Le service anticorruption chargé de l'enquête sur la loi martiale en Corée du Sud a annoncé lundi qu'il allait demander à la justice un délai supplémentaire pour arrêter le président déchu Yoon Suk Yeol. Il n'a pas été en mesure de l'arrêter dans le laps de temps imparti initialement.
Le mandat d'arrêt délivré le 31 décembre par un tribunal de Séoul expire lundi à minuit (16h00 en Suisse). «Nous comptons demander une prolongation aujourd'hui, ce qui nécessite d'indiquer les raisons du dépassement du délai standard de sept jours», a déclaré lundi matin lors d'un point de presse le directeur adjoint du Bureau d'enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO), Lee Jae-seung.
Le CIO a demandé à la police de prendre en main cette arrestation «étant donné son expertise en exécutions de mandat d'arrêt», a-t-il ajouté. La police n'a pas immédiatement répondu à cette requête.
Vendredi, les enquêteurs du CIO appuyés par des policiers étaient entrés dans la résidence du président pour l'appréhender. Mais ils s'étaient heurtés à une unité de l'armée et à des agents du Service de sécurité présidentiel (PSS) deux fois plus nombreux qu'eux. Ils ont dû battre en retraite, bredouilles, après six heures de face à face tendu.
Lee a par ailleurs indiqué que le CIO avait envoyé samedi une lettre au président par intérim Choi Sang-mok «pour exiger la coopération du Service de sécurité présidentiel au sujet du mandat». «Mais nous n'avons pas reçu de réponse», a-t-il déploré.
Ancien procureur vedette élu en 2022, Yoon Suk Yeol, a été destitué par l'Assemblée nationale le 14 décembre. Il est visé par une enquête pour «rébellion», un crime passible de la peine de mort, pour avoir instauré par surprise la loi martiale le 3 décembre et envoyé l'armée au Parlement pour le museler, avant de faire marche-arrière peu après sous la pression des députés et de milliers de manifestants prodémocratie.
Comme tous les jours depuis le 31 décembre, des centaines de partisans inconditionnels de Yoon étaient présents lundi matin, dans la brume, près du domicile du président déchu, prêts à en découdre en cas de nouvelle tentative d'arrestation par le CIO, ont vu des journalistes de l'AFP sur place. Ils étaient surveillés par de nombreux policiers
Une trentaine de députés du Parti du pouvoir au peuple (PPP), la formation de droite de M. Yoon, sont arrivés à l'aube à la résidence présidentielle, près de laquelle manifestent également une cinquantaine de détracteurs du président déchu.
«Le CIO est une des agences les plus incompétentes que j'aie jamais vue. Je suis ici depuis plus longtemps que le CIO. Cela n'a pas de sens qu'ils ne puissent pas le faire. Ils doivent l'arrêter immédiatement», s'énerve l'une de ces manifestantes, Kim Ah-young, la trentaine.
Ce psychodrame se déroule au moment où le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken est à Séoul, première étape d'une tournée d'adieu qui l'emmènera aussi au Japon et en France. Son programme ne prévoit aucune rencontre avec Yoon.
Les avocats de Yoon soutiennent que le mandat d'arrêt est «invalide et illégal». Leur recours contre ce mandat a été rejeté par un tribunal de Séoul, mais ils ont manifesté leur intention de faire appel.
Le chef du Service de sécurité présidentiel, Park Jong-jun, a invoqué dimanche cet argument pour justifier son refus de laisser arrêter Yoon.
Dimanche, l'un des avocats du président déchu, Yoon Kab-keun, a par ailleurs annoncé le dépôt d'une plainte contre le chef du CIO.
La Cour constitutionnelle de Corée du Sud, qui a jusqu'à mi-juin pour confirmer ou infirmer la destitution de M. Yoon votée par le Parlement le 14 décembre, a annoncé que les audiences commenceraient le 14 janvier. En attendant, Yoon, suspendu, reste officiellement le président du pays. (ats)