Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, a dû rire fort en découvrant la réaction de sa voisine. A partir de mardi, la Corée du Sud tout entière a été perturbée pendant plusieurs jours par l'arrivée dans les airs d'une cargaison un peu spéciale: des ballons, mais pas n'importe quels ballons. «Des objets transportant probablement de la propagande nord-coréenne ont été identifiés», indiquait une première alerte officielle envoyée dans la zone frontalière sud-coréenne.
Une alerte qu'il a fallu préciser peu de temps après. Les ballons éclatés et leur contenu jonchaient désormais les rues et les champs de la capitale Séoul et des plus petites villes: «La Corée du Nord envoie plus de 260 ballons de baudruche remplis de déchets en Corée du Sud», annonçait l'agence de presse sud-coréenne Yonhap. Le journal JoongAng Ilbo a ajouté:
Les autorités sud-coréennes n'apprécient pas du tout la blague. «Ces actes de la Corée du Nord violent clairement le droit international et menacent la sécurité de nos citoyens», a déclaré Lee Sung-jin, porte-parole du ministère de la Défense.
Lim Eul-chul est professeur à l'université de Kyungnam, dans le sud du pays. Il s'est exprimé sur la chaîne de télévision sud-coréenne Arirang: «Si la situation se dégrade, elle peut déboucher sur un conflit militaire». Le gouvernement sud-coréen doit désormais garder son sang-froid, «plus que jamais». Yang Moo-jin, président de l'Université des études nord-coréennes à Séoul, est lui aussi alarmiste:
Pyongyang a revendiqué les faits depuis longtemps, vraisemblablement sans une once de culpabilité. Kim Yo-jong, la sœur du dictateur Kim Jong-un et haute fonctionnaire du régime de son frère, a estimé face aux médias d'Etat n'avoir fait qu'exercer sa liberté d'expression. Peu avant, la Corée du Nord avait déjà évoqué un lâcher de ballons. La situation est tendue.
Au nord donc, on se réjouit du succès de la manœuvre. En revanche, le gouvernement de l'Etat dictatorial a attendu jusqu'à mercredi pour reconnaître l'échec de sa tentative de lancer un satellite dans l'espace lundi. En novembre, la Corée du Nord avait certes déjà placé un satellite en orbite, mais trois autres sont prévus. Le projet piétine et les pays occidentaux y voient une violation des sanctions de l'ONU.
Il en va tout autrement des ballons piégés, qui ont complètement atteint leur but. Il faut dire que les deux états ont une vaste expérience dans le domaine. Des activistes de Corée du Sud - dont beaucoup ont fui le Nord - ont envoyé pendant des années des ballons remplis de gaz au-dessus de la frontière. Ils y avaient attaché des tracts appelant à la chute du régime nord-coréen. Ou encore des clés USB contenant de la pop sud-coréenne.
Par ailleurs, des messages de propagande ont été envoyés par avion du Nord vers le Sud. Et l'idée était de mettre un terme à tout cela. Lorsque les deux états se sont rapprochés à partir de 2018, le gouvernement sud-coréen, alors libéral, a rapidement promulgué une loi interdisant de telles actions. Mais l'année dernière, la Cour constitutionnelle a annulé le texte, estimant qu'il restreignait la liberté d'expression.
Et le gouvernement actuel – désormais conservateur – ne devrait rien faire pour limiter ce droit. Le vice-ministre nord-coréen de la Défense a déclaré à propos du lâcher de ballons que le Sud allait maintenant prendre la mesure de «l'effort à fournir pour nettoyer tout cela». En Corée du Sud, on s'attend encore à des actions de l'ennemi. Reste à savoir quelle réponse apportera Séoul à tout cela.
D'autant plus que la Corée du Nord est repassée à l'offensive jeudi. Mais cette fois-ci, en recourant à des engins pouvant réellement et sérieusement menacer la sécurité des citoyens. Pyongyang a lancé une dizaine de missiles balistiques à courte portée en mer. De quoi presque donner l'impression que tout était redevenu comme avant.
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker