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Guerre en Ukraine: pourquoi les antivax sont devenus pro-Poutine

Pourquoi les antivax d'hier sont les pro-Poutine d'aujourd'hui

epa09815011 Russian President Vladimir Putin attends a videoconference meeting with Government members at the Kremlin in Moscow, Russia, 10 March 2022. The meeting focuses on minimising the impact of  ...
Image: sda
La propagande de guerre du dirigeant russe séduit aujourd'hui ceux qui n'ont cessé pendant deux ans de répandre des fake news au sujet du Covid.
11.03.2022, 06:1610.05.2023, 18:25
Oliver Wietlisbach
Oliver Wietlisbach
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Le cercle des antivax et complotistes en tout genre a trouvé un nouveau pôle d'intérêt: la propagande mensongère de Poutine. Ces antisystèmes relativisent ou nient carrément l'invasion russe en Ukraine.

Les antivax se sont transformés en zélateurs de Poutine.

Pourquoi les antisystèmes reprennent-ils les mensonges de Poutine?

«Certains de ces antisystèmes ne peuvent tout simplement plus sortir de leur vision paranoïaque du monde. Ils pensent assister à une mise en scène de l'attaque russe dans le seul but de faire taire les protestations contre les mesures sanitaires», écrit le portail en ligne allemand volksverpetzer.de, qui combat les fake news.

«La peur de la guerre en Ukraine remplace la peur du Covid. Ne vous faites pas avoir!»
«La peur de la guerre en Ukraine remplace la peur du Covid. Ne vous faites pas avoir!»image: @fahrradfalko

Ce n'est pas un hasard si les coronasceptiques et les antivax relativisent la guerre en cours. Des études récentes montrent que ceux qui croient aux récits conspirationnistes ou se méfient du gouvernement sont plus vulnérables à la propagande que le reste de la population.

Même les journalistes fact-checkeurs, attachés aux faits, ne parviennent pas à ouvrir les yeux de ces individus, pour qui les médias feraient partie intégrante du complot.

«Dans les cercles conspirationnistes, le régime de Poutine et ses canaux de communication sont considérés comme des sources d'infos vraies qui s'opposent de façon héroïque au complot mondial. Ce conspirationnisme est activement entretenu par le Kremlin», explique Marko Kovic, chercheur en sciences sociales et expert en récits complotistes.

Kovic énumère six raisons «pour lesquelles une grande partie des opposants aux mesures sanitaires adhère au conspirationnisme»:

  1. Etat d'esprit conspirationniste: «Il est rare de ne croire qu'à une seule théorie du complot. La pensée conspirationniste est un état d'esprit général, des lunettes à travers lesquelles on regarde le monde. C'est pourquoi, pour certaines personnes, il doit y avoir une conspiration derrière la guerre en Ukraine.»
  2. Méfiance à l'égard des institutions: «Plus les gens adhèrent aux théories du complot, moins ils font confiance aux institutions politiques et aux personnes compétentes.»
  3. Méfiance à l'égard du journalisme: «La pensée conspirationniste installe la croyance selon laquelle les journalistes et les médias d'information font partie du complot. Les médias nous auraient déjà menti au sujet du Covid, et ils mentiraient par conséquent aussi au sujet de la guerre en Ukraine.»
  4. Appartenance à un groupe: «Un facteur important dans les théories du complot est l'apparition d'un "nous". La pandémie a vu surgir une sorte de bloc identitaire opposé aux mesures sanitaires. Cette appartenance identitaire trouve aujourd'hui un nouveau terrain d'expression avec la guerre en Ukraine.»
  5. Hostilité à la démocratie: «Les mouvements conspirationnistes véhiculent souvent des attitudes et des valeurs antidémocratiques. Les antivax ont protesté contre une "dictature sanitaire", mais ils n'ont aucun problème avec les dictatures réelles comme le régime de Poutine.»
  6. Les coûts irrécupérables: «Les opposants aux mesures sanitaires ont consacré beaucoup de temps et d'énergie à se donner une vision du monde. Abandonner la partie maintenant, cela leur ferait mal. Le principe est donc le suivant: le combat doit continuer, une nouvelle conspiration doit voir le jour.»

Des mensonges sur la vaccination à ceux sur la guerre

Les antisystèmes qui répandent la désinformation de Poutine en Occident sont légion. Parmi eux, le chanteur alémanique Michael Wendler. Sur son compte Telegram qui compte près de 140 000 abonnés, il diffuse des fake news sur les évènements d'Ukraine.

De notre côté du Röstigraben, les complotistes s'en donnent aussi à cœur joie. A commencer par la désormais très médiatique youtubeuse – mais aujourd'hui privée de son compte – Chloé Frammery. La Genevoise sélectionne les informations qu'elle souhaite partager à sa communauté sur Twitter. 👇

Notons qu'elle se montre critique envers le camp ukrainien sans jamais remettre en question Vladimir Poutine et sa politique expansionniste. L'objectif à travers ce travail de sape est de faire croire à des choses cachées, à l'existence d'un Etat profond, alors que ces éléments sont connus de longue date.

