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Le plus gros problème de Poutine? Les services secrets russes

Vladimir Putin fürchtet den Russischen Geheimdienst FSB.
Image: gettyimages/watson
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Le plus gros problème de Poutine? Ses propres services secrets

Pendant la rébellion de Wagner, les deux services secrets FSB et GRU ont échoué. Pourquoi Poutine ne semble-t-il pas vouloir les punir?
16.07.2023, 07:3816.07.2023, 07:38
Philipp Löpfe
Philipp Löpfe
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En décembre 1917, sur ordre de Vladimir Lénine, fut créée la Tchéka, une police secrète qui devint tristement célèbre en poursuivant et en tuant tous les ennemis des bolcheviks avec une cruauté implacable. Avec le NKVD, le successeur de Lénine, Joseph Staline, a fait encore mieux. Les exactions des sbires de Staline peuvent à juste titre être comparées aux atrocités commises par les Waffen SS d'Hitler.

Après la guerre, les services secrets russes ont été rebaptisés KGB. Comparé à ses prédécesseurs, ses membres étaient presque civilisés. Chez nous, le KGB était surtout connu pour ses espions pendant la guerre froide — et comme adversaire de James Bond. On sait qu'un certain Vladimir Poutine était également un agent du KGB, basé à Dresde, dans l'ancienne RDA.

Pourquoi les services secrets étaient-ils si mal préparés?

Aujourd'hui, il existe plusieurs services secrets en Russie: le FSB est responsable de la sécurité intérieure, comparable au FBI aux Etats-Unis. Le SVR espionne à l'étranger, comparable à la CIA, et le GRU est le service secret de l'armée. Poutine ne manque donc pas de «tchékistes», comme on appelle encore souvent les membres des services secrets aujourd'hui. Mais peut-il encore leur faire confiance?

Non, c'est la thèse que défendent Andrei Soldatov et Irina Borogan dans Foreign Affairs. Ils constatent:

«Parmi les nombreuses questions sans réponse concernant Evgueni Prigojine, le chef du groupe Wagner, figure le fait que l'appareil de sécurité était si mal préparé. Le FSB, le principal service de sécurité interne, a toujours accordé une grande importance à la prévention et a pris des mesures agressives pour étouffer tout danger dans l'œuf. Les services secrets avaient même des informateurs au sein de l'organisation de Wagner. Malgré cela, rien n'a été fait pour empêcher l'insurrection et pour avertir le Kremlin du danger»

Bien que le coup d'éclat de Prigojine ait été rapidement réprimé, la manière dont le chef de Wagner est traité reste mystérieuse, même s'il est ridiculisé à la télévision nationale. «Il est humilié», constate Tatiana Stanovaya du Carnegie Russia Eurasia Center dans le Financial Times.

«Apparemment, il a été décidé d'achever Prigojine en tant qu'homme politique. Mais ils ne savent toujours pas comment le traiter en tant qu'homme d'affaires».
Tatiana Stanovayafinancial times

En effet, des unités spéciales de la garde nationale ont pris d'assaut la villa de Prigojine à Saint-Pétersbourg. Des photos de son manoir ont été publiées. En même temps, le chef de Wagner se serait vu restituer l'argent liquide et les lingots d'or qui avaient été confisqués.

FILE - In this handout image taken from a video released by Prigozhin Press Service on Friday, May 5, 2023, head of Wagner Group Yevgeny Prigozhin stands in front of multiple bodies lying on the groun ...
Evgueni PrigojineImage: keystone

On ne sait pas non plus si Prigojine se trouve actuellement à Saint-Pétersbourg ou en Biélorussie. Le Kremlin fait preuve d'un désintérêt marqué. Le gouvernement n'a «ni les moyens ni l'intérêt de suivre les démarches de Prigojine», a fait savoir le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.

En attendant, Alexander Loukachenko, qui a conclu l'accord entre Prigojine et Poutine, s'oppose à la thèse largement répandue selon laquelle le chef de Wagner devrait craindre pour sa vie.

«Ceux qui pensent que Poutine est si malveillant et vindicatif que Prigojine sera bientôt tué se trompent. Cela n'arrivera pas»
Alexandre Loukachenko, président de la Biélorussie

Comment expliquer l'étrange réaction du Kremlin? Selon Soldatov et Borogan, la clé de cette énigme se trouve dans les services de renseignement. Peu avant sa marche sur Moscou, Prigojine a rencontré Iounous-bek Evkourov, le vice-ministre de la Défense, et Vladimir Alekseïev, le chef adjoint du GRU, à Rostov.

Tous deux ont apparemment approuvé la thèse du leader de Wagner selon laquelle la véritable cause des résultats décevants obtenus jusqu'à présent en Ukraine est à chercher du côté de la direction militaire. C'est pourquoi Prigojine n'avait cessé de réclamer le renvoi du ministre de la Défense Sergueï Choïgou et de Valeri Guerassimov, le chef de l'état-major général. «Tu peux les avoir», aurait dit Alekseïev en riant.

FILE - Russian President Vladimir Putin, center, speaks with Chief of the General Staff Gen. Valery Gerasimov, left, and Russian Defense Minister Sergei Shoigu, after a meeting with senior military of ...
Poutine et ses seigneurs de la guerre: Valeri Guerassimov (à gauche) et Sergei Choïgou (à droite).Image: keystone

Andrei Soldatov et Irina Borogan concluent que Poutine est maintenant face à un dilemme. Ce n'est pas tant le coup d'opérette de Prigojine qui pose problème, mais la réaction des militaires et des services secrets.

«Il doit maintenant trouver un moyen de gérer l'échec du renseignement et de la sécurité sans pour autant provoquer de nouvelles incertitudes sur la solidité de son assise»,
Andrei Soldatov et Irina Borogan

«Cependant, contrairement aux crises précédentes, il pourrait ne plus pouvoir compter sur ses services de sécurité» concluent les deux journalistes d'investigation.

Le dilemme de Poutine pourrait également expliquer pourquoi les chefs des services secrets n'ont jusqu'à présent pas été tenus pour responsables, bien qu'ils aient largement échoué à prévenir la mutinerie. Sans compte que, lorsque Prigojine a entamé sa marche sur Moscou, ils se sont retranchés dans leurs quartiers généraux et se sont cachés.

Le traitement étrange de l'affaire Prigojine, les déclarations mystérieuses de Loukachenko et la clémence envers les chefs des services secrets: tout cela indique que Poutine n'est plus un garant de la stabilité. Ou comme le formule Abbas Gallyamov, un analyste et ancien rédacteur de discours de Poutine, au Financial Times:

«Le système est actuellement si faible que même les plus petites secousses peuvent avoir des conséquences fatales».

Traduit et adapté par Noëline Flippe

Vladimir Poutine dans tous ses états
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Vladimir Poutine dans tous ses états
Poutine en mode chasseur, 2010.
source: ap ria novosti russian governmen / dmitry astakhov
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Le Kremlin accuse Kiev d'avoir voulu assassiner Poutine avec un drone
Video: watson
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