Il y a encore quelques décennies, le cheddar était plus ou moins le seul fromage produit et vendu en grandes quantités au Canada.
Mais dans les années 1980, les spécialités plus raffinées ont connu un boom. Le Québec et les immigrants européens, dont le Suisse Fritz Kaiser, ont joué un rôle important dans le développement de l'offre. La Fromagerie Fritz Kaiser à Noyan, près de Montréal, est réputée loin à la ronde.
Fritz Kaiser tire une planche de pin des étagères où sont stockés des fromages à raclette ronds ou rectangulaires. Quatre fromages, pesant chacun environ quatre kilos, sont posés sur la planche. Il les examine, hoche la tête avec satisfaction et sourit.
Il y a plus de 40 ans, alors qu'il venait d'arriver de Suisse à l'âge de 21 ans, Fritz Kaiser a déposé une demande d'autorisation pour produire. Il se souvient:
Il a seulement pu produire deux types de fromages: une raclette et un fromage de style Tilsit, qu'il a ensuite appelé «Noyan», du nom de son lieu de résidence. Le succès a été immédiat. Le produit a trouvé son public et, avec le recul, il peut sans doute se considérer à juste titre comme «l'un des pionniers de la fabrication de la raclette canadienne».
Au sud de Montréal, la Fromagerie Fritz Kaiser se trouve à quelques kilomètres seulement de la frontière avec les Etats-Unis. A côté des halles de fabrication et de stockage, une boutique coquette accueille les visiteurs et leur présente toute la gamme disponible.
Elle propose également des pains, des confitures, des huiles, des crackers, des tapenades et d'autres spécialités. Mais la star du magasin, c'est bien sûr la banque à fromages, et ses deux douzaines de sortes. Fritz Kaiser raconte:
La période de Noël est particulièrement chargée. C'est alors que les amateurs de fromage viennent des régions voisines du Québec et de l'Ontario, mais aussi des Etats américains du Vermont, de New York et du New Hampshire.
Le Canada a toujours été une destination convoitée par les candidats suisses à l'émigration, surtout dans le domaine de l'agriculture. A partir des années 1970, la hausse des prix des terres agricoles a poussé les agriculteurs et viticulteurs suisses au Canada.
La famille Kaiser possédait une ferme à Rümlang, près de Zurich. «Nous étions actifs dans l'industrie laitière», raconte Fritz Kaiser, aujourd'hui âgé de 65 ans. En 1974, il a commencé son apprentissage à la grande laiterie Toni à Zurich, qui était alors la plus grande entreprise de transformation du lait en Europe jusqu'à sa fermeture en 1999.
Fritz Kaiser est arrivé à Noyan en 1978. Trois ans plus tard, il a ouvert sa propre entreprise. Il se rappelle:
Il produisait au maximum 60 kilos de fromage par jour.
Des chiffres très différents aujourd'hui: chaque jour, 30 000 à 35 000 litres de lait sont livrés par la ferme familiale et d'autres de la région, de quoi obtenir trois à quatre tonnes et demie de fromage. Cela représente environ 660 tonnes par an.
Plusieurs fromages Kaiser ont remporté des prix dans des concours nationaux et internationaux, notamment le Grand Prix des Fromages Canadiens, et des médailles d'or au World Cheese Award.
Fritz Kaiser vend environ 20% de sa production en direct, à la ferme. Parmi ses clients, il y a aussi des magasins au Québec et des grossistes comme Costco. Les commandes en ligne arrivent de tout le Canada, même de la Colombie-Britannique, une province du Pacifique située à plusieurs milliers de kilomètres.
Christin, la femme de Fritz Kaiser, sort de la cave à fromages. Avec sa main gauche, elle tient en équilibre, comme une serveuse expérimentée, une planche avec quatre meules de fromage. Il y en a pour plus de seize kilos. Le travail dans une fromagerie est difficile. Le «lavage», une étape importante dans la production de diverses sortes, en fait partie.
Il s'agit de laver la croûte du fromage avec une solution légèrement salée pour le «graisser». «Ma femme est notre laveuse la plus rapide», explique l'expatrié. La tâche incombe désormais à des machines commandées par ordinateur, qui lavent 800 pièces par heure.
La Fromagerie Kaiser emploie 20 à 25 collaborateurs fixes. Et son responsable voit l'avenir avec sérénité.
Selon les données de l'OCDE, la consommation de fromage au Canada (11,7 kilos par personne en 2010) atteint maintenant environ 14 kilos. Elle continuera à augmenter lentement mais sûrement dans les années à venir. Après avoir développé sa fromagerie ces dernières années, Fritz Kaiser s'y prépare:
Traduit et adapté par Valentine Zenker