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Manuel Valls n'a jamais existé: l'histoire de son ultime mise à mort

Manuel Valls, Paris, 18 décembre 2016.
Manuel Valls, Paris, 18 décembre 2016. image: keystone
Analyse

Manuel Valls n'a jamais existé: l'histoire de son ultime mise à mort

La défaite de l'ex-premier ministre dimanche au premier tour des législatives désignant les députés des Français de l'étranger a été accueillie par un flot de haine rarement observé. Le voilà banni.
07.06.2022, 19:2408.06.2022, 11:23
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L’époque n’est pas favorable à Manuel Valls, défait dimanche au premier tour d’un scrutin législatif qui l’avait envoyé batailler dans une circonscription d’opérette, Espagne, Portugal, Andorre et Monaco, pour un de ces sièges de députés de seconde zone, censés représenter les Français de l’étranger. Non, l’époque n’est pas en phase avec l’ancien premier ministre français. Tout ce qu’il a combattu tient à nouveau l’affiche, quand lui semble devoir la quitter pour longtemps: Diam’s, l’ex-rappeuse, apparaît en majesté sur l’écran du Festival de Cannes, Karim Benzema fait l’unanimité en équipe de France, l’ex-leader travailliste Jeremy Corbyn parade dans les rues de Paris.

Diam's, Benzema, Corbyn: pas ses copains

  • Diam’s, c’est la dévote récupérée par l’islamisme.
  • Benzema, c’est plusieurs choses: un, la banlieue indomptable; deux, le «crachat» sur la pelouse d'un Real-Baça à la fin d’une Marseillaise jouée en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015; trois, l’affaire de la sextape, lui valant une condamnation avec sursis – il a récemment renoncé à son appel.
  • Corbyn, c’est ce Britannique venu soutenir, samedi, deux candidates mélenchonistes, chassé en 2020 de la présidence du Labour pour mauvais résultats électoraux, mais aussi pour son inaction face à l’antisémitisme au sein du parti.

Manuel Valls – doit-on en parler au passé? – se voulait le contraire de tout cela: la laïcité dans ce qu’elle a de plus intransigeant; la lutte pied à pied contre l’islamisme, qu'il situait dans les quartiers tout en les décrivant comme victimes d’une situation d’apartheid; le soutien à Israël, auquel il se disait «lié de manière éternelle», notamment par celle qui était sa femme à l’époque, de confession juive.

«Irréconciliables»

Le personnage était clivant, c’est peu de le dire. Il avait théorisé les «gauches irréconciliables»: la sienne, sociale-démocrate, écrabouillée à la dernière élection présidentielle, déjà largement battue en 2017, et puis l’autre, qu’il détestait, l’accusant de compromissions avec l’islamisme et l’antisémitisme. Une gauche aujourd’hui en position de force avec la Nupes, la coalition rouge, rose et verte emmenée par Jean-Luc Mélenchon pour les législatives des 12 et 19 juin.

Dimanche soir, près de 34 000 tweets contenant le terme «Valls» ont été publiés entre 20h54 et 23h54, rapporte le magazine Marianne. Leur point commun: la haine viscérale de leurs auteurs pour cet ancien serviteur de l'Etat. Manuel Valls accusait le coup: à 22h35, il postait un «Adieu Twitter» et fermait son compte.

Face à ce lynchage numérique, le chroniqueur de la radio France Inter Redwane Telha appelait à ne pas «se déchaîner sur un homme à terre»:

Valls, un apparatchik socialiste qui n’a que ce qu’il mérite? Ses ennemis le dépeignent en «traitre», parce qu’il a rompu le serment par lequel il s’engageait à soutenir Benoît Hamon, arrivé en tête à la primaire socialiste de 2016, en amont de la présidentielle de 2017. Or, il s’était rallié à Emmanuel Macron et avait été élu d'un cheveu député de l’Essonne, le département de région parisienne où il a fait sa carrière politique en France.

S’imaginant sans avenir dans le pays qui l’avait naturalisé français en 1982, cet Espagnol de naissance, suisse par sa mère, était parti conquérir la mairie de Barcelone, échouant dans sa tentative un peu folle. Il était revenu en France. Une place en vue, une place avec du pouvoir: voilà ce qu'il recherchait dernièrement avec ardeur, comme prenant le monde à témoin du gâchis qu'il y aurait à ne pas l'élire député.

La bougeotte et un crédo

Manuel Valls avait certes la bougeotte et pouvait paraître inconstant, sinon arriviste. Mais sa ligne politique, elle, semble n’avoir jamais varié: pour l’unité de la nation, contre tout séparatisme, de nature religieuse ou régionaliste (il était opposé aux sécessionnistes catalans et partageait sur ce point la même opinion que le parti d’extrême droite espagnol Vox, comme de toute autre formation attachée à l'unité de l'Espagne).

Ses détracteurs en ont fait un être définitivement détestable, comme dans le tweet ci-après:

Une page se tourne, dirait-on. Celle de Manuel Valls, l’incarnation d'un dogme républicain démonétisé, jugé inégalitaire et corrompu, tenu pour responsable de la «casse sociale». Celle, en somme, d’une certaine liturgie qui ne semble plus faite pour une France multi-fracturée et comme incapable de communier autour d’un modèle unitaire et rationnel. Les communautarismes religieux, écologiste et scientifico-sceptique sont en vogue, comme autant d’échappatoires à la dureté des temps.

Emmanuel Macron semble en avoir pris conscience. Il n’a pas reconduit Jean-Michel Blanquer, le «maître d’école», à l’Education nationale, lui préférant une figure, Pap Ndiaye, a priori plus apte à composer avec une jeunesse à la fois pleine de doutes et de croyances. Et il a écarté celle qui, au fil des ans, était devenue la sniper tirant sur le «séparatisme islamiste», Marlène Schiappa. Des disparitions dont ce twittos manifestement se réjouit:

On retiendra que c’est alors qu’approche le dénouement du procès des attentats du 13 novembre, Manuel Valls étant à l'époque ministre de l’Intérieur, que ce symbole vivant de la lutte contre l’islamisme et l’antisémitisme, passe à la trappe. Pour Dieudonné, dont Valls avait fait interdire un spectacle dans lequel l’humoriste semblait regretter que tel journaliste ne soit pas parti en fumée dans les camps, ce moment doit sonner comme une petite revanche.

Impardonnable

Et si la société, pour parler globalement, reprochait à Manuel Valls, non ses sinuosités politiques, mais, au contraire, son inflexibilité, son langage clair, comme on ne pardonne pas à certains d’être des oiseaux de mauvais augure? La véritable estocade, c’est peut-être de lui nier tout apport concret au bien commun, comme si son action et ses paroles, au moment même où la France était attaquée, en cette terrible année 2015, n’avaient été que du vent. On comprend mieux le tweet suivant:

Manuel Valls n’a jamais existé. C’est ce qu’on dit des bannis.

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