Asa Hutchinson, l'ancien gouverneur de l'Arkansas, est un brave homme. Dimanche dernier, il est devenu l'un des premiers républicains influents à s'opposer publiquement à l'ancien président Donald Trump. Dans un entretien pour la chaîne de télévision ABC, l'homme de 72 ans a déclaré:
Au cours de cet interview, Asa Hutchinson a annoncé publiquement sa candidature à la présidentielle américaine de 2024. Et face à la menace d'une inculpation à New York, le candidat a appelé Donald Trump à se retirer.
Mardi 4 avril en effet, l'ancien président s'est présenté devant un juge au tribunal pénal de Manhattan. Le républicain est visé par 34 chefs d'accusation. Des délits plutôt mineurs, comme des malversations, mais que l'on peut considérer comme graves pour un ancien président.
Au tribunal, Donald Trump a-t-il bénéficié d'un traitement de faveur en raison de son statut? Il n'a pas eu à porter de menottes ni à se faire tirer le portrait par la police. Après la lecture des chefs d'accusation, le politicien a pu quitter le tribunal sans caution et retourner dans sa résidence, en Floride. Selon le Washington Post, comme il n'a pas d'antécédents judiciaires, l'ancien président n'ira probablement pas en prison. Et ce même s'il est reconnu coupable de tous les chefs d'accusation.
De retour dans sa maison de Mar-a-Lago, en Floride, Donald Trump s'en est pris à la justice, une fois de plus. Devant ses partisans, le milliardaire a dit être victime d'un coup monté des démocrates en vue des prochaines élections. Il sait qu'il peut compter sur le soutien de la plupart des républicains influents. Après l'annonce de son accusation, ces derniers s'étaient d'ailleurs immédiatement montrés solidaires.
Mike Pence, l'ancien vice-président de Donald Trump, a parlé de «scandale», pour qualifier l'accusation. Et d'affirmer sur CNN:
Pourtant, aux Etats-Unis, il est bien connu que Mike Pence et d'autres grands noms du parti souhaitent que l'ex-président disparaisse du paysage. Mais rares sont ceux qui osent suivre l'exemple d'Asa Hutchinson.
La dure réalité semble être la suivante: les républicains ne peuvent pas se passer de Donald Trump. Même s'il a connu quelques petites faiblesses, le milliardaire contrôle à nouveau le parti, presque à sa guise. Dans plusieurs sondages, il devance en effet son plus grand son rival, Ron DeSantis, qui déçoit les espoirs des opposants de Donald Trump au sein du parti.
Les républicains auraient pourtant toutes les raisons de se désolidariser de l'ex-président. Dans un sondage de CNN publié mardi, 60% soutiennent l'accusation portée contre lui. Ce qui signifie que non seulement les démocrates, mais aussi une majorité d'électeurs indépendants condamnent formellement les agissements de l'homme d'affaires.
De plus, depuis sa victoire électorale en 2016, Donald Trump n'a fait que de perdre. Ça a commencé avec les midterms de 2018, puis fin 2020, avec sa non-réélection à la présidence. On lui reproche également l'absence de «vague rouge» lors des élections de mi-mandat en novembre dernier.
Un nouveau départ serait donc conseillé au Grand Old Party (GOP), sans Donald Trump. Mais le courage semble manquer. C'est en tout cas ce qu'a fait remarquer Nikki Haley, ancienne ambassadrice de Trump à l'ONU, lors d'un meeting électoral dans le New Hampshire, la semaine dernière. Dans son discours, Nikki Haley a indiqué que son ancien patron avait dans son camp environ un quart de la base républicaine.
En réalité, l'ancienne gouverneure de Caroline du Sud, jusqu'à présent seule challenger un tant soit peu sérieuse de Donald Trump pour les élections présidentielles de 2024, voulait simplement exprimer par là que les trois quarts de l'électorat républicain étaient ouverts à la nouveauté. Ce faisant, elle a mis en lumière le dilemme qui touche son parti.
De plus, les fans de Donald Trump vouent un culte inconditionnel à leur idole. En novembre 2024, il n'est donc pas sûr qu'ils votent pour un autre candidat ou une autre candidate. Ce qu'il risque de se passer, c'est qu'ils boudent tout simplement le bureau de vote.
En janvier 2021, après l'assaut du Capitole, la chaîne de droit Fox News a pris ses distances avec Donald Trump. Conséquence: une partie de son public a migré vers des chaînes encore plus extrêmes, comme Newsmaxx et One America News Network (OANN). Aujourd'hui cependant, Fox News soutient à nouveau ouvertement Trump.
Pour les républicains, c'est un avertissement. Aux yeux des fans de l'ex-président, malgré ses nombreuses inculpations (par exemple pour incitation à la fraude électorale dans l'État de Géorgie), il reste intouchable. Et le milliardaire en est bien conscient. Il avait d'ailleurs lui-même déclaré lors de la campagne électorale de 2016:
Le parti est donc à la merci de Donald Trump. Ce qui le place dans une position plus que difficile: il ne peut pas gagner avec, ni sans lui. Cela vaut d'autant plus dans le cas où il manquerait l'investiture et se présenterait comme candidat libre.