Clap de fin d'une semaine judiciairement chargée pour Donald Trump. A son agenda: mardi, la visite imprévue d'une trentaine d'agents du FBI pour perquisitionner son manoir; mercredi, un interrogatoire musclé de plusieurs heures avec la procureure de New York et, jeudi, un sacré remue-ménage dans le paysage politique américain.
Dernier rebondissement? Lors de son départ de la Maison-Blanche, l'ex-locataire aurait embarqué avec lui plusieurs cartons de documents. Des papiers classés confidentiels... relatifs aux armes nucléaires, révélait vendredi le Washington post. C'est dire si l'ancien président a dû voir se profiler le week-end avec un certain soulagement.
Comme le rappelle un «petit» décompte du New York times, le président est sous le coup de six enquêtes différentes, pour des soupçons aussi divers et variés que: fraude fiscale, vol de documents confidentiels, tentatives de corruption ou encore instrumentalisation des résultats de l'élection présidentielle.
Autant dire, pas mal de casseroles.
Pourtant, on a l'impression crasse que cette accumulation ne pèse guère sur les épaules de Donald Trump. «C’est la question que tout le monde se pose: Trump est-il impossible à arrêter?», concède Jean-Eric Branaa, fin connaisseur des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II, à watson. Pour le spécialiste, il ne fait aucun doute:
Deux bonnes raisons à cela. La première, a priori triviale: Donald Trump est un ancien président.
«A moins de trouver quelque chose d'extrêmement grave contre lui, il serait difficile de l'envoyer derrière les barreaux sans que des milliers de personnes ne descendent dans la rue», détaille Jean-Eric Branaa. Il suffit de voir l'effet provoqué par une «simple» perquisition dans sa maison de Palm Beach: une pluie de menaces de mort d'une violence inouïe s'est abattue sur les agents fédéraux et le procureur général à l'origine de l'action, Merrick Garland.
C'est sans compter les appels à la «guerre civile» qui ont fleuri en masse sur Twitter, une fois les fouilles du FBI terminées.
«Tout ça, évidemment, le ministre de la Justice l’a en tête», confirme Jean-Eric Branaa. «Ancien juge et fin politicien, le procureur Merrick Garland ne va pas s’amuser à mettre le pays à feu et à sang. Ce n’est dans l’intérêt de personne, et surtout pas de celui de la justice.»
Deuxième raison? Elle s'avère tout aussi logique: notre homme est âgé de 77 ans. «Même si une sentence de prison est prononcée un jour contre lui, il fera appel. Et on repartira sur des procédures sans fin. Le temps qu'elles s’épuisent, il aura 87 ans, à supposer qu'il soit encore de ce monde», conclut le spécialiste.
S'il n'a aucune chance d'aller en prison, l'ancien président est-il donc inarrêtable? Pas forcément, selon notre expert. «Certes, Trump ne risque pas grand-chose pour des trivialités.»
«Pour pouvoir toucher Donald Trump, il faut un dossier extrêmement solide. C’est pour ça que tout prend beaucoup de temps», poursuit le conférencier. «S’il est poursuivi, il faut faire en sorte qu’il ne puisse pas retourner les choses à son profit, en s’engouffrant dans un trou de souris.»
«En observant la façon dont travaille Merrick Garland, je crois que Donald Trump va être poursuivi très bientôt», affirme Jean-Eric Branaa. Pour lui, la perquisition de la demeure de Mar-a-Lago en est la preuve:
«Jamais le ministre de la Justice n'aurait lancé une telle action à moins de 100 jours d'une élection, s'il n'y avait rien.»
Pendant ce temps, le principal intéressé, à savoir Trump, hurle à la «persécution», et ses fidèles à la «chasse aux sorcières». Rick Scott, sénateur de Floride, n'a pas hésité à qualifier l'action du FBI digne de la Gestapo.
Et c'est vrai qu'il y a de quoi s'interroger devant cette longue liste d'enquêtes dont l'ex-président américain est la cible. Ne faut-il pas y voir une habile stratégie, pour l'empêcher de briguer un second mandat?
Non, selon Jean-Eric Branaa. Pas de chasse aux sorcières qui fasse: «Tout comme la tentative d'impeachment était complètement justifiée, aujourd'hui, nous sommes dans un cadre d’enquêtes qui sont parfaitement légitimes».
En fait, l'ancien chef d'Etat est coutumier de cette victimisation à outrance. Une technique qui est même au cœur de sa stratégie, selon la politologue Marie-Cécile Naves, au micro de nos confrères de Radio France:
«La banalisation du mensonge et du complotisme sont un legs du trumpisme», ajoute-t-elle. Au point de devenir quasiment la norme au sein du parti républicain.
«C’est Donald Trump qui a engendré ce qui est en train de se passer, et il le fait à dessein», complète Jean-Eric Branaa. En effet, on ne peut s'empêcher de remarquer que c'est l'ancien président des Etats-Unis lui-même qui a annoncé faire l'objet d'une perquisition, sur les réseaux sociaux.
«En publiant ce message, il n'attendait qu'une chose: que les gens descendent dans la rue et cassent tout. Au fond, je crois qu’il a été satisfait de voir qu’une trentaine de rigolos venaient sonner à sa porte.»
Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre les élections de mi-mandat, déontologie oblige. «Mais je pense que des poursuites vont être lancées contre Donald Trump immédiatement après», suppose Jean-Eric Branaa.
A voir les effets de ces ennuis judiciaires à répétition sur l'électorat. Selon plusieurs sondages sortis ces derniers mois, 50% des électeurs républicains ne voudraient plus de Donald Trump. «Il y a un an et demi, il réunissait 90% de cet électorat. Pour moi, c'est le signe que son pouvoir s’émousse.»
Au point de l'empêcher de se porter candidat en 2024?