«Les mots du président ce jour-là, lors du rassemblement, ont mis ma vie, celle de ma famille et de tous ceux qui étaient dans le bâtiment du Capitole en danger». La phrase est lâchée.
Pour la première fois depuis l'insurrection du Capitole, le 6 janvier 2021, l'ancien vice-président des Etats-Unis, Mike Pence, est revenu, dans un entretien télévisé, sur les évènements qui entacheront à jamais l'histoire des Etats-Unis.
Si Mike Pence se dit en «colère» à propos de l'attitude de son ancien patron, il semble ne pas lui en tenir vraiment rancune. La preuve: il publiait ce mardi So help me God, pavé autobiographique dans lequel il revient en détail sur sa vie, et, surtout, sur sa relation avec Trump.
Une autobiographie de 500 pages et de rationalisations torturées, dont la conclusion la plus évidente est que l'ancien vice-président nourrit encore de grandes ambitions politiques. Une aspiration qui le met aujourd'hui «dans le pétrin», note Jennifer Szalaï du New York times. Tout du moins, le force à jouer le funambule, entre loyauté envers Trump et prise de distance exigée.
Difficile en effet de clamer sa colère contre les émeutiers qui ont voulu sa peau, sans s'attirer les foudres des pro-Trump qui s'accrochent au mythe de l'élection «volée»... et dont Mike Pence pourrait inévitablement avoir besoin pour servir ses propres inclinations politiques.
Pence a une longue expérience lorsqu'il de concilier l'inconciliable. C'est bien parce qu'il tranche avec le style du sulfureux milliardaire new-yorkais Donald Trump, que le futur président s'est choisi comme second ce chrétien conservateur du Midwest.
L'autobiographie de Mike Pence ne s'intitule pas So help me God pour rien: les références à la Bible apparaissent toutes les trois pages.
Un diplôme de droit, un mariage et trois enfants plus tard, il gravit les échelons de la direction du Parti républicain. Elu au Congrès en 2000, Mike Pence aime à se définir, dans l'ordre, comme «un chrétien, un conservateur et un républicain».
A plusieurs reprises, Washington bruisse de son nom à la présidence mais, en 2012, l'intéressé préfère retourner dans son Indiana d'origine pour briguer le poste de gouverneur. Un mandat au cours duquel sa popularité s'effrite.
Mike Pence est au bord de l'oubli politique quand un certain Donald Trump le choisit comme colistier en 2016. Son comportement sérieux et formel et ses cheveux blancs prématurément confèrent à la candidature de l'homme d'affaires qui «attrape les femmes par la chatte», la caution chrétienne et conservatrice dont il a besoin.
Le début de trois ans et onze mois de servitude loyale quasiment absolue, durant lesquels Mike Pence se forge la réputation de «sycophante en chef».
Tout bascule en novembre 2020, lorsque Donald Trump échoue à renouveler son mandat. Président de la session au Congrès, Mike Pence remplit son devoir constitutionnel et certifie l'élection de Joe Biden. Son premier «écart» à sa fidélité sans failles. Même si, dans les semaines suivantes, l'«unflashy number 2» ne remet pas une seule fois en question publiquement la version de Trump qui scande avoir gagné.
Ce dernier ne se prive pas de mettre son vice-président sous pression, afin de rejeter les votes électoraux de manière unilatérale.
Dans une tribune pour le Wall Street journal cet automne, Mike Pence a relaté sa version de ces semaines compliquées et l'attaque du 6 janvier.
Ce fameux 6 janvier 2021, la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, ouvre la session un peu après 13 heures. Quarante minutes après le début de la session, le vice-président est informé que des manifestants ont franchi les portes du bâtiment.
Son assistant s'approche, penaud, et lui tend son téléphone. Donald Trump vient de tweeter à 14h24:
Pendant que les émeutiers saccagent le Capitole, certains scandent:
Après s'être caché plusieurs heures avec sa femme et sa famille dans le soul-sol du Capitole, Mike Pence s'en sort sain et sauf. «A 19 heures, nous avons été autorisés à retourner à mon bureau. Quand la session a repris, tout a changé», raconte-t-il.
Désormais, l'ancien numéro 2 ne cache plus ses propres ambitions. Mercredi dernier, lors d'une conférence à l'Université de Georgetown, quand quelqu'un lui demande s'il votera pour Donald Trump en cas de candidature à la Maison-Blanche, sa réponse manque un peu de subtilité: «Eh bien, il y a peut-être quelqu'un d'autre que je préférerais plus».
Homophobe, pro-armes, climato-sceptique, pro-Israël, ultralibéral: l’ancien avocat biberonné à l’Ancien Testament se pose comme le nouveau héros de l’Amérique ultra-conservatrice.
Un espoir aussi bien pour la droite blanche et chrétienne que le parti républicain.
Ses relations profondes et sincères avec la base évangélique du parti ne sont pas sans rappeler celles qu'entretient Joe Biden avec la base afro-américaine des démocrates. En 2020, les démocrates ont voté pour une main ferme et en quantité pour Joe Biden. En 2024, les candidats républicains pourraient en faire de même pour Mike Pence.