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Ukraine: Trump joue au tyran de la paix

Ukraine: Donald Trump joue au dictateur de la paix
En coupant le robinet à l’Ukraine, Donald Trump veut contraindre Zelensky à brader ses territoires.image: keystone, montage: watson
Analyse

Trump joue au tyran de la paix

Depuis que le président des Etats-Unis a momentanément coupé le robinet d’aides à l’Ukraine, c’est le branle-bas de combat. Comment les troupes de Zelensky vont-elles tenir? Comment l’Europe va-t-elle réagir? Mais une autre question mérite qu’on s’y attarde: pourquoi Trump rue-t-il dans les brancards? Une partie de la réponse se cache dans l’opinion publique.
04.03.2025, 16:5504.03.2025, 18:33
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Mardi matin, le réveil fut brutal pour Volodymyr Zelensky et les dirigeants du Vieux Continent. Jaillissant d’une réunion en compagnie du ministre des Affaires étrangères Marco Rubio, du patron de la Défense Pete Hegseth et du vice-président JD Vance, la décision de Donald Trump de suspendre provisoirement l’aide américaine à l’Ukraine est une bombe à retardement qui a fini par exploser.

Une surprise qui n’en est pas une, mais qui en a décoiffé plus d’un une fois révélée.

Un aboutissement violent, mais logique, après plusieurs jours d’acharnement volontaire sur le président ukrainien, accusé notamment par la Maison-Blanche d’être en «tournée de propagande» et de «montrer un refus clair de s'engager dans le processus de paix», dira notamment JD Vance à Fox News.

C’est lui, le principal «saboteur de l’Alliance atlantique», comme le décrit The Guardian. Plus que jamais, le «bouledogue de Trump» fait office de bélier du Bureau ovale, bien décidé à défoncer la stratégie occidentale (et démocrate) sur la «verrue ukrainienne», quitte à passer pour le brave toutou du Kremlin. Il est peut-être opportun de se souvenir que, dans cette histoire, chacun avance ses pions selon un agenda et une to do list qui lui sont propres.

Trois ans après l’invasion de l’Ukraine menée par la Russie de Poutine, la (nouvelle) rhétorique du gouvernement américain est sournoise: la fin de la guerre, quoiqu’il en coûte. Une stratégie simpliste et autoritaire qui fait trembler Zelensky et fulminer les dirigeants européens, mais ne tombe pas de de nulle part.

La sauvagerie des arguments de Donald Trump ne s’est pas invitée toute seule dans le débat. En marge d’un vocabulaire effectivement emprunté au Kremlin, c’est une lassitude de l’opinion publique américaine face aux conflits à l’autre bout du monde que le milliardaire de Palm Beach rapatrie sur «sa» table des négociations. Trump le sait, aux Etats-Unis, il n’y a pas que les anti-Zelensky et les pro-Poutine qui laissent échapper un certain ras-le-bol.

Harry Enten, du podcast «Margins of Error» sur CNN, l’a d’ailleurs rappelé mardi matin:

«L'approbation de la part des citoyens américains de la vision de Trump sur le dossier Russie/Ukraine est bien plus positive que celle de Biden à la fin de son mandat»

Mais encore:

  • «La part de ceux qui veulent un compromis dans la guerre est en forte hausse» depuis 2024.
  • La part de ceux qui disent que «la Russie est un ennemi» est en forte baisse (de 64% à 34%).

Ces chiffres ne disent bien sûr pas tout, mais ils peignent un sentiment qu’il s’agit de ne pas ignorer pour autant. Pour beaucoup d’Américains (et pas seulement), Donald Trump est bel et bien en train de devenir l’artisan de la paix dans le monde. Au diable les conséquences.

Sans doute à tort, une large frange de cette opinion publique préférerait, en effet, que cette lointaine Ukraine perde encore quelques lopins de terre, si ça peut déboucher sur une paix durable. Certes, c’est une tendance taillée de près par des discours populistes qui ont rarement été aussi bruyants. Mais la paix version Donald Trump, bien qu’intéressée, biaisée et dangereuse pour la stabilité du monde, résonne dans les esprits.

Mardi matin, alors que la décision de couper les vivres aux troupes de Volodymyr Zelensky se propageait comme un tsunami depuis la Maison-Blanche, une réponse, européenne cette fois, tentait d’en atténuer le choc: un plan de 800 milliards d’euros pour «réarmer l’Ukraine», annoncé par Ursula Von der Leyen.

Si l’Otan a tout intérêt à (dé)montrer qu’elle tient le coup sans le grand frère américain, la rhétorique choisie pour soutenir l’Ukraine pourrait donner du grain à moudre àTrump & co, qui ont compris l’importance du mot «paix», qu’importe son prix. Car «réarmer» un pays à coups de milliards, trois ans après l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine et dans les oreilles d’une population fatiguée de la guerre, ne fait plus croire à la paix.

Le fameux mantra «America First», après l’immigration et les taxes douanières imposées à la moitié du globe, s’incarne parfaitement dans cette suspension provisoire de l'aide militaire:

«J'ai toujours été convaincu qu'à cause de leur géographie humaine et physique, malgré la bulle interventionniste de Washington, les Etats-Unis étaient isolationnistes par nature et qu'ils y reviendraient tôt ou tard»
Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis, sur X.

L’expert en politique internationale y va sans doute un peu fort, mais l’idée est là: «C’est en cours et c'est irréversible». Donald Trump agit pour lui-même. Et l’Europe aura peut-être besoin de trouver d’autres stratégies que d’agir en réaction à cette grande puissance, qui commence tout juste à se couper du monde, en n'oubliant pas de le torturer au passage.

Donald Trump n'a pas aimé se faire sermonner
Video: watson
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