L'arme repose sur l'épaule, à quelques centimètres de la tête. Lorsqu'un soldat tire un missile à partir du tube de lancement du «Carl Gustav», celui-ci s'élance à une vitesse pouvant atteindre 800 kilomètres par heure. Il peut détruire des chars, percer des bâtiments et a une portée allant jusqu'à 1000 mètres. Et elle est utilisée dans le monde entier. Problème: l'arme déclenche une onde de choc si massive, envoyée directement au cerveau par la tête, qu'elle provoque des dégâts considérables.
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Des lésions cérébrales dues au tir du Carl Gustav ont déjà été démontrées. Des soldats ont subi des commotions cérébrales, des problèmes de mémoire, des temps de réaction réduits et une moins bonne coordination que d'habitude. Pour les troupes qui doivent être réactives au combat, cela peut être dévastateur.
Le New York Times vient de publier une enquête sur les dangers que représente cette utilisation et indique que malgré cela, l'arme portable est largement utilisée – depuis des décennies. Elle fait partie intégrante de nombreuses armées, à savoir celles des Etats-Unis, de l'Allemagne, du Canada, du Royaume-Uni et de l'Autriche.
En effet, ce système d'armes est considéré comme particulièrement efficace. Il est comparativement léger et son utilisation est flexible. Le fabricant suédois Saab fait valoir qu'il confère un avantage tactique aux fantassins: il aide à neutraliser les chars et les troupes ennemies, à éliminer les obstacles et à combattre les ennemis dans les bâtiments.
L'année dernière, l'armée ukrainienne a reçu le Carl Gustav, et selon certaines informations, le Canada, entre autres, l'a envoyé avec ses munitions. Le magazine Focus fait état d'une livraison d'au moins 5000 pièces l'année dernière, sans préciser le pays d'origine. Au combat, l'arme aurait ensuite neutralisé des chars russes près de Kharkiv, dans le sud du pays.
Malgré les risques connus depuis longtemps, le Carl Gustav est un moyen de défense très demandé. En 2018, le chercheur militaire américain et ancien ranger de l'armée Paul Scharre a présenté un rapport sur les lésions cérébrales causées par l'arme - rien n'a été fait, a déclaré Scharre au New York Times, «c'est extrêmement frustrant». Le ministère américain de la Défense est au courant du problème et a financé les recherches de Scharre.
Les ondes cérébrales ainsi que les modifications de l'hémogramme des soldats ont été étudiées pendant trois ans, directement et les jours qui ont suivi le tir de l'arme. Des capteurs placés sur les casques et les gilets de protection ont montré que le lance-roquettes Carl Gustav M3 avait un effet explosif souvent deux fois plus élevé que la limite supérieure recommandée. Conséquence: le cerveau est violemment secoué. Il peut certes se remettre d'un tel traumatisme de courte durée, mais si celui-ci se reproduit, il peut laisser de graves séquelles.
Le chercheur principal de l'étude américaine, Michael Roy, met donc en garde contre le fait que les soldats peuvent être sensiblement affectés dans leurs performances sur le terrain.
Le sujet a également été débattu au Congrès américain. Des vétérans se sont plaints du fait que le problème était connu de tous, mais que rien n'était fait pour y remédier. Le père d'un soldat qui a servi pendant dix ans, entre autres en Afghanistan, a raconté au journal américain que son fils ne pouvait plus dormir, avait des crises de panique, des maux de tête et des problèmes de mémoire suite à son usage du Carl Gustav. Il se plaignait que «quelque chose n'allait pas dans sa tête», a déclaré le père. Le soldat est devenu alcoolique après son retour et il s'est suicidé en 2017.
Le Pentagone a réagi aux études et aux accusations en soulignant qu'il était en train d'examiner les effets de l'arme. De même, une étude avec des appareils de mesure portatifs sur les soldats devait fournir plus d'informations. Mais c'est aussi tombé à l'eau et rien n'a apparemment été fait jusqu'à aujourd'hui. Tout au plus, les soldats auxiliaires auraient été invités à se tenir plus éloignés de la personne qui manipule l'arme au moment du tir. Dans sa publication, Paul Scharre écrit que l'armée n'a pas donné suite aux conseils des chercheurs d'utiliser des casques plus modernes et une protection spéciale du visage qui pourraient réduire les ondes de choc.
Alors que les autorités compétentes ne semblent pas agir, d'autres études ont montré que les soldats exposés à de telles ondes de choc provoquées par des explosions développaient plus souvent des troubles anxieux, des dépressions et des migraines. De plus, le risque de développer des troubles psychiatriques augmentait. Selon le New York Times, les soldats et les marins exposés aux ondes de choc de l'artillerie lourde en Syrie et en Irak sont rentrés chez eux avec des problèmes psychiques et physiques mettant leur vie en danger.
La production des armes se poursuit malgré tout: le 22 novembre, le fabricant Saab annonce sur son site Internet qu'il a reçu une commande pour ce système d'armes portable. Il n'a pas révélé le nom du client, mais seulement ceci: la valeur de la commande s'élève à environ 1,3 milliard de couronnes suédoises (environ 109 millions de francs suisses). «Les livraisons sont prévues entre 2024 et 2025.»
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)