Les Palestiniens, les dirigeants arabes et de nombreux pays ont condamné la proposition de Donald Trump d'une prise de contrôle américaine de Gaza et d'un déplacement de sa population. Le président américain affirme lui que «tout le monde adore» cette idée.
Le Hamas a accusé le dirigeant de «jeter de l'huile sur le feu» avec ses déclarations qui ne «contribueront pas à la stabilité» du Moyen-Orient, au moment où doivent reprendre les délicates négociations sur la poursuite de la trêve entre Israël et le mouvement islamiste palestinien.
Donald Trump a fait cette annonce mardi après avoir reçu à la Maison Blanche le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, selon qui cette proposition pourrait «changer l'Histoire».
Le président palestinien Mahmoud Abbas, rival du Hamas, n'a pas hésité à répondre à Trump:
Le projet semble cependant irréalisable tant il se heurte à toutes sortes d'obstacles, parmi lesquels l'attachement des Palestiniens à leur terre, l'opposition des Etats arabes et le droit international.
Donald Trump a répété mardi que les habitants de la bande de Gaza, en ruines après 15 mois de guerre, pourraient aller vivre en Jordanie ou en Egypte, malgré l'opposition de ces pays.
«Les Etats-Unis vont prendre le contrôle de la bande de Gaza», a-t-il dit au côté de Netanyahu, parlant du territoire palestinien comme d'un «chantier de démolition».
Le septuagénaire a affirmé que les Etats-Unis allaient «aplanir la zone et se débarrasser des bâtiments détruits», afin de développer économiquement le territoire. Il a évoqué un projet «à long terme», répétant son voeu de faire de Gaza la «Côte d'Azur du Moyen-Orient».
«Tout le monde l'adore», a déclaré mercredi le milliardaire à la presse alors qu'on l'interrogeait sur les réactions sur son projet. Plus tard, des responsables américains ont semblé mercredi modérer les propos spectaculaires de Donald Trump.
Le président Trump a dit que «les Etats-Unis ne financeraient pas la reconstruction de Gaza», a déclaré mercredi devant la presse la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt.
«Son administration va travailler avec (ses) partenaires dans la région pour reconstruire» le territoire palestinien réduit à l'état de ruines après 16 mois de guerre et en proie à une terrible crise humanitaire, a-t-elle ajouté.
Mais «cela ne veut pas dire qu'il y aura des troupes (américaines) au sol à Gaza, ni que les contribuables américains financeront cet effort», a expliqué Karoline Leavitt.
Mais beaucoup d'habitants du territoire assiégé, rentrés chez eux à la faveur de la trêve, témoignaient de leur volonté de reconstruire.
«Nous sommes revenus malgré les destructions massives (...). Nous sommes revenus parce que nous rejetons catégoriquement d'être déplacés», a indiqué Ahmed al-Minaoui, rentré dans la ville de Gaza.
«Je suis Gazaoui, mon père et mon grand-père sont originaires d'ici (...). Nous n'avons qu'une seule option: vivre ou mourir ici», a ajouté Ahmed Halasa, un habitant de la même ville âgé de 41 ans.
En revanche pour Kfir Dekel, un Israélien de 48 ans qui vit dans la zone frontalière avec Gaza, «le plan de Trump a du sens. Gaza est complètement détruite et il est impossible de réparer tant qu'il y a des gens». «Laissons les partir et construire leur vie ailleurs, et nous ferons vraiment de ce lieu un îlot de paix».
Donald Trump avait déjà suscité l'indignation internationale en proposant de faire «tout simplement le ménage» à Gaza et de transférer ses habitants dans des lieux «plus sûrs» comme l'Egypte ou la Jordanie.
L'Egypte, frontalière de Gaza, a appelé mercredi l'Autorité palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas, à reprendre le contrôle du territoire, d'où elle avait été chassée en 2007 quand le Hamas y a pris le pouvoir.
Le roi Abdallah II de Jordanie a lui réitéré son refus de «toute tentative» de déplacer les Palestiniens, lors d'une rencontre avec Mahmoud Abbas.
Les Emirats arabes unis, l'Arabie saoudite et la Ligue arabe ont aussi rejeté le plan américain.
La France a vu des déclarations «dangereuses pour la stabilité et le processus de paix», estimant que l'avenir de Gaza passe par «un futur Etat palestinien» et non par le contrôle «d'un pays tiers».
Pour le Premier ministre britannique Keir Starmer, les Palestiniens de Gaza doivent pouvoir revenir «chez eux et reconstruire». Le territoire «appartient aux Palestiniens», a aussi affirmé Berlin.
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a en outre rappelé que tout transfert forcé ou expulsion d'un territoire occupé étaient «strictement prohibés».
Opposé à l'accord de trêve, le ministre israélien d'extrême droite Bezalel Smotrich a promis mercredi de tout faire pour «enterrer définitivement» l'idée d'un Etat palestinien. L'organisation israélienne de défense des droits de l'homme B'Tselem a elle qualifié le plan de Trump de «fou».
La rencontre à la Maison-Blanche a coïncidé avec l'annonce d'une reprise des négociations sur le cessez-le-feu à Gaza, dont une première phase de six semaines a débuté le 19 janvier, mais dont la suite reste incertaine.
Le Hamas a annoncé mardi que ces négociations avaient «commencé». Israël a indiqué qu'il enverrait «en fin de semaine» une délégation au Qatar, l'un des trois pays médiateurs avec les Etats-Unis et l'Egypte, pour discuter de la poursuite de la trêve.
La première phase a permis jusqu'à présent la libération de 18 otages retenus à Gaza et d'environ 600 Palestiniens détenus par Israël, un afflux de l'aide humanitaire et le retour de plus d'un demi-million de déplacés dans le nord du territoire.
La deuxième phase doit permettre la libération des derniers otages et la fin définitive de la guerre, avant une dernière étape consacrée à la reconstruction de Gaza.
Au total, 251 personnes avaient été enlevées le 7 octobre 2023 lors de l'attaque du Hamas contre Israël. L'offensive israélienne dans la bande de Gaza a fait au moins 47'518 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU. (ats/afp/svp)