Avec le Big Lie, l'affirmation absurde selon laquelle les élections de 2020 ont été manipulées et que Joe Biden est un président illégitime, Donald Trump avait une emprise ferme sur le Grand Old Party (GOP) malgré sa défaite électorale. L'ambassadrice la plus efficace de ce mensonge était Kari Lake. L'ancienne présentatrice de télévision était candidate au poste de gouverneur de l'Arizona et avait, selon les sondages, toutes les chances de le devenir, d'autant plus que sa concurrente démocrate Katie Hobbs est considérée comme une technocrate plutôt ennuyeuse.
C'est pourquoi, ces derniers mois, Lake est devenue une star montante chez les républicains. En fait, elle a tout pour elle: elle est séduisante et très à l'aise avec les médias. Pour apparaître sous son meilleur jour, elle a l'habitude de se présenter aux interviews avec sa propre équipe d'éclairage. Ses apparitions ont été si efficaces que Lake a déjà été considérée comme une possible colistière de son idole Trump.
L'ex-président s'est également enthousiasmé pour son élève modèle. «Quand on lui demande ‹comment va la famille›, elle répond ‹les élections ont été truquées et volée›», s'est-il vanté.
Le duo de rêve Trump/Lake n'aura probablement pas lieu. Lake a perdu et a ainsi sonné la fin du Big Lie. Le quotidien conservateur Wall Street Journal constate:
Kari Lake est la plus éminente, mais en aucun cas la seule perdante de la faction «Big Lie». Bien qu'ils aient été soutenus par Trump, peu d'entre eux ont réussi à s'imposer. Les postes décisifs (gouverneur, secrétaire d'État et ministre de la Justice) dans les Swing States décisifs (Pennsylvanie, Arizona, Géorgie, Michigan et Wisconsin) restent soit entre les mains des démocrates, soit entre celles des républicains qui ont reconnu depuis longtemps la défaite de Trump.
Pourtant, Trump a annoncé cette semaine qu'il souhaitait revenir à la Maison Blanche en 2024. Cela n'a surpris personne, mais a donné lieu à deux pronostics diamétralement opposés sur ses chances de victoire.
Pour les uns, la candidature de l'ex-président est une tentative désespérée de revenir sur le devant de la scène, une tentative qui sera vouée à l'échec. L'empereur, ou plutôt Trump, serait à poil, sa magie aurait perdu de son efficacité. Trump est devenu ennuyeux. Même son plus grand fan, le présentateur de Fox News, Sean Hannity, a déserté le discours confus dans lequel l'ex-président a officiellement annoncé sa candidature, constatent les critiques.
En effet, les choses vont mal en ce moment à Mar-a-Lago. D'éminents républicains comme Chris Christie ou Mitt Romney tiennent Trump pour responsable des résultats décevants du GOP lors des midterms.
D'importants mécènes ne veulent plus le soutenir et des fans fidèles le conjurent de ne plus se présenter. Même Mike Pence prononce des phrases sur Trump que l'on peut interpréter comme des critiques.
Marc A. Thiessen, ancien collaborateur de George W. Bush et chroniqueur conservateur au Washington Post, écrit voire implore:
De leur côté, les démocrates aimeraient donc bien que les républicains envoient à nouveau Trump dans la course. Il s'agit là d'un espoir illusoire, voire dangereux. Trump est certes affaibli, mais il n'est pas fini. Il dispose toujours d'une base qui lui est aveuglément dévouée au sein du GOP, et la politique est, comme chacun sait, un jeu à très nombreuses inconnues.
Face aux détracteurs de Trump dans ses propres rangs, on trouve des pro-Trump de renom, comme Lindsey Graham, l'influent sénateur de Caroline du Sud, ou la représentante Elise Stefanik, numéro trois de l'équipe dirigeante républicaine de la Chambre des représentants. Tous se sont déjà rangés derrière l'ex-président.
Par ailleurs, le GOP est au bord d'une guerre fratricide. Ron DeSantis, gouverneur de Floride, et Glenn Youngkin, gouverneur de Virginie, sont désormais considérés comme des challengers potentiels de Trump. Tous deux ont réussi leurs élections et sont déjà violemment attaqués par Trump.
Cette guerre fratricide pourrait bien faire le jeu de Trump. Kevin Williamson, du think tank conservateur Competitive Enterprise Institute, écrit ainsi dans le New York Times:
Après le 6 janvier 2021, on espérait déjà que Trump serait définitivement éliminé. Cet espoir ne s'est pas réalisé. Au contraire, l'ex-président a réussi à transformer en très peu de temps le GOP en un mouvement culte dont il est le leader.
Mais en l'absence de succès, même les leaders de la secte se retrouvent en difficulté et le prochain test est déjà à la porte: l'élection partielle pour le Sénat en Géorgie. Si le candidat de Trump, Herschel Walker, devait perdre, la situation deviendrait difficile pour l'ex-président.
(traduction et adaptation par sas)