En parlant de Poutine, le discours du président russe a également fait du chemin dans les milieux complotistes:

Ainsi, le groupe Telegram «Freiheitliche Trychler», bien connu pour relayer les thèses fallacieuses anti-Covid et qui rassemble environ 5700 opposants aux mesures sanitaires, continue de propager de fausses informations. L'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) aurait, par exemple, commencé à bombarder Louhansk et Donetsk, il y a deux ou trois semaines.

Le groupe Telegram suisse «Freiheitliche Trychler» répand la propagande du Kremlin.
Le groupe Telegram suisse «Freiheitliche Trychler» répand la propagande du Kremlin.screenshot: srf

L'Alliance des cantons primitifs pour une politique Covid raisonnable (en allemand: Aktionsbündnis Urkantone für eine vernünftige Corona-Politik) parle «d'incitation à la haine contre les Russes» et de «rupture de la neutralité», car la Suisse soutient les sanctions de l'UE contre la Russie.

Les opposants aux mesures Covid voient dans l'interdiction des médias de propagande russes Sputnik et RT (anciennement Russia Today) dans l'UE «la fin de la liberté d'expression» – un comble au vu de la censure généralisée des médias en Russie.

L'organisation «Aufrecht Schweiz», créée par des opposants aux mesures, s'est elle aussi fait entendre: elle a accusé le coprésident du Parti socialiste Cédric Wermuth d’avoir «appelé à une cyberattaque contre le Kremlin». L'élu avait posté sur Twitter un lien menant à un service (désormais indisponible) censé paralyser les sites de propagande russes. L'élu a déclaré à 20 Minuten:

«Les coronasceptiques cherchent manifestement désespérément à attirer l'attention. Je ne me laisse pas avoir par ces adorateurs de Poutine»

Depuis l'annexion de la Crimée en 2014, la propagande du Kremlin est déjà diffusée par la chaîne de télévision sectaire suisse kla.tv. Depuis deux ans, cette Web TV appartenant à la secte Organic christ generation (OCG) d'Ivo Sasek diffuse aussi des fake news sur la pandémie et attise la peur du vaccin. Aujourd'hui encore, les médias de Sasek suivent la ligne directrice de Poutine. Le message du chef de la secte est toujours le même: les médias mentent, lui seul dit la vérité.

Le corona-sceptique suisse Daniel Stricker s'est lui aussi révélé être partisan de Poutine. Stricker est devenu le messie des opposants aux mesures sanitaires grâce à ses talk-shows offensifs sur YouTube. Parmi ses invités, on retrouve le conseiller national UDC Roger Köppel, l'humoriste et anti-vax Marco Rima ou encore Nicolas Rimoldi, fondateur du mouvement corona-sceptique Mass-Voll.

Mars 2021: le conseiller national UDC Roger Köppel (à droite), invité de Daniel Stricker.
Mars 2021: le conseiller national UDC Roger Köppel (à droite), invité de Daniel Stricker. screenshot: youtube / strickertv

Comme tous les complotistes qui regrettent déjà le Covid, Stricker a besoin d'un nouveau sujet pour gagner des abonnés et conserver ceux qu'il a déjà. Kovic, expert en récits de conspiration, résume cela en une phrase: «The show must go on».

Le mouvement américain QAnon tient lui aussi des propos farfelus: «Poutine vient peut-être d'empêcher la prochaine "épidémie" mondiale... De nombreuses cibles qu'il bombarde en Ukraine sont des laboratoires biologiques américains, financés en grande partie par les National Institutes of Health (NIH)», lit-on sur les canaux Telegram du mouvement conspirationniste.

Chez nos voisins français, ces théories fumeuses trouvent également un chemin parmi les politiciens. Comme le patron des Patriotes et ex-numéro 2 du Front national (aujourd'hui Rassemblement national) Florian Philippot. 👇

La guerre de désinformation de Poutine

En début de semaine, la chaîne RT, contrôlée par le Kremlin, annonçait: «L'Ukraine prépare une riposte avec une possible contamination radioactive» et «La Russie présente des preuves de la fabrication d'armes biologiques en Ukraine». Malgré l'interdiction d'émettre dans l'UE, la machine à propagande de Poutine continue son activité sur la toile.

Pour rappel, l'armée de trolls de Poutine mène depuis de nombreuses années une guerre de désinformation bien documentée contre l'Occident. «Les gens qui y travaillent sont payés par l'État russe pour diffuser de fausses informations ciblées dans les médias occidentaux», explique Myriam Dunn Cavelty, experte en cybersécurité à l'ETH Zurich, à l'Aargauer Zeitung.

Ainsi, RT DE a été ces deux dernières années l'une des principales sources des corona-sceptiques et des antivax dans l'espace germanophone. Des chercheurs de l'Institut pour le dialogue stratégique (ISD) ont examiné 279 chaînes Telegram germanophones appartenant aux milieux d'extrême droite et à l'idéologie conspirationniste. Résultat: la chaîne de télévision fidèle à l'Etat russe faisait partie des sources les plus populaires.

Le fait que les anticonformistes alimentent et répandent désormais la propagande du Kremlin en est la conséquence logique.

(avec jah)

Traduit de l'allemand par Tanja Maeder

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Video: watson
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