Les combats auront duré moins de 24 heures, du moins officiellement. Depuis la fin de la matinée de mercredi, un cessez-le-feu est en vigueur dans la région du Haut-Karabakh, disputée entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Et ce serait Moscou qui a servi d'intermédiaire pour les discussions de paix. La Russie, considérée comme la puissance protectrice de l'Arménie, s'est tournée vers l'Azerbaïdjan pour faire taire les armes.
Marcel Röthig, directeur du bureau du Caucase pour la Fondation allemande Friedrich Ebert (FES), qui agit en faveur de la démocratie, est l'un de ceux que cette question préoccupe le plus.
Selon l'expert, Poutine aurait même désormais plutôt tendance à sympathiser avec l'Azerbaïdjan, l'adversaire de l'Arménie.
En tant qu'ex-république soviétique, l'Arménie est historiquement très liée à son grand frère russe. Le pays est membre de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), dominée par la Russie. Fondée en 2002, elle a également comme membres la Biélorussie et le Kazakhstan. Mais cette alliance militaire n'a que peu de valeur pour l'Arménie:
Après l'offensive d'il y a trois ans, l'Azerbaïdjan a repris une grande partie du Haut-Karabagh aux Arméniens. Depuis, la Russie a déployé 2000 soldats dans la région, en tant que forces de maintien de la paix.
Ceux-ci sont toutefois très passifs, affirme Marcel Röthig, qui explique que lors de l'assaut azerbaïdjanais de cette semaine, les soldats russes ne sont pas intervenus. La Russie ne livre plus d'armes à l'Arménie, souligne l'expert. Et d'ailleurs:
Pachinian est arrivé au pouvoir en 2018 en tant que chef de gouvernement démocratiquement élu, après une révolution. «Mais Poutine craint cette révolution», explique Marcel Röthig. «La Russie espère voir apparaître un changement de gouvernement en Arménie, qui ramènerait au pouvoir les anciennes élites fidèles à la Russie».
Des protestations ont repris cette semaine dans la capitale arménienne Erevan. Elles exigent entre autres la démission de Nikol Pachinian. Marcel Röthig y voit un danger pour la jeune démocratie de l'ex-république soviétique.
Nikol Pachinian a en outre qualifié d'erreur le fait de s'être rendu dépendant de la Russie sur les questions de sécurité. Le pays élargit donc son réseau. L'Arménie entretient déjà de bonnes relations avec l'Iran et a décidé de se tourner vers les Etats-Unis.
Il y a un an, la présidente de la Chambre des représentants américaine s'est rendue à Erevan. Elle était la première invitée d'État de haut rang en Arménie. Mi-septembre, les Américains ont organisé un exercice militaire avec l'Arménie, que Moscou a qualifié «d'action inamicale».
Mais Poutine ne se détourne pas seulement de l'Arménie — il se tourne aussi activement vers l'Azerbaïdjan. Deux jours seulement avant l'attaque contre l'Ukraine, Poutine a rencontré le dirigeant azerbaïdjanais Ilham Aliyev à Moscou en février 2022 et a conclu un accord de grande envergure. Dans celui-ci, les deux autocrates ont décidé «d'adopter des positions identiques ou similaires sur les questions internationales actuelles et d'approfondir une coopération constructive», écrit le portail américain Eurasianet.
En outre, les deux États s'engagent à «s'abstenir de toute action qui, de l'avis de l'une des parties, porterait atteinte au partenariat stratégique et aux relations d'alliance des deux États». L'accord stipule en outre que les deux États s'entraident militairement et «peuvent envisager la possibilité de s'accorder une assistance militaire mutuelle». En vue de cet accord, on peut estimer que l'Arménie a quasiment perdu le soutien de la Russie, sa puissance protectrice jusqu'à présent.
Malgré le cessez-le-feu en vigueur, Marcel Röthig continue de penser que l'Azerbaïdjan voudra expulser les Arméniens du Haut-Karabakh. Selon lui, le cessez-le-feu actuel aura peut-être permis d'éviter un nettoyage ethnique:
Traduit et adapté par Noëline Flippe