Vladimir Poutine annonce une «mobilisation partielle». C'est inédit. C’est même une première pour le pays depuis la chute de l'Union soviétique. Et une première depuis le début du conflit, il y a maintenant sept mois. Si une mobilisation totale aurait été un geste kamikaze pour la crédibilité du Kremlin, cette demi-décision militaire sera d'abord une prise de conscience frontale pour le peuple:
La Russie est en guerre.
Engagé jusqu'ici à nier, du moins à minimiser fortement l'agression frontale de l'Ukraine, le Kremlin fait, aujourd'hui, entrer avec fracas la réalité de la guerre dans tous les foyers russes. Dans l'esprit des Russes, ce ne sont plus uniquement des soldats professionnels chargés d'une mission soi-disant spécifique, mais un ordre de marche officiel.
Aujourd'hui, le frère ou le voisin de palier ira se battre au front. Ordre du chef de guerre. Il sera donc impossible pour Poutine, désormais, de continuer à invoquer sa fameuse «opération militaire spéciale» censée rassurer la population locale sur les véritables desseins de son président.
Non seulement les Russes découvrent que leur nation est véritablement en guerre, mais ils réalisent, dans la foulée, que la partie est loin d'être gagnée. Car derrière cette décision, Vladimir Poutine concède du même coup que l'engagement d'éventuels volontaires a fait un bide suffisamment retentissant pour devoir réveiller formellement «300 000 réservistes».
Bien sûr, cette mobilisation n'est pas que rhétorique: l'armée russe a perdu beaucoup d'hommes ces dernières semaines. Mais tout comme le sont les référendums organisés à toute pompe dans les territoires annexés, cette annonce tonitruante de «mobilisation partielle» sert avant tout une propagande interne au régime qui, jour après jour, dévoile ses failles.
Pressé de toute part, Poutine ne pouvait sans doute pas se permettre de faire une pierre trois coups: maintenir son peuple dans un demi-sommeil, effrayer l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) avec une menace nucléaire à peine déguisée et taper sur le moral des troupes ukrainiennes (regonflé à bloc par ses contre-offensives) en martelant que le maître du Kremlin n'est pas encore à l'agonie.
Le 21 septembre 2022, après sept mois de conflit, une «mobilisation partielle» est une guerre «totale». Et pour être en mesure de tester la solidité de son influence, à l'intérieur de ses frontières comme en dehors, Moscou a donc dû se résoudre à sacrifier l'ignorance de ses citoyens tout en pariant qu'ils seront nombreux, convaincus et motivés à se ruer sous les drapeaux.
Un coup de poker (puisqu'il dit lui-même que «ce n'est pas du bluff») qui pourrait très vite virer à la roulette russe.