Lorsque l'analyste financier Peter Arment a étudié cette semaine les chiffres trimestriels d'un grand groupe américain de défense, il a ressenti une légère déception.
Le spécialiste de l'armement, qui travaille pour la société financière Baird, met en avant la guerre en Ukraine, qui a entraîné une augmentation de la demande de systèmes d'armes américains parmi les nations occidentales.
Peter Arment n'est pas seul. Bien que l'on entende régulièrement le reproche selon lequel la guerre en Ukraine arrange l'industrie militaire américaine, cela ne se reflète pour l'instant pas dans les bilans des quatre grandes entreprises d'armement du pays. Certes, les armes de Lockheed Martin, Raytheon technologies, Boeing et General dynamics sont demandées dans le monde entier – mais il n'est pas question, pour l'instant, d'un jackpot pour les actionnaires de ces groupes cotés en bourse.
👉 Suivre notre direct sur la guerre en Ukraine 👈
La division «Missiles & Defense» de Raytheon, qui produit le système Patriot actuellement très demandé, a annoncé une baisse de son chiffre d'affaires de 0,7 milliard de dollars en 2022, pour atteindre 14,9 milliards de dollars. Le bénéfice net a baissé de 0,4 milliard de dollars par rapport à l'année précédente pour atteindre 1,6 milliard de dollars – ce qui a entraîné une baisse de la marge bénéficiaire à 10,6%.
De leur côté, les revenus de la division «Combat Services» de la multinationale de l'armement General dynamics, fabricant du char de combat Abrams, ont stagné à 7,3 milliards de dollars en 2022. Le bénéfice de la division est resté inchangé à un peu plus d'un milliard de dollars, ce qui correspond à une marge de près de 15%.
Ce sont certes des chiffres solides si l'on tient compte des problèmes de la chaîne d'approvisionnement et de la crise des puces électroniques auxquels les entreprises de production ont dû faire face ces derniers mois. Mais la présentation des résultats trimestriels des quatre grandes entreprises de défense n'a pas déclenché de feu d'artifice sur les marchés boursiers américains au cours de la première moitié de la semaine.
Depuis le début de l'année, l'indice S&P Aerospace & Defense Select Industry a progressé de 4,8%. Le Nasdaq composite a progressé de 8,9%, tandis que l'indice directeur Dow Jones de la bourse de New York a enregistré une hausse de 1,8%.
Cette réaction plutôt prudente n'a évidemment pas échappé aux représentants de l'armement. Ils renvoient donc les investisseurs aux prochains mois, en faisant également référence à l'important retard de travail et aux carnets de commandes bien remplis. Greg Hayes, directeur du groupe Raytheon technologies, a ainsi déclaré: «Je pense que si nous regardons vers 2023 puis 2024», la branche «Missiles & Defense» possède en interne le «plus grand potentiel de croissance». Notamment parce que le Pentagone veut à nouveau remplir ses propres arsenaux, après que les Etats-Unis ont livré à l'Ukraine, au cours des onze derniers mois, des armes et des munitions provenant de ses propres stocks.
Le même son de cloche se fait entendre chez les concurrents, les produits des principales entreprises américaines de défense étant souvent complémentaires et non directement concurrents. Le président américain Joe Biden a ainsi annoncé mercredi que son gouvernement allait commander 31 chars de combat M1 Abrams à General dynamics pour l'Ukraine. Cette commande pourrait à elle seule faire entrer plus de 300 millions de dollars dans les caisses de l'entreprise d'armement. «Nous avons une capacité suffisante», a déclaré mercredi la directrice de General dynamics, Phebe Novakovic. Néanmoins, il faudra probablement de nombreux mois avant que les Abrams n'arrivent en Ukraine, dit-on à la Maison-Blanche.
Les caisses dans lesquelles le gouvernement américain veut puiser pour payer la facture des nouveaux chars sont bien remplies, avec une somme de plusieurs dizaines de milliards expressément réservée à l'Ukraine. A cela s'ajoutent près de 145 milliards de dollars venus du budget régulier du Pentagone pour l'acquisition de nouveaux systèmes d'armes. A titre de comparaison, l'armée suisse veut acquérir cette année des systèmes d'armes et de nouvelles munitions pour une valeur équivalente à 0,8 milliard de dollars.