comme les Beatles ou Christopher Nolan. En manque d'inspiration, les candidats à la primaire républicaine font tout pour lui ressembler ou s'en distancer bruyamment. Résultat, il n'a jamais été si influent et mal copié.
28.07.2023, 18:5829.07.2023, 10:10
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On l'aime beaucoup Donald Trump. Si, si, avouez-le. Trump le personnage, le méchant qu'on croirait tiré d'un film d'action, sa gueule, sa tignasse, ses mimiques, ses slogans, sa politique explosive et aléatoire. Alors oui, certes, certains d'entre nous aiment surtout le craindre ou le détester, mais qui oserait offrir une définition définitive à l'amour, surtout lorsqu'on parle du futur homme le plus puissant du monde?

Trump, c'est un peu le Poutine d'Hollywood. Parce que le maître du Kremlin, lui aussi, est dangereusement entré dans la culture pop, pile au moment où il est entré en Ukraine. Goldfinger d'un côté, Dr. No de l'autre. On aime bien se ficher d'eux, ignorant cette goutte de sueur qui perle sur notre front à chacun de leurs méfaits.

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Trump est une Barbie populiste et on a tout le loisir d'user ses articulations. Avec lui, l'humanité est certaine de ne jamais manquer de drame, de paillettes, de rebondissements, d'effets spéciaux, de magie, de spectacle, de charisme, de goodies, de bagout, de personnalité. «Hugo Boss habillait les nazis, le style à son importance», disait Orelsan. Sans aller juste que là, Trump est si reconnaissable, si reconnu, qu'il en devient, ma foi, sérieusement reconductible. Le voilà solidement en tête des intentions de vote républicain, s'autorisant parfois l'affront de dépasser Joe Biden, entre deux lourdes enclumes judiciaires.

Pourquoi c'est dramatique?

Aux Etats-Unis, et plus spécifiquement au sein du parti républicain, il y a un avant et un après-Trump. (Là, on ne vous apprend rien.) Le milliardaire a redessiné le pays et le geste politique avec la finesse qu'on lui connait, dépassant allègrement dans les marges, en ne laissant surtout aucun crayon à l'ennemi. Or, bien que le résultat ressemble au gribouillage d'un mioche de quatre ans, force est de constater qu'il fait toujours office d'indice, à l'instar du CAC 40 ou du Big Mac.

Aussi dangereux soit-il, Trump incarne parfaitement son identité politique. C'est même une idéologie sur pattes, l'homme-sandwich de ses idées. Si les électeurs peinent à savoir pour quoi ils votent, ici, ils savent pour qui. Si une bonne moitié du pays doute, aujourd'hui, sincèrement du bien-fondé de la verve démocratique et de la chose factuelle, c'est l'œuvre, physique et iconographique de Donald.

Mais si vous êtes incapables de nommer trois autres candidats à la primaire républicaine, ce n'est pas (totalement) de sa faute. Bien sûr, l'élection présidentielle américaine est encore loin. Mais connaissez-vous Doug Burgum, Ryan Binkley, Larry Elder, Will Hurd, Asa Hutchinson, Perry Johnson ou Vivek Ramaswamy? Et que savez-vous réellement du principal rival de Trump, Ron DeSantis? Son visage, sans doute. Sa guéguerre contre Disney et la communauté LGBT, peut-être. Mais son programme politique, le timbre de sa voix, ses slogans, son plat favori, ses tics et tocs? Probablement pas.

Dans leurs rares éclats de voix, les adversaires de Donald Trump font du Donald Trump ou s'en détache si bruyamment qu'on ne voit que lui. Il paraît qu'il faut craindre Ron DeSantis car c'est un «Trump intelligent». Qu'il faut surveiller Ramaswamy puisqu'il se profile comme le «Trump 2.0». Qu'il faut garder un oeil sur Chris Christie, ce «tyran» en devenir, qui ne se lève plus que pour se venger de Trump après une bonne brouette d'humiliations passées.

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Donald et Melania au début des années 2000.Getty Images North America

Christie est d'ailleurs le seul républicain à sortir franchement les griffes, mais pour des raisons personnelles. Et un ressentiment, même tenace, n'a jamais transformé un éternel sous-fifre en président des Etats-Unis.

Citons aussi le plus populaire d'entre eux, Mike Pence, ancien vice-président déçu et déchu, qui évite tellement d'évoquer son ancien colocataire à la Maison-Blanche qu'il en fait un éléphant dans la petite boutique républicaine. Nikki Haley? Disons que celle qui hurlait, en 2016, que «Donald Trump représente tout ce que j’enseigne à mes enfants à ne pas être», s'est tout de même ruée sur le poste d'ambassadrice américaine à l’Organisation des nations unies (ONU), que le président lui offrira l'année suivante.

La mort politique de papa Trump, celui qui a bouleversé, forgé, fidélisé, engrangé, prospéré est un rocher douloureux dans le mocassin du parti. Ses descendants, sans saveur ni aspérité, se chamaillent en coulisses et affûtent leurs armes selon le chablon fourni par le patron.

Beaucoup rêvent de l'enterrer demain, d'autres lui portent un respect sincère, mais ne se gêneront pas de lui piquer son costume, sans la moindre larme sur la joue. Tous, en revanche, lui sont au moins un peu redevables, si bien que personne n'ose franchement s'en détacher pour créer une nouvelle lignée républicaine, purgée du personnage Trump. De s'afficher sans un masque en caoutchouc qui n'a jamais trompé personne.

SARASOTA, FL - NOVEMBER 7: Republican presidential candidate Donald Trump holds up a mask depicting himself as he speaks during a campaign event at Robarts Arena at the Sarasota County Fairgrounds in  ...
Image: The Washington Post

Celui qu'on aime (ou qu'on aime détester) a aujourd'hui sur le dos un nombre incalculable de sosies bon marché, moins truculents, moins charismatiques, plus dangereux, plus instables et, surtout, sans la moindre chance de flanquer une raclée à l'original. Si le principal intéressé, amusé par ce jeu des sept différences, sait pertinemment que c'est à son avantage, les électeurs, eux, n'auront aucune raison de miser sur une pâle copie, dont on n'imagine même pas enfiler la casquette.

Le clan républicain, sans doute trop occupé à (ne pas) choisir entre héritage et rivalité, semble avoir totalement oublié la notion d'alternative. Au point que ce sont désormais une poignée de procureurs américains qui en assument le rôle, s'efforçant de simplement le mettre hors d'état de nuire. Or, bâillonner the real Donald Trump ne servirait, du moins à quatorze mois de la présidentielle, que les intérêts des démocrates et de Joe Biden.

La marionnette de Trump est de retour
Video: twitter
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